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Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme au Burkina : Yassiya Sawadogo expose « l’imperfection » du cadre juridique

Publié le mardi 4 mai 2021 à 09h30min

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Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme au Burkina : Yassiya Sawadogo expose « l’imperfection » du cadre juridique

Pour son mémoire de master 2, option Droit pénal et sciences criminelles, Yassiya Giovanni Sawadogo s’est penché sur la question du « cadre juridique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (BC/FT) au Burkina Faso ». Devant les membres du jury, le vendredi 30 avril 2021, à l’Institut Universitaire de Formations Initiale et Continue (IUFIC) de l’université Thomas Sankara, il a soutenu qu’en dépit de toutes les initiatives de lutte contre le fléau au niveau national comme international, malgré le nombre élevé de dossiers transmis par la Cellule nationale de traitement de l’information financière (CENTIF) au parquet depuis l’adoption de la loi 016-2016, les statistiques relatives au blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au Burkina Faso sont en constante progression avec une quasi-inexistence de condamnation judiciaires en la matière. Son travail a été sanctionné par la note 15/20.

Le candidat a d’abord défini des termes clés de son mémoire. Ainsi, il entend par blanchiment de capitaux (BC), le fait de dissimuler l’origine illicite des fonds en les réinvestissant dans l’économie légale, par plusieurs procédés suivant le schéma du placement, l’empilage et d’intégration en vue de donner une apparence légitime aux gains illicites. Le placement « consiste à faire entrer les profits illicites dans le circuit économique légal par différents moyens dont le placement bancaire qui est quantitativement le plus important ».

L’empilage « désigne la multiplication de transactions effectuées les unes après les autres de manière à créer un réseau d’une complexité telle que la remontée à la source de l’argent devient très ardue voire impossible ». L’intégration quant à elle, « consiste à réintroduire l’argent en fin de processus dans l’économie légale, en le mêlant de préférence avec des fonds d’origine licites ».

Le crime organisé, principale source de financement des organisations terroristes
Pour ce qui concerne le financement du terrorisme, c’est l’aide financière, de toute forme, au terrorisme ou à ceux qui encouragent, envisagent ou s’engagent dans ce cadre. C’est le fait de fournir ou de réunir des fonds susceptibles d’être utilisés pour commettre un acte terroriste. Tout comme les blanchisseurs, les organisations terroristes financent leurs activités principalement par les fonds issus du crime organisé.

La fluidité des transactions peut être détournée par des réseaux criminels
Il note toutefois qu’il parait moins aisé de dissocier la montée en puissance de la plupart des mouvements terroristes du canal le plus utilisé pour le financement de leurs activités, à savoir le blanchiment des capitaux. Aussi, la fluidité des transactions, bien qu’indispensable pour le développement des économies nationales, peut être détournée par des réseaux criminels à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC/FT). En effet, les pays de l’Afrique de l’Ouest, singulièrement le Burkina Faso, ne sont pas non plus épargnés par le phénomène de BC/FT, a souligné Yassiya Giovanni Sawadogo.

86 milliards de franc CFA pour l’année 2015 au Burkina

Il fait remarquer que le 9 mars 2016, le gouvernement burkinabè annonçait le Blanchiment des capitaux d’un montant de 86 milliards de franc CFA pour l’année 2015. Alors, il se pose la question sur la capacité du dispositif burkinabè à relever efficacement les défis liés à la criminalité financière en luttant, notamment contre le BC/FT. En clair, le cadre juridique burkinabè de lutte contre le BC/FT est-il efficace ? Autrement, les mécanismes burkinabè de lutte contre le BC/FT permettent-ils d’atteindre les objectifs recherchés, à savoir l’éradication du phénomène du BC/FT ?

Une démarche analytique pour aboutir aux résultats

Pour trouver les réponses aux questions, il a adopté une démarche analytique axée sur la recherche documentaire. Cela a consisté à l’exploitation des documents aussi bien physiques qu’électroniques et surtout l’exploitation des échanges avec les différents acteurs administratifs et judiciaires de lutte contre le BC/FT sont entre autres des voies et moyens utilisés par l’impétrant pour parvenir à ses résultats.

Le cadre juridique burkinabè de lutte contre le BC/FT s’organise autour d’un dispositif de prévention et de répression

Pour le candidat, le cadre juridique burkinabè de lutte contre le BC/FT s’organise autour d’un dispositif de prévention et de répression suivant les règles de la politique pénale. Il soutient que le dispositif burkinabè de prévention en matière de BC/FT est basé premièrement sur la lutte contre les infractions primaires sous-jacentes, et sur l’application des mesures universelles et standardisées.

Quant aux techniques de prévention au moyen des mesures universelles et standardisées, il confie qu’elles se rapportent à la mobilisation et à la responsabilisation des personnes assujetties à la lutte contre le BC/FT, constituées d’entités étatiques et non-étatiques avec pour obligation, la vigilance et de déclaration de soupçon. Aussi, elles sont relatives à la mise en œuvre d’une approche de prévention basée sur l’évaluation des risques de BC/FT.

Mettre en place une politique de bancarisation nationale afin de canaliser les transactions financières

Mais, la méconnaissance par personnes assujetties de leurs obligations, la prévalence du système informel financier, le développement fulgurant des actifs virtuels et la non-proactivité des programmes d’évaluation des risques, rendent ces mécanismes moins efficaces. A cet effet, il suggère qu’il convient, en plus de l’encadrement juridique des actifs virtuels de mettre en place une politique de bancarisation nationale afin de canaliser les transactions financières pour l’intégrité du système financier.

Le jury a estimé que le thème était pertinent et d’actualité

Le dispositif de répression quant à lui, exprime le caractère complexe du droit pénal matériel du BC/FT et de la procédure pénale correspondante. Il note à ce niveau que même si l’incrimination de l’infraction du BC comporte une innovation par la consécration de l’auto blanchiment de capitaux, celle du FT est par contre insuffisante pour défaut d’incrimination du financement d’un terroriste individuel et d’une organisation terroriste.

Opter pour la création des juridictions régionales spécialisées

La procédure pénale, quant à elle, se heurte dans son application à la difficile coopération judiciaire, au respect de certains droits fondamentaux, à l’inexistence et au fonctionnement de certains organes administratifs et judiciaires de lutte. A cet effet, il convient selon lui, en plus du renforcement continu des capacités au profit des acteurs de la chaine pénale, d’opter pour la création des juridictions régionales spécialisées en matière de criminalité économique et financière dans les 13 régions du Burkina, suivant le découpage administratif régional en lieu et place des Pôles Judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières, et de la criminalité transnationale afin de désengorger les tribunaux de grande instance.

Le Burkina Faso sur la liste grise du GAFI (groupe d’action financière)

« Même si le BC et FT sont des infractions à caractère complexe, l’imperfection du dispositif burkinabè de prévention et de répression en la matière est sans appel au regard des résultats de nos recherches. Ce qui justifie la rareté des poursuites et la quasi inexistence des condamnations judiciaires en la matière. Et c’est d’ailleurs ces lacunes et défaillances stratégique dans le dispositif de lutte contre le BC/FT qui a valu le classement du Burkina Faso sur la liste grise du GAFI (groupe d’action financière) lors de sa plénière du 25 février 2021 », a laissé entendre l’impétrant.

La mention « bien » pour le travail de recherche

Le jury, présidé par Dr Edouard Ouédraogo, a souligné qu’au-delà de la pertinence du thème choisi par l’impétrant, qui est intéressant et d’actualité, le document est de très bonne qualité. C’est aussi l’avis des autres membres du Jury, à savoir le rapporteur du jour, Dre Aïssata Dabo, et le directeur du mémoire, Dr Baimanai Agelain Poda, qui ont reconnu la qualité du document pour son contenu assez fourni et de la pertinence des analyses. Au regard de l’actualité du thème, de la qualité du document et la perspicacité orale, Yassiya Giovanni Sawadogo a obtenu la mention « bien » avec une note de 15/20.

Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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