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Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

Publié le mercredi 21 avril 2021 à 11h15min

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Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

Le président Idriss Deby Itno est mort ce mardi 20 avril 2021, des suites des blessures au combat dans la région de Kanem, a annoncé un communiqué lu à la Télévision tchadienne. Ce deuil qui frappe le Tchad a des répercussions dans les pays riverains du lac Tchad et au Sahel.

Deby Itno a imposé le Tchad comme une puissance militaire africaine par la vaillance des troupes engagées sur plusieurs fronts en Afrique et par une diplomatie offensive de promotion de cadres tchadiens dans le management des organisations régionales et continentales. Quelles sont les conséquences de ce départ brusque et brutal de celui qui a voulu qu’on retienne de lui, l’image du guerrier qu’il était ?

Le maréchal du Tchad, qui a pris le pays par les armes, est parti par les armes après avoir gagné une élection présidentielle, la veille (ses principaux adversaires n’ayant pas pu se présenter). Les tchadiens ont découvert Deby en 1982, comme second d’Hissen Habre, ancien rebelle toubou, adepte de la prise d’otages contre rançon, précurseur en Afrique du trafic d’êtres humains dont Al Qaéda va abuser.

Comme les rebelles, contre lesquels il a perdu la vie, Deby est venu du Nord comme un vent chaud du désert, qui dévaste tout sur son passage et s’est emparé de N’Djaména en 1990, provoquant la fuite de Hissen Habre au Cameroun voisin d’abord et puis au Sénégal à bord d’un avion du pays qu’il a emporté, entre autres actes de prédation.

Le maréchal meurt en guerrier

Même si Déby organise selon son goût des consultations électorales, il régnait par la terreur et dans la crainte de forces rebelles débarquant de la Lybie ou du Soudan pour le chasser. Ces colonnes de forces armées hostiles à son régime ont plusieurs fois été proches de prendre le pouvoir. Deby ne sauvant sa tête et son pouvoir que grâce à l’intervention militaire française.

Deby ne cachait pas son amour pour le pouvoir militaire. Il venait juste de se faire attribuer par l’Assemblée nationale en août 2020, lors des célébrations des soixante ans d’indépendance du Tchad le titre désuet de maréchal, qui rappelle des précédents calamiteux comme ceux de Bokassa, Amin Dada etc.

Même si l’on peut trouver cette distinction surannée, Deby est un seigneur de guerre, qui a pris N’Djaména et le pouvoir par les armes et a régné trente ans par eux. Il est auréolé du titre de chef de l’armée la plus aguerrie dans le cadre du G5-Sahel, avec ses troupes intervenant au Mali, au Niger. Le Tchad est le champion toutes catégories de la lutte contre les groupes terroristes du continent. Ses troupes se battant contre Boko Haram dans la région du Lac Tchad (Tchad, Cameroun, Nigéria, Niger) contre Al Qaeda et ses groupes franchisés et l’État islamique au grand Sahara, au Mali, Burkina et au Niger.

Le maréchal du Tchad meurt en soldat, non dans le calme, le luxe et la volupté d’un palais présidentiel, mais sur un champ de bataille contre des forces armées rebelles, où rien ne l’obligeait à y mettre les pieds.

Le fait qu’il soit mort au combat montre que les combats au Kanem n’étaient pas une partie de plaisir. L’armée tchadienne ayant annoncé plus de trois cent rebelles tués, et cinq soldats morts. Le chef de l’État tchadien y a participé activement, pour galvaniser sans doute la troupe prenant des risques, pour combattre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT). Lesquels avaient annoncé hier dans la confusion qui régnait à N’Djamena avoir totalement libéré la région du Kanem.

Le communiqué qui annonce le décès de Déby consacre la prise du pouvoir par un Conseil militaire de transition de 15 membres, qui a dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale, et jeté à la poubelle les résultats proclamés de l’élection de Déby. Une transition de 18 mois à l’issue de laquelle des élections seront organisées, est annoncée.

Le Conseil militaire de transition est dirigé par Mahamat Idriss Déby Itno, le fils du président défunt. Le Tchad est confronté depuis l’assassinat du père de l’indépendance, Ngarta Tombolbaye, à des dictatures renversées par des rebellions. Mais l’histoire du Tchad est marquée par l’intervention des puissances régionales (Libye du colonel Kadhafi, Soudan) et internationale (France) qui se servent des groupes rebelles.

Nous assistons à une succession dynastique avec la prise du pouvoir par le fils de Déby. Le maréchal a rendu son dernier souffle, le chef est mort, mais le régime Deby est toujours là, confronté à une rébellion et à une opposition civile et une population qui est lasse de la guerre et des rebellions et qui n’a pas bénéficié de l’exploitation du pétrole.

Le Sahel perdant !

Les conséquences de cette tragédie se feront ressentir au-delà du Tchad. Les groupes terroristes au Sahel et dans la région du Lac Tchad vont casser le jeune du ramadan dans la joie, avec la mort de leur plus intrépide adversaire, qui leur a déclaré la guerre sur tous les champs de combat en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Avec la menace qui pèse sur N’Djaména, les nouveaux dirigeants ne vont–ils pas rappeler les hommes du front extérieur en poste au Mali et au Niger pour revenir au pays défendre le régime ?
Que s’est-il passé dans cette bataille ? Pourquoi Paris qui par le passé, comme en 2008 et 2019 faisait intervenir ses mirages, n’a rien fait contre ses rebelles ? Déby a-t-il été victime d’un coup de palais, à la faveur de sa venue sur le théâtre des opérations ?

Au G5-Sahel, c’est la veillée pour savoir ce que va devenir cette force militaire sans les tchadiens ? Si les troupes tchadiennes rentrent chez eux, il y a fort à parier que les groupes terroristes et criminels qui écument la région du Liptako Gourma vont essayer d’en profiter.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 21 avril 2021 à 05:51, par Mogo En réponse à : Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

    De prime abord, on dit paix à son âme. Il a été un combattant de front contre le terrorisme, malgré les nombreuses exactions commises sous son règne. Mais ce qui est dommage, c’est l’accaparement du pouvoir par les militaires. Cela est une forfaiture et une bassesse. Pourquoi autant de militaires pour diriger ce pays pendant 18 mois ? N’y a t-il pas de civils compétents pour intégrer ce groupe ? Je parie que c’est une stratégie pour piller impunément les ressources de ce pays. Et pendant ce temps, la France ( le colonisateur) et la communauté internationale semblent donner leur caution à cela. C’est simplement inadmissible

    • Le 21 avril 2021 à 12:29, par A qui la faute ? En réponse à : Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

      Qu’est-ce que la France peut faire ? sachant que les premiers intéressés qui sont les sociétés civiles tchadiennes laissent faire et l’Afrique entière laisse faire ? Si un pays étranger intervient ne parlera-t-on pas d’ingérence ?
      On ne peut pas vouloir une chose et son contraire.
      D’ailleurs les opposants armés accusent aussi la France d’empêcher l’accès à la capitale pour en découdre avec l’armée de Deby.
      Est-ce qu’on peut encore passer une journée à réfléchir sans parler des autres ? Si ces gens voulaient nous détruire ils enverraient des bombes et c’est réglé en quelques heures. Il faut faire l’effort de voir que nos peuples sont des moutons. Ailleurs les dirigeants ne sont pas nés meilleurs, c’est le peuple qui dicte sa loi. Tant que nous nous contentons d’un repas par jour les dirigeants ne vont pas se bouger plus. Deby n’avait que la guerre comme seul argument pour diriger la destinée du Tchad. Le peuple a trouvé que c’est suffisant et s’en est contenté. Voilà

  • Le 21 avril 2021 à 07:46, par Paré le bon En réponse à : Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

    Bonjour,
    je suis presque un fidèle lecteur de vos publications dont la pertinence n’est plus à démontrer.
    Cependant, je ressent la nécéssité de ne pas rester un lecteur passif, ainsi j’ai décidé d’apporter ma pierre à l’édifice, édifice qui nous appartient à tous maintenant et pour les générations à venir.
    Revenant à cette publication concernant le Tchad, il me paraît important d’ajouter à votre analyse l’importance de rendre justice au martyr président, en restituant les faits et les enjeux géopolitiques et géostratégiques internationale s auxquels font face le Tchad et le continent Afrique d’une façon générale.Vous avez posé une bonne question au début en ce qui concerne la non intervention de l’armée étrangère basée sur le territoire tchadien, intervention qui n’aurait été autre chose que le respect d’un cahier de charge. Vous avez bien fait de poser la question mais nous espérons que vous irez jusqu’au bout de votre démarche en essayant de nous fournir la réponse à savoir pourquoi les forces étrangères ne sont pas intervenues pour défendre l’intégrité du territoire tchadien ( l’histoire du Rwanda devrait suffire largement à notre instructions sur le rôle très ambigu de certaines forces étrangères).
    Vous faites un excellent travail, notre souhait est que les fruits de ce travail contribuent réellement à l’éducation et à l’éveil des masses dans l’intérêt de tous.
    Bonne continuation et puisse briller un soleil nouveau sur l’Afrique.
    P.B

  • Le 21 avril 2021 à 11:55, par Obliviator ! En réponse à : Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

    Qu’on ait aimé le feu Président Idriss Deby ou non, sa mort déplorable est une perte pour toute l’Afrique, et tous nous en vivrons les conséquences, si dans les états majors africains il n’y a que peu qui sont de la taille et du courage du defunt Président pour poursuivre ce combat, notre combat à tous pour libérer et faire prospérer à tout prix notre Mère Afrique, qui a tant souffert avec nous-mêmes. Car ce guerrier mal compris, j’en suis convaincu, n’avait d’autre choix que de souvent faire l’opportunisme avec la France pour protèger sa peau.

    On n’a pas toujours la possibilité de choisir comment on va mourrir, mais on peut choisir de mourrir comme un homme et digne. La postérité retiendra de lui, qu’il est le seul Président de l’Afrique contemporaine, qui a quitté le luxe de sa résidence présidentielle pour aller mourrir sur le champ d’honneur, les armes à la main, en conduisant en chef les opérations militaires pour défendre son pays. Voilà pourquoi nous lui rendons ce vibrant hommage qu’il méritera toujours. Que les Cieux, les Ancêtres et le Peuple lui pardonnent tous les péchés commis dans l’exercice de sa fonction et lui récompensent en abondance pour ses bonnes oeuvres et pour le combat mené pour l’Afrique.

    Repose en paix, digne fils d’Afrique !

  • Le 21 avril 2021 à 12:08, par bEOGO En réponse à : Maréchal Idriss Deby Itno : Le champion africain de la lutte contre le terrorisme est mort

    @Sana Guy, @Mogo, @ Paré Bon
    De toute façon, selon l’opinion de chacun, quelle que soit ce que fait la France c’est toujours de sa faute, non ?
    Si elle intervient, on dit qu’elle soutient les dictateurs et les autocrates (Idriss Déby en était un). Si elle n’intervient pas, on dit qu’elle soutient les forces djihadistes et autres forces déstabilisatrices afin de mieux piller nos ressources.
    La question est : le TCHAd est-il fait appel à la France et a-t-elle refusé ?
    Il y a quelques mois, les lecteurs du lefaso.net applaudissaient l’armée tchadienne parce qu’elle avait tiré sur des soldats français qui avaient eu le malheur de vouloir faire un peu de tourisme devant la présidence tchadienne.
    Je ne pense pas que cela incite à l’aide.

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