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Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

Publié le mercredi 24 mars 2021 à 23h36min

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Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

Du cacao produit au Burkina Faso ? Vous en avez certainement entendu parler. Eh bien ! à Bagré, commune située à une quarantaine de kilomètres de Tenkodogo, vous pourrez en trouver dans la plantation expérimentale de Larba Issa Sorgho. La cinquantaine bien sonnée, il a passé une bonne partie de sa jeunesse dans les champs de riz, de cacao, de café et d’ananas de la Côte d’Ivoire avant de rentrer au bercail. Portrait.

Costume gris trois pièces, machette à la main gauche. 50 ans révolus, d’un pas vif, Larba Issa Sorgho, sous un manguier, s’empresse de nous serrer la main. Sa main rude et crevassée porte encore les stigmates du travail de la terre. Il semble solide pour un homme de son âge. D’ailleurs, c’est avec fierté qu’il raconte n’avoir jamais été admis dans un hôpital. « Personne ne peut dire qu’il m’a déjà vu malade, alité et sous perfusion à cause du paludisme. C’est un don de Dieu », confie le quinquagénaire.

« Cet homme a tout enduré. C’est un véritable baroudeur qui a passé plusieurs années dans les plantations de cacao et d’ananas. Le vieux Larba est un homme attachant. Et c’est un peu notre doyen ici », lance Souleymane Yougbaré, un producteur aquacole qui tenait le crachoir sous le manguier.

L’aquaculteur Souleymane Yougbaré a salué le courage et la persévérance de son voisin Larba Issa Sorgho
Des plantes cultivées « naturellement » …

Après l’eau de bienvenue et les salutations d’usage, Larba Issa propose de faire un tour dans sa bananeraie qui s’étend sur une superficie d’un demi-hectare, à la lisière d’un champ de riz. Aucun ouvrier en vue, ce dimanche 7 mars 2021, en début d’après-midi. Tout est calme, à l’image du propriétaire des lieux qui tente de se frayer un chemin. Dans cette plantation poussent du cola, de l’avocat, de la papaye et de la banane et d’autres plantes comme « l’indépendant » qui aurait des vertus thérapeutiques insoupçonnées contre toutes sortes de blessures.

... et appréciées des chercheurs

« Mes bananes sont naturelles. Je n’utilise pas d’engrais chimique. J’utilise que de la bouse de vache et de l’eau. Des chercheurs de l’Institut de formation en développement rural de Bagré (IFODER) ont déjà visité mon champ. Ils m’ont acheté le régime de banane à 50 000 F CFA. Ils ont également acheté ailleurs de la banane produite à l’engrais chimique. De retour dans leur institut, ils ont comparé les deux régimes et sont arrivés à la conclusion que même si la banane que je produis sans engrais chimique n’est pas grosse, elle est bien meilleure pour la santé de l’homme », se réjouit Larba Issa.

Selon Larba Issa Sorgho, la culture du cacao est la preuve que tout peut pousser au Burkina
Du cacao expérimental

S’il y a bien une plante qui fait la fierté du vieil homme, c’est bien le cacaoyer qui pousse généralement dans les pays ayant un climat chaud et humide comme la Côte d’Ivoire. C’est d’ailleurs de ce pays que Larba Issa a ramené quelques plants, le 20 juillet 2015. Son entourage avait prédit l’échec de cette culture, plus favorable dans la Léraba, province frontalière avec la Côte d’Ivoire. Mais, elle eut tort. Des cabosses, Larba Issa en a récolté au bout de trois ans. Certes en petite quantité, mais suffisamment pour prouver aux plus sceptiques, que « toute plante peut pousser au Burkina ».

Une culture désintéressée

« Je ne cultive pas le cacao en pensant que cela pourrait me rapporter de l’argent. Non ! Je veux montrer à mes enfants que tout peut pousser sur nos terres (…) Il y a de l’eau ici. Et de la bonne terre. Qu’est-ce qui reste à faire, si ce n’est de travailler ? ». Larba Issa Sorgho n’est pas un nabab, mais assure qu’il gagne bien sa vie dans une région où partir à l’aventure est la règle et rester, l’exception. A l’en croire, la culture du cacao lui rapporte un peu plus d’un million de francs CFA. Larba Issa Sorgho ne s’est pas construit en un jour. Sa plantation a une histoire et il est difficile d’en parler, sans évoquer la Côte d’Ivoire, où tout a commencé.

C’est avec fierté que le quinquagénaire dit être revenu sur la terre de ses ancêtres
L’odyssée en terre ivoirienne

Dans les années 80, alors âgé d’une vingtaine d’années, le jeune Larba Issa découvre la ville de Touba, située à l’ouest de la Côte d’Ivoire. « Je ne me rappelle pas exactement l’année. Je sais tout simplement que le président Thomas Sankara était encore en vie. À cette époque, tous les jeunes de mon âge rêvaient de travailler en terre ivoirienne et de se construire dans ce pays », lance-t-il, le regard lointain.

À Touba, le jeune Burkinabè dépose ses baluchons chez un ressortissant de Tenkodogo, nommé Eloi Moné. Au bout de quelques mois, alors que certains de ses compatriotes déchantent de la vie en terre ivoirienne et pensent déjà à un retour au bercail, Larba Issa, lui, sait ce qu’il veut. Pour avoir sa pitance, il sait qu’il doit courber l’échine dans des plaines rizicoles pouvant s’étendre sur 40 hectares. « C’était dur. Ceux qui ont véritablement travaillé dans les plaines, les vallées et dans les plantations ivoiriennes savent de quoi je parle. Le travail y est pénible. On reconnaissait les grands travailleurs par leur clavicule que l’on pouvait saisir avec le pouce et l’index », témoigne le vieil agriculteur.

« Creuser, fouiller, bêcher »

Touba était dur, mais c’était aussi gai. Ces soirées au clair de lune où Larba Issa mangeait de la viande de brousse avec les autres camarades qui ont choisi de ne pas rentrer au pays et d’épargner la honte à leurs familles. « Il y avait un hôtel en ville à ce moment-là où logeaient parfois des artistes en herbe comme Alpha Blondy ou Ismaël Isaac. C’était le bon vieux temps. », soupire-t-il. De Touba, Larba Issa va bourlinguer à travers d’autres villages de l’ouest de la Côte d’Ivoire. Il va « creuser, fouiller, bêcher », encore une dizaine d’années : Riz, cacao, café, bananes, ananas, etc. Que n’a-t-il pas produit ?

Le retour gagnant

Près de trente ans après avoir quitté Bagré, vint le temps de la nostalgie, ces bons moments d’hier que l’on a passés avec les siens. « Le mal du pays, c’est s’ennuyer de ces rares personnes qui nous comprennent à demi-mot », disait l’Anthropologue québécois, Bernard Arcand. « A un moment donné, je ne comprenais pas comment l’on pouvait travailler pour des gens à l’étranger et refuser de travailler dans son propre pays ? Si ce n’est de la bêtise, comment peut-on qualifier ce genre de choses ? J’ai donc décidé de rentrer chez moi à Bagré », raconte Larba Issa pour justifier sa décision de retrouver les siens.

« Il n’y a aucune honte à rester dans son pays »

Après la crise post-électorale de 2010, Larba Issa revient chez lui en 2011. C’est le début d’une histoire. Celle de sa plantation qu’il fera agrandir avec l’introduction de cacaoyers, à la suite d’un second voyage en Côte d’Ivoire, en 2015. Aucun des huit enfants de Larba Issa ne travaille avec lui. « Je les ai dissuadés de prendre le large et d’aller à l’aventure. C’est un choix. Je refuse qu’ils travaillent pour moi. Je suis toujours en pleine forme. Chacun de mes enfants exerce un métier. Pourquoi devraient-ils partir ailleurs ? Ils sont chez eux ici. Il n’y a aucune honte à rester dans son pays. », lance le quinquagénaire, avec un sourire candide au coin des lèvres.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 25 mars 2021 à 04:18, par Peace out En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Sorgho Larba Issa Big Respect depuis les USA.
    Ti[ent bon on arrive.
    God Bless you man !

  • Le 25 mars 2021 à 05:58, par Mechtilde Guirma En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Ka to m’ton songo, Wend da reing niinga fo bark t’ef kiet ef ma pugê.
    Wend na kiti t’ef riif f’tuumda yaondo teng zug ka la sê pugd taoré. Amiina .

  • Le 25 mars 2021 à 07:55, par NIP En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Toutes mes félicitations M SORGHO.Vivement que l’État lui vienne en aide

  • Le 25 mars 2021 à 08:35, par Soarba En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Nabiiga wend n’a niig fo baarka , wend na konf Yon wooko !

  • Le 25 mars 2021 à 11:09, par mKAK En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Rien a dire. C’est beau l’espoir !!!. Dieu vous benissse M.Sorgho

  • Le 25 mars 2021 à 11:12, par ali baba En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Toutes mes félicitations a ce brave monsieur, que Dieu te bénisse.
    Longue vie

  • Le 25 mars 2021 à 11:14, par Ka En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Cher Sorgho Larba Issa, tu as tout mon encouragement : Le monde n’a pas été fait en un jour, mais avec persévérance vos petits-enfants bénéficieront de vos efforts sans oublier le peuple Burkinabé. Comparer a la Cote d’Ivoire ou le climat côtier offre toutes les opportunités pour la culture au sol, au Burkina un projet de ce type vers le cascade aura 80% de réussite. Mais tout est possible à celui qui croit ; surtout que Dieu dans sa bonté infinie a doté l’Afrique de toutes les richesses, un sous-sol scandaleusement riche, un sol vaste et fertile et bien arrosé, un climat superbe d’été permanent, un soleil généreux, et enfin un peuple courageux au labeur comme vous.

    Malheureusement comme je le dis très souvent, le mal en Afrique, c’est l’égoïsme de ses dirigeants qui prennent leurs peuples et leurs compatriotes comme des moutons ou leurs maîtresses, sinon un projet comme le vôtre devait être pris en compte par l’état Burkinabé. Si un Thomas Sankara était encore de ce monde, vous aurez sur la poitrine l’Etoile de l’étalon pour vos idées, car consommez Burkinabé passe par là. Encore une fois Bravo et bon courage cher compatriote Sorgho.

  • Le 25 mars 2021 à 11:20, par A qui la faute ? En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Excellent !!! "Je ne travaille pas pour l’argent..." Voilà ce qui enrichit durablement. Parce qu’en visant l’argent on se décourage dès que ça ne marche pas. Là vous travaillez par passion et par conviction et le bon Dieu bénira la suite.
    J’ai rarement été fier aussi d’un travail de compatriote. Vous avez raison sur toute la ligne
    Essayez de convaincre les enfants, vu votre âge, pour la longévité de ce projet

  • Le 25 mars 2021 à 11:29, par Boanga En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Lefaso.net, SVP mettez cet homme en relation avec Yacouba Sawadogo : même pédigrée de nobles Burkimbi. Faites connaître son expérience et sa vision à la jeunesse burkinabè en panne d’initiatives et de projets, au point de détruire leur propre culture sur la foi de marabouts et de charlatans. Ce brave homme qui n’est pas allé à l’école peut enseigner à des milliers la culture de la vie : toujours libérer son génie créateur.

  • Le 25 mars 2021 à 12:24, par shalom En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Petit bissa ! Tu ferais mieux de planter des arachides. C’est dans cette filière que tu excelles.

  • Le 25 mars 2021 à 13:14, par TERMINATOR En réponse à : Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

    Mon cher ce que tu dis est tellement vrai, mais quand tu prend des initiatives dans le domaine agricole et même dans d’autres domaines c’est avec amertume que tu constate que les institutions financières ne sont pas prêt à t’accompagner. C’est le même refrain presque partout " il faut que vous commencer puis si on voit que "nous trouvons notre compte on va vous accompagner". Elles préfèrent spolier les fonctionnaires avec des prêts de 10 ans plutôt que de financer le développement. Elles préfèrent financer des prêts de consommation qui sont en réalité des prêts de sous développement.

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