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Burkina : La face obscure d’une politique d’électrification

Publié le vendredi 21 octobre 2005 à 08h35min

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N’en déplaise aux apôtres du libéralisme sauvage qui voudrait
que tout soit vendable, même l’âme des peuples, et que les
Etats se dessaisissent de leur devoir régalien, la santé,
l’éducation, l’eau, l’électricité et la défense nationale sont des
domaines de souveraineté. Beaucoup vont même jusqu’à parler
de souveraineté alimentaire.

En effet, il n’y a pas de situation plus aliénante que la
dépendance alimentaire. Pour que les pays riches puissent
faire avaler la pilule amère d’une Afrique éternellement
accrochée à leur bon vouloir, on fait l’amalgame entre famine et
faim.

Si la première peut avoir pour origine les aléas climatiques
et autres catastrophes naturelles, la seconde a pour raison
principale, l’égoïsme des Nations riches rétives à un partage
équitable des richesses du monde, entre un Occident opulent et
un Tiers-monde pauvre de toute éternité.

Malheureusement, en dépit de cette cruelle réalité, les pays
africains, pour ne citer que leur cas, ont du mal à réagir et
végètent dans une sorte de fatalisme face aux affameurs
extérieurs qui, pour se donner bonne conscience, organisent
des campagnes médiatiques pour montrer à la face du monde,
leur générosité de bons samaritains. Le Burkina n’échappe pas
à ce décor avilissant, faute d’une volonté politique de se
soustraire des griffes de l’Occident. Après plus de quarante ans
d’indépendance, cela se voit dans tous les domaines
stratégiques de l’édification de notre société. Pour ne prendre
qu’un exemple sensible, on peut citer le cas de l’électricité.

En la
matière, certaines contrées reculées de notre pays sont encore
au Moyen-Age et certaines zones ressemblent à une terre qui ne
tourne pas et où par conséquent, il n’y a jamais cette alternance
du jour et de la nuit. Elles ne pourront jamais accéder à la
modernité, enfoncées qu’elles sont, dans l’insondable abîme de
l’obscurité.

Et pourtant, il ne se passe pas de jour sans que
dans les discours officiels, on ne fasse des déclarations
tonitruantes et éloquentes sur la nécessité de faire parvenir
l’électricité dans les hameaux les plus reculés de notre pays. On
ne se prive pas d’engagements tels que l’interconnexion entre le
Burkina et certains pays voisins et la promotion de
l’électrification rurale. Trop d’initiatives sont annoncées et
pourtant, moins de 20% de notre territoire sont couverts par
l’électricité.

Si en quarante ans, nous en sommes à ce stade,
inutile de verser dans un optimisme qui tendrait à nous faire
croire à la fin des ténèbres dans un avenir proche. Plus grave,
contrairement au bréviaire officiel, le Burkina est le pays où le
prix du kilowatt est l’un des plus élevés. Parler du bas prix de
notre électricité en oubliant les autres facteurs que sont le bas
niveau de vie des citoyens, c’est prendre les gens pour des nez
percés.

L’image que nous offre la ruée, au dernier moment, des
abonnés pour éviter les pénalités de retard, en dit long sur les
difficultés qu’éprouvent les clients pour s’acquitter de leurs
factures d’électricité.

Dans cette ambiance, peut-on espérer un jour, une revue à la
baisse, du tarif de l’électricité ? Certains pays moins nantis que
le Burkina ont consenti des efforts pour réduire le prix du courant
à usage domestique parce que l’électrification est un
investissement plus social et économique que purement à but
mercantiliste.

L’Etat doit se départir de son réflexe de
commerçant et privilégier le social. Peut-on attendre des
pouvoirs publics ce saut qualitatif et salutaire qui consiste à ne
pas appréhender le phénomène de l’électrification du Burkina
en termes d’encaissements d’espèces sonnantes et
trébuchantes ?

En tous les cas, ce ne sont pas les perspectives
annoncées d’une privatisation de la Sonabel qui pourraient nous
rassurer. Du reste, la plupart des pays qui ont expérimenté cette
privatisation ont connu un retentissant fiasco. Les repreneurs
qui étaient venus en sauveurs, une fois leurs colossaux
bénéfices engrangés, ont vite décampé. La raison était simple.

En livrant les sociétés nationales d’électricité à la rapacité des
multinationales sans foi ni loi qui échappent aux différentes
législations nationales, on leur a ainsi donné carte blanche pour
promouvoir leurs rapports avec les Etats sous le prisme de
leurs intérêts.
Dans ces conditions, nous mettrons du temps pour émerger de
la face obscure de notre politique d’électrification.

"Le Fou"
Le Pays

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