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Burkina : Le fleuve Mouhoun "victime" des activités d’orpaillage

Publié le mardi 9 mars 2021 à 13h48min

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Burkina : Le fleuve Mouhoun

Une rencontre d’échanges initiée par l’Agence de l’eau du Mouhoun les 4 et 5 mars 2021 dans la commune de Koudougou. Cette rencontre qui a vu la présence du gouverneur du Centre-Ouest ainsi que celui de la Boucle du Mouhoun avait pour objectif d’échanger sur l’impact des mauvaises pratiques d’orpaillage sur la ressource en eau du fleuve Mouhoun.

Après un constat du changement de la couleur de l’eau du fleuve Mouhoun dont l’origine serait liée aux activités d’orpaillage, les autorités régionales de la Boucle du Mouhoun ont interpelé l’Agence de l’eau du Mouhoun (AEM) dans le mois de janvier. Une mission conjointe avec les services techniques déconcentrés a été ainsi diligentée par l’AEM sur les différents sites d’orpaillage.

A cet effet, l’agence a transmis un rapport aux deux gouverneurs des régions concernées faisant l’état des lieux de la pollution du fleuve Mouhoun par les pratiques d’orpaillage. C’est au vu des dégâts et des menaces causés par ces mauvaises pratiques de l’orpaillage sur le fleuve Mouhoun que la rencontre de Koudougou a eu lieu afin de trouver urgemment des solutions idoines.

Les autorités sur le site de Zamo entrain de constater les dégâts dûs aux mauvaises pratiques de l’orpaillage

Sortie terrain dans la commune de Zamo (province du Sanguié), échange sur l’impact des mauvaises pratiques de l’orpaillage sur les ressources en eau du Mouhoun, formulation de recommandations et une feuille de route pour protéger le fleuve Mouhoun, sont entre autres les grands axes qui ont meublé cette activité.

« Sauvons le fleuve Mouhoun », c’est le motif qui a conduit la délégation conduite par le gouverneur de la région du Centre-Ouest, Irène Coulibaly, et celui de la Boucle du Mouhoun, Edgard Sié Sou, à Kalio dans la commune de Zamo, le mercredi 4 mars 2021. Cette délégation composée des autorités régionales des deux régions ainsi que des services techniques compétents ont, à travers cette sortie terrain, saisi l’occasion pour toucher du doigt et constater de visu les pratiques d’orpaillage qui sont à l’origine de la dégradation de la qualité de l’eau du fleuve Mouhoun.

Avertis de la visite, les orpailleurs ont visiblement fui les lieux laissant le site vierge

Cap a d’abord été mis sur le village de Kalio afin de prêter allégeance au chef de canton de la localité. Celui-ci a ainsi saisi l’occasion pour inviter les autorités à agir pour le salut de son village qui est confronté à une sécheresse due à l’exploitation abusive de la forêt classée. « Même pour avoir le bois de chauffe c’est compliqué. C’est pareil pour notre eau de boisson, c’est vraiment dur de trouver une eau de qualité pour boire. » a-t-il déclarer avec indignation.

Constat "alarmant"

Après cette étape, la délégation a pris le chemin du site. Après plusieurs heures de marche, les voici enfin sur le site. Avertis de leur visite, les orpailleurs ont visiblement fui les lieux laissant le site vierge. Le constat était alarmant, au vu des mauvaises pratiques de traitement de minerai par les orpailleurs. Ces derniers prélèvent l’eau du fleuve pour traiter et extraire l’or, et après les eaux et sédiments usés issus du traitement sont rejetés dans le fleuve entrainant ainsi le changement de la couleur de l’eau.

Le représentant des orpailleurs, Mahamoudou Sawadogo

Un constat qui n’a laissé personne indifférente. C’est du moins ce qui est ressorti dans le message du gouverneur de la région de Centre-Ouest. « J’avoue que c’est assez choquant ce que nous venons de voir, d’autant plus qu’au niveau de la région du Centre-Ouest, pour combattre ce phénomène nous avons de concert avec le ministère en charge de l’Environnement organisé une vaste opération au mois de juin 2020 pour déguerpir ces orpailleurs de cette forêt classée », confie-t-elle.

Elle reconnait du même coup que les efforts déployés ont été vains, car les mêmes orpailleurs sont revenus en force sur le terrain avec des mauvaises pratiques aux abords du fleuve Mouhoun, qui compromettent même la santé des populations. D’où, selon le gouverneur, il faut agir vite pour sauver le fleuve Mouhoun. « Cela veut dire qu’il va falloir engager d’autres solutions qui sont entre autres la sensibilisation mais au-delà réprimer si nous voulons protéger nos populations et nos ressources naturelles », insiste-t-elle.

Irène Coulibaly, gouverneur de la région du Centre-Ouest

Même constat chez le représentant des orpailleurs, Mahamoudou Sawadogo, qui affirme être lui-même surpris de l’existence de ce site. « En tant que responsable des orpailleurs, nous ne savons pas comment ils on fait pour se retrouver ici car nous mêmes c’est notre première fois de rentrer ici. Mais je me dis que lorsqu’on se met ensemble pour résoudre un problème je crois que l’on peut trouver la solution. Rappelez-vous que les orpailleurs également sont des Burkinabè et s’ils sont là aujourd’hui c’est parce que la plupart sont des déplacés internes. » justifie le représentant des orpailleurs M. Sawadogo. Il rassure cependant qu’ils sont tous conscients de leurs mauvaises pratiques et après un temps d’échanges avec eux, ils ont compris et promettent de quitter les lieux, confie-t-il.

Une menace réelle

La journée du 5 mars a été consacrée principalement aux échanges sur les réalités vécues la veille aux abords du fleuve Mouhoun. La rencontre a réuni plusieurs acteurs du domaine concerné, des deux régions tels Wendemi Siprien Pizamba, PCA de l’AEM, Ema Palm/Zoelengré représentant le secrétaire général du ministère en charge de l’Eau, et du directeur général des l’AEM, Dr Bouraïma Kouanda.

Elle a été ponctuée en plus de la cérémonie d’ouverture, de communication et d’échange. Les communications portaient essentiellement sur l’état des lieux de l’impact des pratiques d’orpaillage sur la qualité de l’eau du fleuve Mouhoun dans les provinces des Balé et du Sanguié, et des échanges sur la problématique afin de dégager des solutions pertinentes et consensuelles. Dans son mot de bienvenue, le gouverneur du Centre-Ouest, Irène Coulibaly, a d’abord rappelé que l’eau c’est la vie et reste indispensable à tout projet de développement socioéconomique.

Cependant cette eau est menacée aussi bien par le changement climatique que par l’homme. « Le fleuve Mouhoun est une source d’espoir pour notre nation, il est le plus important et long d’environ 1000 km sur le territoire burkinabè. Il soutient plusieurs activités socio-économiques et peut est considéré comme le poumon de l’économie de plusieurs régions notamment celle de la Boucle du Mouhoun. Il fait partie des principales ressources d’alimentation des villes de Koudougou et de Boromo en eau potable. Il est aujourd’hui menacé plus que jamais par les activités telles que les mauvaises pratiques d’orpaillages », a exposé le gouverneur Coulibaly.

Selon elle, l’un des plus grands défis qui se présentent, est celui de faire en sorte que les projets de développement durable mis en œuvre autour du fleuve Mouhoun pour le bonheur des populations ne soient pas hypothéqués par des pratiques malsaines, notamment l’ensablement et la pollution issus de l’exploitation artisanale de l’or. Pour ce faire, elle a souhaité que des propositions concrètes et réalistes soient formulées pour une protection durable des ressources naturelles et particulièrement celle de l’eau.

A l’issue des travaux, les participants de concert avec les deux gouverneurs ont formulé des propositions et tracé une feuille de route afin d’entreprendre des actions à même d’endiguer le phénomène. Au titre des solutions on peut retenir entre autres une série de communications prévues à l’endroit des orpailleurs par les autorités compétentes, leur interdisant toute activité d’orpaillage.

Sié Edgard Sou, gouverneur de la Boucle du Mouhoun

Pour le directeur général de l’Agence de l’Eau du Mouhoun, Dr Bouraïma Kouanda, les conclusions sont satisfaisantes, et selon lui, l’action urgente à mener sur le terrain c’est bien celle de la communication pour informer les orpailleurs qu’ils doivent quitter les lieux. « Vous l’avez constaté hier (4 mars), il y a des dépôts de terre le long du fleuve Mouhoun environs 3 à 4 km. Donc si nous n’enlevons pas ces dépôts de terre le long du fleuve avant la saison pluvieuse la situation va être dramatique... » conclut-il. Le gouverneur du Centre-Ouest, Irène Coulibaly, de rassurer qu’ils se feront porteurs de la préoccupation des orpailleurs concernant des mesures d’accompagnement afin de rendre compte au gouvernement.

P.O
LeFaso.net

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Vos commentaires

  • Le 9 mars 2021 à 17:09, par triste gestion ! En réponse à : Burkina : Le fleuve Mouhoun "victime" des activités d’orpaillage

    L’état joue au médecin après la mort ! Depuis des années, tout le monde alerte sur les problèmes majeurs liés à l’orpaillage : pollution, destruction de l’environnement, eaux pollués, etc. Il en est de même sur les mauvaises pratiques liées à l’utilisation anarchique des pesticides licites et illicites dans le secteur agricole. Le code de l’environnement n’est pas respecté avec la protection des berges d’une distance minimale de 100 mètres ! Nous sommes aux antipodes du développement durable. Continuons encore 10 ans ainsi à creuser des trous pour l’orpaillage, nous aurons les 3/3 de nos sols impropres à être cultivés et des eaux de surface et souterraine pollués. Ayons le courage de penser aux générations futures ! ne leur donnons pas un monde invivable au Burkina Faso.

  • Le 10 mars 2021 à 10:47, par Bila En réponse à : Burkina : Le fleuve Mouhoun "victime" des activités d’orpaillage

    Outre les grandes menaces qui pèsent sur l’environnement et la santé des populations riveraines,il faut retenir que ces pratiques d’orpaillage artisanal n’épargnent pas non plus leurs auteurs :
    ainsi , juste après cette tournée salutaire du 4 mars des autorités ,des éboulements ont emporté la vie de deux jeunes ,dont mon neveu dans cette localité le samedi 6 mars soir 2 jours plus tard.
    Vivement la mise en route des mesures de déguerpissement et fermeture de ces sites.

  • Le 12 mars 2021 à 16:01, par ollo En réponse à : Burkina : Le fleuve Mouhoun "victime" des activités d’orpaillage

    qu’est ce qui empêche les gouvernants d’arrêter le massacre pendant qu’il est temps. Cette attitude à laisser tout se gâter avant d’agir est un crime et vise tout simplement à endetter générations futures. Il n’ y a pas pire méchanceté et pire sorcellerie contre les générations futures que le laxisme et l’irresponsabilité des générations présentes.

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