LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

Publié le lundi 8 mars 2021 à 22h00min

PARTAGER :                          
Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

Avec Go PAGA, son programme pilote d’empowerment par l’éducation et l’insertion professionnelle des veuves et des orphelins de soldats tombés pour la patrie, Fadima Kambou entend contribuer, à son niveau, à la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso englué dans une épineuse problématique sahélienne. Portrait d’une femme miraculée dont le parcours personnel explique son rapport à l’humain, à la femme et à la vie.

Elle n’aurait pas dû avoir des enfants. Endométriose. Stade 4. Une maladie gynécologique, chronique caractérisée par la présence anormale de tissu utérin en dehors de la cavité utérine, qui signait pour Fadima une stérilité annoncée.

Après 3 tentatives infructueuses de PMA (Procréation Médicalement Assistée), dont la dernière était son ultime chance de devenir mère, tout espoir semblait perdu. Et pourtant.

A la stupéfaction de tout le corps médical, elle et son mari sont aujourd’hui les heureux parents non pas d’un mais de deux merveilleux enfants naturels. De quoi raffermir encore plus sa foi.

Une partie d’intimité que Fadima Kambou a tenu à partager pour encourager les femmes atteintes de cette maladie difficile à déceler qui touche 10% de la gent féminine et qu’on ne crie pas forcément sur tous les toits.

A 39 ans, Fadima est une boule d’énergie. Elle cultive un farouche rapport humain à l’altérité qui imprègne toute sa vie, notamment professionnelle. Pas étonnant donc qu’elle ait embrassé un parcours RH (Ressources Humaines), une vocation qui couvait depuis son adolescence. Mariée, elle est la 4ème d’une fratrie de 6. La première fille.

« J’ai toujours eu cette curiosité RH. Depuis que j’ai 14 ans, j’ai toujours posé plein de questions sur ça. Je demandais tout le temps à ma mère sa fiche de paie, pour voir comment on la payait, comment c’était calculé ».
Une étrange passion pour une adolescente qui sonnera quelques années plus tard comme une évidence.

Elle arrête sa licence de droit pour faire une licence en communication, avant de se spécialiser avec un master 1 et un master 2… en Ressources Humaines à Paris.
« Ça correspondait en tout point à l’idée que je m’en faisais, d’autant que les cours, dispensés en partie par des professionnels RH, étaient très concrets ».
Elle commence à travailler en France. En stage, initialement de 6 mois, où elle imprime déjà sa patte.

« J’ai commencé ma mission en demandant à la DRH de me laisser aller sur le terrain. J’ai donc travaillé avec les ouvriers du groupe, à leur poste respectif, pour mieux comprendre ce qu’ils faisaient, pour mieux comprendre leurs besoins. Ce qui me semblait indispensable pour pouvoir prendre, après, des décisions ou des initiatives RH plus avisées ».

Une passion RH qui ne tarde pas à s’exprimer hors de la sphère professionnelle quand, au sein de son église, elle identifie des jeunes en difficulté, dont certains semblaient voués à l’échec.

Une fatalité à laquelle elle ne saurait se résoudre. Aussi les prend-elle sous son aile pour les accompagner, un à un, afin qu’ils révèlent leur potentiel et se révèlent à eux-mêmes. Avec succès.

Elle va donc construire sa carrière en ayant pour ligne directrice l’humain, au centre de toutes ses décisions et de ses actions.

Après huit (8) an à des postes en RH sur Paris, elle décide en 2018 de quitter son pays d’adoption afin de servir au Burkina toujours dans la même dynamique d’accompagnement.

Elle pilotera notamment le Ouaga Job Challenge avec l’association BurkinAction, projet d’innovation sociale sur l’employabilité des jeunes du pays et de la diaspora, fort d’une trentaine d’entreprises partenaires et avec un taux de réussite de 85%.

Tout ça en parallèle de son poste de Directrice des Ressources Humaines qu’elle occupait au sein d’une Institution de micro finance ouagalaise avec plus de 230 collaborateurs.

Elle y structure, entièrement, un service RH alors embryonnaire. Un poste qu’elle décide de quitter, en novembre 2020, malgré les réussites et les actes concrets qu’elle a su poser pour se consacrer au développement de programmes sur le genre et l’employabilité des jeunes.

Avec toujours la même intention : développer l’Homme, ses compétences et son potentiel, pour développer des écosystèmes sains et performants. Et montrer une autre image d’un continent où elle aimerait voir grandir et s’épanouir ses enfants.

Genèse de Go PAGA

Personne au Burkina Faso ne peut ignorer la délicate situation sécuritaire dans le pays avec les affres du terrorisme qui gangrènent toute la sous-région et dont le premier rempart reste aujourd’hui militaire.

La voisine de Fadima est justement épouse de militaire. Elle le sait. Leurs enfants jouent ensemble. Et quand un jour elle apprend, sur les réseaux sociaux, qu’il y avait eu des attaques dans le Nord et qu’on était sans nouvelle d’une troupe partie au combat, Fadima est inquiète. Elle se doutait que le mari de sa voisine était en opération.

Elle va donc la voir, le soir, pour une salutation de courtoisie, avec l’idée de l’encourager indirectement. Car elles n’échangent jamais sur le métier ou les déplacements de son mari. Et pour la première fois les mots sortent. Sa voisine lui confie toute son inquiétude. Elle n’avait pas de nouvelles depuis deux jours…

Troublée, Fadima rentre chez elle, essayant de se figurer le tourment de cette femme, mère de 3 enfants, et essayant de se figurer le sien si Serge, son mari, un ancien du Prytanie militaire de Kadiogo, eut continué un parcours dans l’armée. Une perspective terrifiante, angoissante, insoutenable.

« Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire, à mon niveau, avec mes compétences pour contribuer à quelque chose, pour me sentir utile à mon pays ». Un effort de guerre qui porte aujourd’hui un nom : « Go PAGA ».

VIDEO EXTRAIT DISCOURS LANCEMENT

Go : qui signifie « aller » en anglais et PAGA « femme » en moré (une des langues principales du Burkina). Un programme pilote d’accompagnement professionnel et scolaire individualisé des veuves et des orphelins de militaires tombés au combat.

Un programme pilote de quatre mois, initié sur fonds propres, en partenariat avec l’Armée et plus précisément la Gendarmerie, et soutenu dans sa phase initiale par Jeunesse Sahel, un projet d’intrapreneuriat de l’AFD grand Sahel.
Un premier test avec 7 femmes et 1 adolescente (fille d’un des défunts) qui porte déjà ses fruits et suscite les premiers élans de solidarité citoyenne.

Comme quand Fadima souhaitait contracter des assurances santé pour l’ensemble des femmes du projet pilote et de leurs enfants. Le directeur de Yelen Assurance a refusé qu’elle paie et a tenu à offrir toutes les assurances, pour « contribuer à soutenir le moral de ceux qui se battent pour la liberté et la paix des Burkinabé ».

Et que dire de son équipe de consultants, tous séniors et professionnels dans l’accompagnement, qui ne comptent pas leurs heures dans le projet et sont « plus qu’impliqués dans Go PAGA », se félicite Fadima.

Elle estime que sans eux rien ne serait possible. Eux qui vont sur place, travailler avec les femmes, eux qui participent de cette intelligence collective opérationnelle autour des différents cas. « Le travail avance plus qu’au-delà de mes attentes », révèle Fadima avec
un léger brin d’émotion.

Contribuer à lutter contre le terrorisme

VIDEO ITW

Pour Fadima les enjeux sont de taille. « Go PAGA c’est participer à donner une réponse concrète de la société civile quant au sort de ces familles-là. C’est contribuer à lutter contre le terrorisme. »

« Si on n’en prend pas soin, estime-t-elle, on fertilise une situation déjà critique. Une femme qui est, par exemple, à Djibo, dont son conjoint est décédé. La coutume du lévirat veut qu’elle épouse le frère ou l’oncle de son défunt mari.

Si elle refuse, elle se retrouve abandonnée, chassée. Et ça c’est du pain béni pour ceux qui voudraient l’embrigader. Parce qu’elle est vulnérable, surtout si elle a des enfants.

Une femme est prête à TOUT pour le bien-être de son enfant. Jusqu’aux derniers sacrifices. Parce qu’elle cherche pour lui la stabilité et la sécurité. Quitte à devenir l’épouse d’un terroriste.

Détourner la femme d’un militaire tué au combat pour la rallier à sa cause serait d’ailleurs pour lui une double victoire symbolique.

Quant aux orphelins, la question se pose de manière tout aussi accrue. Si on ne s’en occupe pas ce sont des gens qui pourraient facilement se retourner contre le pays. Par frustration. Frustration de voir leur mère délaissée. Et reconnaissant envers ceux qui se proposent de leur tendre la main en les recrutant dans leurs sombres rangs. »

« Go PAGA ne donne pas de l’argent à ces femmes, mais on leur trouve une solution durable et personnalisée en les accompagnant à se stabiliser au niveau professionnel. En tenant compte de leur niveau scolaire et en partant de qui elles sont, chacune. En travaillant à leur indépendance pour qu’elles puissent prendre soin d’elles, de leurs enfants et même de plusieurs personnes dans la famille ».

Le lancement officiel du programme a été fait le 13 février dernier à Ouagadougou. Sans journaliste, devant une cinquantaine d’invités.

Et certains responsables militaires témoignent que le programme, même expérimental, aurait d’ores et déjà un impact sur le moral des troupes.

Partir en mission « aux finalités incertaines » avec l’idée que leur famille sera à l’abri au cas où ils seraient tués dans l’exercice de leurs fonctions semble être une motivation supplémentaire pour « mieux se donner au combat ».

Et Fadima rêve d’un programme Go PAGA national pour toute l’armée et d’une assurance maladie, à vie, pour les veuves et les orphelins de guerre. Un rêve qui tient plus aujourd’hui d’un objectif concret qu’elle poursuit pas à pas avec toute son équipe pour une mission RH à la hauteur des plus hauts enjeux.

Rendez-vous donc au mois de juin pour la cérémonie de restitution de ce projet pilote.

David Cadasse, Ifrikia Kengue et Anne Marie Sawadogo Zouré (AFD DR Sahel)

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 8 mars 2021 à 20:03, par issa derra En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    votre projet est sans conteste noble.La famille d’un proche à moi vit à cet instant même cette situation le chef de famille étant tombé les armes à la fin pour la défemse de la patrie.
    tout en vous reiterant encore mes encouragements je vous saurai gré de me dire comment vous contacter.
    mr derra
    mobile 76630020

  • Le 8 mars 2021 à 23:04, par SOME Vanessa En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Belle initiative Mme Kambou, je vous encourage d’avantage, ces veuves et orphelins ont besoins d’aide. Que Dieu fortifie et bénisse ce projet, amen.

  • Le 9 mars 2021 à 01:05, par Sabrina En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Merci pour ce projet. Nous prions pour vos. Vivement juin pour des nouvelles.

  • Le 9 mars 2021 à 08:31, par M-Christine Giordani En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Bonjour, merci et félicitations pour votre engagement envers les démunis tous secteurs.
    Notre petite association Le Choix-solidarité, mène aussi des actions de petite envergure, envers les orphelins, pour les faire parrainer pour leur scolarité, et leur formation professionnelle.
    Ce n’est pas facile de motiver les gens en France pour sortir leur argent, mais avec le Seigneur Christ, on avance et on agit.

    J’aimerai à mon retour au Faso, prendre contact avec Ouaga Job Challenges, et l’association BurkinAction, pour renforcer nos actions mutuelles.

    Que Dieu vous assiste dans votre détermination à aider les autres !

  • Le 9 mars 2021 à 09:29, par Lom-Lom En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Que Dieu vous bénisse et bénisse toutes les œuvres que vous entreprenez pour ces couches vulnérables. Que d’enseignements ! Etre vulnérable, cela fait partie de la nature humaine et tout peut basculer à tout moment et nous rendre vulnérable du jour au lendemain ! C’est pourquoi,votre action est noble et trouvera des bonnes volontés pour vous soutenir ! Foncez Mme, votre option est la meilleure et Dieu saura récompenser vos efforts !

  • Le 9 mars 2021 à 10:06, par Diallo Informatique En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Belle mission Mme KAMBOU, courage courage et courage dans votre engagement. Que Dieu vous accompagne.

  • Le 9 mars 2021 à 10:10, par Agali Almoustapha En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    J’ai eu la chance de connaître cette grande dame qui est Mme Kambou.merci pour tout ce que vous faites et Dieu nous le rende au centuple.God Bless

  • Le 9 mars 2021 à 10:10, par Agali Almoustapha En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    J’ai eu la chance de connaître cette grande dame qui est Mme Kambou.merci pour tout ce que vous faites et Dieu nous le rende au centuple.God Bless

  • Le 9 mars 2021 à 13:46, par À qui la faute ? En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Bravo Madame. Mais tout ce que cette dame cherche à faire devait être garanti par l’état avant que le moindre soldat ne soit engagé dans une guerre. L’état c’est tout le monde et si nous envoyons certains de nos frères défendre le confort quotidien de tous il est hors de question que les orphelins inévitables soient laissés à la charité individuelle. Ça doit être un contrat, un pacte. Je ne dis pas que ce que la dame fait n’est pas à encourager. Mais les orphelins de guerre ne devraient avoir besoin de dire merci à quiconque parce que la loi devait les protéger au moins matériellement par un budget prioritaire
    God bless you

    • Le 9 mars 2021 à 16:59, par PAK En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

      Internaute "A qui la faute", je souscris entièrement à votre point de vue. C’est dommage que nous en sommes là. Il y a des initiatives naissantes mais l’Etat est ce qu’il est et les priorités me semblent désordonnées. Le minimum pour une personne qui côtoie la mort au quotidien pour permettre à l’Etat burkinabè lui-même de continuer d’exister, c’est de lui entourer le maximum de sécurité pour ses parents proches (enfants, femme, père et mère). Mais c’est au regard d’un constat peu reluisant que la société civile s’est invitée et c’est vraiment dommage.

  • Le 9 mars 2021 à 14:47, par Beouco En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    félicitations Mme Kambou
    Go-paga comme le MRP de Aly Nana sont des initiatives citoyennes à respecter et à promouvoir .
    Forumiste "A qui la faute" , désolé de vous dire que l’état burkinabé ne fait que de la récupération .
    des exemples ;il y en a plein
    une loi a été votée en 2019 je crois pour la prise en charge des orphelins de guerre ? je vous mets au défi de me dire qui en a bénéficié jusque la ?
    une loi a été votée pour la prise en charge des VDP , je vous mets au defi de me dire si l’etat a éxécuté sa part contractuelle de plein gré ; ko procedure adminsitratiuves jusqu’au reportage de BF1 sur la question ; on se leve ,on court yada yada pour payer par ci , en oubliant par la.
    la foret du Vieux Yacouba Sawadogo , ko passeport diplomatique pour la reconnaissance du gouvernement burkinabé ; quand il partait pour l’europe la première fois c’est avec CNIB ?
    y en a pleins a dire ;
    Mme Kambou , Dieu vous bénisse
    Mr Aly Nana , Dieu vous bénisse
    Vieux Sawadogo , Dieu vous bénisse
    Dieu bénisse tous les burkinabé conscients de notre situation .

  • Le 9 mars 2021 à 18:52, par Bamas En réponse à : Fadima Kambou, mission RH au service de la paix

    Belle initiative. Je voudrais vous contacter
    Bamas Stanislas 78859294

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique