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Emigration clandestine : Le mirage d’un eldorado

Publié le vendredi 21 octobre 2005 à 08h37min

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L’actualité brûlante au plan africain en ce mois d’octobre est sans conteste la question de l’émigration clandestine. L’Afrique assiste à un spectacle de désolation : des centaines d’Africains, à la recherche d’un monde meilleur, se trouvent confrontés au pire.

On les voit dans l’errance à Husda vers la frontière algérienne, en plein milieu du désert marocain.

Ces migrants africains ont été surpris par les projecteurs des médias internationaux dans l’enclave du Maroc en train de tenter leur va-tout pour atteindre l’Espagne. Devant la « sensationnelité » des faits, les commentaires vont bon train. Les agitations médiatiques deviennent persistantes et on assiste à des passe-d’armes diplomatiques entre dirigeants africains et européens.

L’Union européenne, terre d’accueil, invite le Maroc à « sécuriser » ses frontières avec l’Espagne. Elle se dit même prête à lui apporter de l’aide financière « considérable » pour renforcer la protection de son enclave. Les intentions sont claires. Il faut protéger « le jardin d’Eden ».

En Afrique, si l’on constate un mutisme au niveau de la présidence en exercice de l’Union africaine, face au problème, le président de la Commission de cette institution Alpha Omar Konaré, a déjà fait entendre sa voix. Il évite de poser le problème en terme de porosité des frontières. Pour lui, les mesures sécuritaires seules ne règleront pas le problème de l’émigration. Il invite la communauté internationale à « considérer avec courage » les causes du phénomène. En terme diplomatique, il considère le dialogue entre le Nord et le Sud comme seul moyen pour éviter cette émigration massive et clandestine des Africains. Il va jusqu’à proposer des états généraux sur la migration.

Au Sénégal, pays qui compte le plus de ressortissants parmi ces émigrés, le gouvernement a fait entendre sa voix. Le Premier ministre, M. Mamadou Tall, appelle les Etats africains à créer des emplois pour occuper les jeunes. La Malienne, Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture, dénonce quant à elle, l’économie de marché qui n’est pas solvable. Si certains responsables africains tentent de justifier l’émigration par le chômage et la pauvreté, les autorités marocaines ont une toute autre préoccupation, celle de ne pas faire du Maroc une « terre de transit » pour l’Europe.

La solution est vite trouvée. Reconduire ces désespérando « africains au Sud du Sahara » à la frontière algérienne par où ils sont venus. Sans manne nourricière, sur l’étendue du désert, c’est le chemin du Golgotha qui s’ouvre à ces infortunés en quête de pays où coulent « le lait et le miel ». Les défenseurs acharnés des droits des migrants peuvent bien élever la voix. Le Maroc, qui ne fait pas partie de l’Union africaine, ne subira aucune sanction et ne répondra devant aucun tribunal. En « évènementialisant » le phénomène de l’émigration, les médias internationaux ont eu le mérite de poser sur la table de l’actualité, un problème qui n’est cependant pas un fait nouveau.

L’Afrique a toujours été une terre de mouvement sans fin. Bien que le Sahara sépare le continent en deux grands sous-espaces, rien, pas même ces hautes forteresses munie de limes des enclaves marocaines ou espagnoles n’a jusque-là empêché les déplacements de la population via le désert. La part de l’Europe est grande dans ce vaste mouvement de la population. D’abord, il y a eu la traite négrière qui au XVIe siècle a contraint des milliers d’Africains à l’émigration inhumaine. C’est la traite des noirs qui a facilité à l’Angleterre, l’accession à la suprématie industrielle à cette époque. Sous la période coloniale, des Africains ont été transportés en Europe pour mener des combats qui n’étaient pas les leurs. Face au vieillissement de sa population, l’Occident ne cesse de faire venir des cadres et techniciens africains de grande qualité, etc.

La lecture de ces quelques faits sociohistoriques peut expliquer cette mentalité africaine qui fait de l’Europe, cette terre de prospérité. Dans un contexte de pauvreté généralisée, doublé d’un néolibéralisme qui dicte de plus en plus sa loi au XXI siècle, rendant les uns de plus en plus riches et les autres de plus en plus pauvres, les marginalisés resteront toujours attirés par cet astre séduisant qu’est l’Europe. Certes, des efforts d’explication peuvent aider ces derniers à mieux comprendre les enjeux et les problèmes de l’émigration, surtout clandestine.

Mais le plus important est d’agir à la source pour provoquer le relèvement économique des pays pauvres de sorte que les gens restent chez eux et ne soient pas liés par les chaînes de l’exil.

Noël KABORE
Sidwaya

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