Son procès a débuté hier à Bagdad et il porte sur le massacre de 143 chiites en 1982 suite à une attaque contre son convoi dans le village de Doujaïl (60 km de Bagdad). En représailles, les services de sécurité du dictateur, en frappant dans le tas, avaient semé la mort dans ce village et saccagé de nombreux vergers et propriétés. Plus de 600 personnes avaient été mises aux arrêts.

Ce dossier est le premier à être bouclé par les juges d’instruction du Tribunal spécial irakien (TSI) chargé de juger l’ex-raïs. Sept de ses lieutenants sont aussi poursuivis dans cette affaire.

De nombreux autres dossiers sont en cours d’instruction comme le massacre en 1983 de la tribu des Barzani, l’opération Anfal contre les Kurdes en 1988, le gazage des Kurdes à Halabja, toujours en 1988, par Ali dit le chimique, cousin de l’ex-raïs, la répression des chiites en 1991, l’invasion du Koweït, le meurtre de chefs de partis politique, de dignitaires religieux, etc.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que de réelles charges pèsent contre cet ancien allié des Occidentaux. On le savait criminel et maniaque, et les témoignages de ses opposants l’accablaient, mais la communauté internationale a toujours fermé les yeux et est resté sourde tant que l’homme fort de Bagdad servait ses intérêts.

Mieux, on l’approvisionnait en armes et munitions. Sûr de ses appuis dans le cercle des grands de ce monde, Saddam Hussein n’observait de limite en rien, car il se croyait tout permis. Tout lui était en effet permis, mais dans son pays. Son désir d’expansionnisme au détriment du Koweït, cet autre Etat pétrolier si cher aux Occidentaux, va entraîner sa décadence lente, mais certaine.

Cette invasion fut une erreur monumentale commise par l’homme à la moustache, qui n’avait pas compris qu’on ne porte jamais atteinte aux intérêts stratégiques et économiques de ses protecteurs qui, depuis, avaient juré de le perdre.

C’est donc le monstre de Bagdad que l’on juge aujourd’hui, mais il ne faut pas qu’on oublie ceux qui ont contribué à le façonner ainsi, que ce soi par négligence ou par intérêts conjoncturels. C’est tout ce qui peut rendre ce procès intéressant, car on imagine que le célèbre accusé ne se privera pas de lever un pan du voile sur ses accointances avec ses anciens maîtres.

Déjà, avec le scandale de la gestion du programme « Pétrole contre nourriture », des noms de dignitaires occidentaux et d’institutions internationales ont circulé. Une autre liste de gens arrosés par Bagdad pourrait alors tomber à l’occasion de se procès. En effet, on tient Saddam, mais lui aussi tient des gens. Contre toute attente, ce procès pourrait se retourner contre les Occidentaux, mettant à nu leurs ignobles et basses manœuvres.

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’Oncle Sam a donné son accord pour la retransmission de ce procès à la télévision. Mais ce ne serait pas en direct, car il y a un léger différé de quinze minutes. Un quart d’heure d’écart qui permettra de contrôler et de censurer certaines parties des débats.

Quelle sera l’issue de tous ces procès ? Va-t-on le pendre haut et court pour rendre justice aux milliers de personnes mortes sous son régime ? De toutes les façons, l’issue de ce procès ne reflétera que la volonté des maîtres du moment, car comme on le dit souvent, la justice est la justice des vainqueurs.

San Evariste Barro
L’Observateur