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Santé : « La dysfonction érectile est un signe de maladie cardiovasculaire », Dr Boukary Kabré, urologue-andrologue

Publié le dimanche 28 février 2021 à 23h00min

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Santé : « La dysfonction érectile est un signe de maladie cardiovasculaire », Dr Boukary Kabré, urologue-andrologue

La dysfonction érectile appelée plus couramment « faiblesse sexuelle ou impuissance sexuelle » est une maladie taboue dont on a du mal à parler à l’entourage. Pourtant, selon les chiffres, elle constitue l’un des principaux motifs de consultation chez l’urologue-andrologue. Elle partage les mêmes risques que les maladies cardiovasculaires et est parfois « un signe annonciateur d’un événement cardiovasculaire ». Pour en savoir davantage sur cette maladie, nous avons rencontré Dr Boukary Kabré, urologue-andrologue en service au CHU Yalgado-Ouédraogo.

Lefaso.net : Qu’est-ce que la faiblesse sexuelle ?

Dr Boukary Kabré : Avant de parler de la situation anormale, parlons de ce qui est normale. La mécanique de l’érection pénienne est complexe et fait intervenir une intégrité du système nerveux et des vaisseaux sanguins, une bonne imprégnation hormonale (testostérone) et un pénis normal.

On entend par faiblesse sexuelle ou dysfonction érectile l’incapacité persistante ou répétée d’obtenir ou de maintenir une érection suffisamment rigide pour permettre une activité sexuelle satisfaisante. Une durée minimale de trois mois est communément admise pour retenir le diagnostic.
En pratique clinique, la faiblesse sexuelle peut être classée légère, modérée ou sévère en fonction du degré de sévérité.


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Quelles sont les causes de la faiblesse sexuelle ?

Les causes de faiblesse sexuelle vont se retrouver essentiellement au niveau de ces quatre axes évoqués plus haut. Il y a des causes modifiables et des causes non-modifiables.

- Les causes neuropsychiques : l’immense majorité des causes de faiblesse sexuelle sont d’origine psychogène : la dépression, le manque d’estime de soi, le stress, etc. Trop de stress, ce n’est pas bon. Le stress est un ennemi du sexe.
- Le mode de vie et les maladies générales ont un impact important sur la santé de nos vaisseaux et nerfs et par conséquent sur notre vie sexuelle. Ce sont l’hypertension, le diabète, la sédentarité ou le manque d’activité physique, l’obésité, le tabac, l’alcool.

- L’âge, facteur non-modifiable : un homme sur deux après 50 ans se plaint de faiblesse sexuelle. L’âge va avec le cumul des comorbidités mais aussi une baisse de la testostérone appelée Déficit androgénique lié à l’âge (DALA) dans notre jargon, une sorte d’andropause.

- Certaines maladies peuvent entamer l’intégrité de la verge et expliquer une faiblesse sexuelle. Il y a aussi des médicaments comme ceux contre l’hypertension artérielle qui peuvent interférer avec la mécanique de l’érection. On peut aussi citer certaines opérations chirurgicales comme la chirurgie de la prostate qui peuvent léser les nerfs intervenant dans l’érection et expliquer une faiblesse sexuelle.

Avez-vous des chiffres sur l’ampleur de la maladie ?

La dysfonction érectile constitue, avec l’éjaculation précoce, les deux maladies les plus rencontrées en médecine sexuelle. On estime à 322 millions de personnes qui pourraient souffrir de faiblesse sexuelle en 2025. En Afrique, le taux de prévalence de la dysfonction érectile sera multiplié par trois entre 1995 et 2025. Aux Etats-Unis, il y a des études qui montrent que plus d’un malade sur deux (52% des hommes) entre 40 et 70 ans se plaint d’une dysfonction érectile. Pour autant, la faiblesse sexuelle reste une maladie taboue. En effet, selon certaines études, neuf patients sur dix n’ont jamais consulté ou exprimé spontanément leur mal à un agent de santé.

C’est en suggérant au patient des questions sur sa vie sexuelle que l’on s’en rend compte. Des études sur les causes en France révèlent que six hypertendus sur dix, de même que sept diabétiques sur dix se plaignent de faiblesse sexuelle. Au Burkina Faso, une étude chez les diabétiques a révélé que près de trois hommes sur quatre souffrent de faiblesse sexuelle. Le diabète multiplie ainsi par 4,1% le risque de dysfonction érectile, et l’hypertension artérielle le multiplie par 1,6%. Par ailleurs, 40% des patients qui consultent pour dysfonction érectile sans avoir aucune manifestation de maladie cardiovasculaire ont en réalité une maladie cardiovasculaire infraclinique.

De plus, de nombreux patients qui consultent pour maladie de la prostate présentent également un certain degré de faiblesse sexuelle. Au-delà donc du symptôme, ce sont les causes qui sont derrière et les conséquences graves que nous, praticiens, nous voyons. Il ne faut donc pas les banaliser. Il ne s’agit pas d’aller voir un tradi-thérapeute ou faire de l’automédication pour juste faire passer le symptôme. C’est pour cela que lorsque nous recevons un patient, nous explorons pour écarter les causes graves afin que le malade puisse améliorer sa qualité de vie.

Nous entendons parfois les hommes souffrant de faiblesse sexuelle accuser les hémorroïdes. Qu’en-est-il réellement ?

C’est vrai que dans la pratique, beaucoup de patients accusent l’hémorroïde en se disant que c’est ce qui explique leur impuissance sexuelle. Il y a certes des études qui concluent au fait que les hommes pourraient plus souffrir de faiblesse sexuelle lorsqu’ils avaient été diagnostiqués porteurs d’hémorroïdes, particulièrement lorsqu’ils sont d’âge inférieur à 40 ans.

D’autres études en revanche n’ont pas retrouvé de lien entre hémorroïdes et faiblesse sexuelle. Les hémorroïdes, en effet, sont responsables de congestion et de douleur pelvienne. Par ce biais, un patient souffrant d’hémorroïdes peut avoir une sorte d’évitement de l’activité sexuelle ou une gêne ou encore une douleur lors des rapports sexuels. Pour autant, nous disons aux patients de toujours consulter car le sexe est un bon indicateur de notre état de santé.


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Comment se fait la prise en charge de la dysfonction érectile ?

La prise en charge comporte plusieurs volets. Il y a une étape qui concerne surtout les conseils à donner au patient sur les changements à apporter à son habitude de vie. Lorsque le patient est tabagique ou il a un diabète déséquilibré, il faut qu’il soit bien suivi. En fonction des causes spécifiques que nous allons trouver, le patient doit suivre un traitement. Parmi les possibilités thérapeutiques, il y a des médicaments sous forme de comprimés à avaler ou de crèmes ou d’injection à faire au niveau de la verge, que nous préconisons au patient pour améliorer son activité sexuelle.

Au-delà de ces médicaments, Il y a un autre palier qui consiste à faire une intervention chirurgicale qui consistera en la pose de prothèses au niveau de la verge pour certaines situations complexes, afin de permettre une activité sexuelle. Donc pour la prise en charge, il y a plusieurs types en fonction des paliers. Mais par-dessus tout, ce sont les causes que nous allons retrouver qui sont très importantes à prendre en charge : le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité, le syndrome métabolique, etc.

Si vous avez des conseils à donner aux hommes sur cette question, quels seraient-ils ?

La dysfonction érectile partage les mêmes facteurs de risques que les maladies cardiovasculaires. Elle est le premier signe même des maladies cardiovasculaires. Une personne qui a consulté pour faiblesse sexuelle a beaucoup de chance de faire un événement cardiovasculaire dans les années à venir.

S’il y a donc des conseils à donner, c’est de dire que le stress est un très mauvais ennemi du sexe. Certes, nous avons du stress, mais il faut trouver des solutions anti-stress comme le sport. La pratique régulière du sport permet d’avoir une bonne activité sexuelle.

Il faut également avoir une vie saine, pas d’alcool et surtout savoir que lorsqu’on a des pannes sexuelles qui se répètent, ça nous alerte de ce que probablement, par-dessous de notre pénis, il y a d’autres maladies que nous guettent et il ne faudra pas penser seulement à pratiquer l’automédication pour faire passer cette situation, mais plutôt consulter un spécialiste pour que les explorations puissent écarter d’autres situations plus compliquées. C’est très important.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
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