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Burkina Faso : Bâtir un nouveau leadership, préconise le journaliste et consultant André Marie Pouya

Publié le lundi 22 février 2021 à 11h32min

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Burkina Faso : Bâtir un nouveau leadership, préconise le journaliste et consultant André Marie Pouya

La longue file des ralliements au MPP et l’espèce de nostalgie que suscite toujours le président Blaise Compaoré, dans certains milieux, constituent, peut-être, des preuves d’une pauvreté de leadership, dans le nouveau paysage politique burkinabè. D’autres figures, jeunes, crédibles et solides, doivent émerger, pour que notre pays redonne espoir à sa population. Tribune.

Nous définissons, ici, le mot leadership comme un groupe de personnalités fiables, jouissant d’une aura ou d’un charisme à même de susciter l’adhésion des masses populaires à leurs programmes de société respectifs. Ajoutons à cela, « un acte fort de leadership » que nous disséquons, ainsi qu’il suit : le fait, prouvé, d’une action d’envergure, menée à bien, avec le soutien consensuel de la population, par une personnalité publique. Ces préliminaires, forcément restreintes, nous permettent d’avancer dans notre cheminement.

Questions sur les ralliements

Le nouveau paysage politique burkinabè, ou paysage de l’après élections de novembre 2020, pourrait entrainer et provoquer des questionnements divers :

1 - Que vise le MPP, à travers ces débauchages ou ces recrutements d’opposants, durement sanctionnés par le suffrage universel, dont, a priori, il n’a pas besoin pour gouverner, confortablement ?

2 - Qu’est-ce qui a pu pousser une partie de l’opposition dans les bras du pouvoir en place, dans une position où elle n’a aucune possibilité de négociation avec le pouvoir en place, et à un moment où elle a intérêt à tout accepter de sa nouvelle tutelle, contrainte ou autosuggérée ?

3 - Qu’en pensent les rares Burkinabè de bonne volonté, qui s’essaient encore à jouer le jeu démocratique, en se rendant aux urnes ?

4 - Quelle configuration aura l’opposition, les semaines à venir, quand le président du CDP, avec ses vingt députés, aura été consacré Chef de file de l’opposition (CFOP) ?

Question de base : Dans ce nouveau paysage politique, comment bâtir un nouveau leadership au Burkina Faso, pour redonner ou donner au peuple l’espoir d’une amélioration de la gouvernance du pays ?

Quelques esquisses de réponses que les personnes, qui liront ces propos, enrichiront ou contesteront, je l’espère, en toute courtoisie…

1. Les visées supposées du MPP : « C’est pour brider les ambitions et les appétits du NDT ». « C’est du sauvetage, humanitaire, d’opposants laminés et en détresse ». « C’est pour reconstituer, peu à peu, la Galaxie Compaoré, avec sa frange active de l’Insurrection d’octobre 2014 ». « C’est pour élargir la base sociale et politique du MPP ». « C’est pour faire baisser la tension politique, après la virulente campagne électorale ». « C’est, c’est, c’est … ». La liste d’hypothèses s’allonge, indéfinie et incertaine, donc dynamique.

2. Le ralliement d’opposants : « Ils ont voulu se venger du peuple souverain, qui les a bien sanctionnés dans les urnes ». « Ils ont voulu régler leurs problèmes sociaux, car, financièrement essorés par cinq ans d’opposition et par des campagnes électorales coûteuses ». « Ils redoutaient des ralliements individuels de leurs cadres ». « Ils veulent prendre la citadelle MPP, de l’intérieur ». « Ils veulent mettre fin à cette guerre civile politique, que nous avons connue, ces cinq dernières années ». « Ils, ils, ils… ».

3. Ceux qui croient encore au jeu démocratique pour changer la réalité s’accrochent aux arguments suivants : « Il y a encore des forces de changement dans le reste de l’opposition ». « Il n’y avait pas de différence entre les opposants ralliés et le MPP ». « Ils ont, tous, été formés et promus par Blaise ». « Gardons espoir en les potentialités de changement de notre peuple ! » « Nous sommes déroutés voire dégoûtés par ces retournements de veste. »

4. La nouvelle opposition politique : Inutile de se perdre en conjectures, ce n’est pas la peine de se griller les neurones, les semaines prochaines nous révéleront les partis et formations politiques qui vont continuer à grignoter la maigre broussaille du maquis idéologique de notre pays, sous la bannière du nouveau CFOP. Nous réaliserons aussi quels seront les positionnements des autres. Patience !

Comment bâtir un nouveau leadership au Burkina Faso ?

Commençons par un exemple d’acte fort de leadership. Au lendemain de l’Insurrection d’octobre 2014, M. Simon Compaoré a invité le Peuple insurgé à nettoyer la ville de Ouagadougou des saletés et ordures provoquées par cette intervention directe de notre peuple. Dans la discipline, et toutes tendances politiques confondues, des Burkinabè ont répondu à l’appel. Notre chère capitale n’avait jamais été aussi belle !

Personnellement, ému jusqu’aux larmes, je me suis posé ces deux questions :

1. Quelle recette Simon a-t-il utilisée pour convaincre ce large spectre de la société burkinabè de le suivre ?

2. Pourquoi le peuple insurgé, savourant encore sa victoire de la veille, et bien que fatigué par les veilles et par les marches, a-t-il accepté de répondre à l’Appel de Simon ?

Un leader est une personnalité que l’on suit parce qu’on est convaincu que la voie et l’action qu’elle propose sont bénéfiques à la nation entière. Comment faire éclore des jeunes de cette trempe ? La population burkinabè est jeune, très jeune. Par conséquent, il serait rationnel que le Burkina Faso soit dirigé, dans un proche avenir, par des jeunes. Pourquoi pas des jeunes personnes de 18 à 40 ans, maximum ? Les plus de quarante ans seraient là, pour leur prodiguer des conseils, sur demande : se montrer disponibles, sans s’imposer !

Faudra-t-il créer des « Académies de leadership » ? Pourrions-nous dispenser des « cours de leadership », dès l’école primaire ? Les partis et formations politiques pourraient-ils, enfin, se mettre à former leurs militants et sympathisants jeunes, en les préparant à prendre la relève, dans cinq ans, aux élections prochaines ? Il ne s’agit pas d’allumer une « guerre générationnelle » dans les partis et formations politiques. Plutôt, ce serait une forte incitation, dans le sens de l’histoire.

Une histoire édifiante, vécue, pour conclure : En Ouganda, dès l’école primaire, chaque classe doit désigner, à la rentrée, un « Chef ». Les chers enfants constituent des « listes » ou des « états-majors » de campagne, qui s’affrontent, avec des « programmes d’amélioration des conditions de vie et de travail au sein de l’école ». Les enseignants accordent du temps de campagne auxdites listes qui défilent, au tableau, pour défendre, chacun, leur programme. À l’occasion, les enfants démontrent que le pays regorge de tant de Yoweri Museveni en herbe ! C’est à l’issue de cet affrontement d’idées que le vote intervient… Ah, quel bel exercice ou quel bel apprentissage de leadership ! À méditer…

André Marie POUYA
Journaliste & Consultant

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Vos commentaires

  • Le 22 février 2021 à 13:02, par yelmingaan blaan saa hien En réponse à : Burkina Faso : Bâtir un nouveau leadership, préconise le journaliste et consultant André Marie Pouya

    "Personnellement, ému jusqu’aux larmes, je me suis posé ces deux questions :

    1. Quelle recette Simon a-t-il utilisée pour convaincre ce large spectre de la société burkinabè de le suivre ..."
    AMP,nous sommes tout ouïe,exit fort probablement le PAN(publiquement éconduit par rapport a ses prétentions au lenga )et le chef NTD(plus de 40 ans et retardataire par "coincidence et pourquoi ?" au premier conseil de ministre,sur quel jeune cheval docile ou contrôlable parie l ancien bourgmestre ?!pas si fort car vos même paraissez bien brillant et jeune !

  • Le 22 février 2021 à 14:41, par paul En réponse à : Burkina Faso : Bâtir un nouveau leadership, préconise le journaliste et consultant André Marie Pouya

    Les burkinabè ont réussi leur insurrection populaire mais à rater la gestion post-insurrection à 2 niveaux : la transition n’a été qu’un pis aller où son ambition était de préparer un nouveau président élu démocratiquement et non d’assurer le futur. Depuis 2015 jusqu’à ce jour, nous trainons une tare à savoir notre incapacité à responsabiliser les jeunes dans les instances politiques et des instances dirigeantes de ce pays. Tous les principaux acteurs politiques sont les mêmes qui ont accompagné Blaise pendant 2 voire 3 décennies et, donc, redevable, des nombreuses casseroles de ce dernier (crimes de sang et économiques par exemple). Rock a raté son 1er mandat pour n’avoir pas eu le courage d’organiser le triptyque : vérité, justice, paix et réconciliation en montrant l’exemple par lui-même. Blaise n’est pas mieux car c’est un couard qui n’a jamais eu le courage de s’assumer. Son seul fait d’arme se résume par la peur qu’il a suscité depuis qu’il a porté le treillis militaire et, ce, depuis qu’il était aux côtés de Sankara comme frère d’arme. Bref, la réconciliation est déjà un non sens avec un ministre d’état pour cette tâche ! l’histoire risque de se répéter avec cette fameuse journée du pardon de 2001 voire en pire ! Il serait temps de comprendre à nos vieux politicards d’accepter de préparer la relève avec les jeunes de 30-40 ans qui n’ont jamais "bouffé" dans le râtelier de 3 décennies de mal gouvernance et de gabégie. Nous n’avons pas 10 ans pour le faire ; même pas 5 ans. Nous avons déjà consommé 6 ans pour faire cette transition afin d’amener cette nouvelle génération jeune aux affaires de l’état. Avons-nous encore le choix ? Pas vraiment, les Rock, Simon, Ablacé, Séphirin... auront 70 ans ! La France est vieille mais son président n’a que la quarantaine ! Sankara a pris le pouvoir à l’âge de 33 ans ! Lorsque la population est au 2/3 composé de jeunes, il est temps d’OSER avec cette jeunesse aussi bien les hommes que les femmes. OSONS appliquer la parité homme-femme dès les prochaines élections communales...

  • Le 22 février 2021 à 14:49, par Obliviator ! En réponse à : Burkina Faso : Bâtir un nouveau leadership, préconise le journaliste et consultant André Marie Pouya

    Je pense que vous prêchez dans le vide, parce que les leaders charismatiques ne seront que nés. Quand on les a, on doit savoir les estimer et les protéger pour qu’ils puissent accomplir leur mission de vie.
    Je pense que le système politique du Burkina Faso est simplement pourri (c’est le reste du système de Blaise Compaoré qui ne fait que trop durer) par les mêmes vieilles têtes. Sinon il y’aurait des gens charismatiques et visionnaires, mais qui garantit de les protéger pour qu’on n’arrive pas à instrumentaliser des gens comme les Hyacinthe Kafando pour mettre un terme à leur vie en l’espace de quelque secondes ? C’est là que gît le chien enterré !
    On doit faire une chambre parlementaire pour les vieux qui veulent transmettre leur compétences et laisser la place à des jeunes dynamiques et ambitieux (qui ne souffre d’aucune indolence et qui ont des visions et encore la faim et la soif de réussir leur mission de vie) pour faire le job. L’âge adéquat de ces futurs dirigents burkinabè doit être entre 35 et 45 ans, comme sous la révolution.

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