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Ismo Vitalo : De chauffeur de bus à la prison, il trouve sa voie dans la musique

Publié le samedi 6 février 2021 à 16h14min

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Ismo Vitalo : De chauffeur de bus à la prison, il trouve sa voie dans la musique

Ismo Vitalo, à l’état civil, c’est Ismaël Yoda. Il est l’une des merveilleuses voix du pays des Hommes intègres. Ses textes inspirent plus d’un. Dans un univers musical rude, il a su se faire une bonne place au soleil. Les mélomanes l’ont adopté. Transfuge du groupe Vitalo, l’artiste est un fervent militant pour la cause de la paix. A travers ses chansons, il prévient, conseille et conscientise. Le 12 février prochain du côté du CENESA, il donnera un concert à l’occasion de ses vingt ans de carrière. Focus sur un homme dont la vie n’a fait aucun cadeau, et pourtant il s’en est sorti jusque-là.

Début des années 1980, le jeune Ismaël Yoda est en Côte d’Ivoire. A l’école, en plus des i, o, et a, le môme s’intéresse aux notes musicales. Il participe à des soirées dansantes. L’école ne réussit pas à le garder. Le garçon veut devenir un grand homme. Il devient donc convoyeur dans une compagnie de transport. Petit à petit, il met des ressources de côté. Avec ses économies, il réussit son permis de conduire. Il se voit confier la responsabilité d’un car. Il se sent l’aise. La réussite est à ses portes. Malheureusement, sa joie sera de courte durée.« J’ai eu un accident entre Toumoudi et Yamoussoukro. Il y a eu 14 morts. Cela m’a amené en prison » se rappelle-t-il avec amertume.

Le groupe Vitalo se forme en prison

Au lieu de se resigner, il s’arme de courage et d’abnégation. Il se remet à fredonner des chansons, sa passion d’origine. La prison est une chance pour lui. Il se remémore : « Comme Dieu ne fait rien au hasard, c’est en prison que j’ai connu mon producteur, un Guinéen du nom de Ousmane Touré. Il a promis d’apporter son aide une fois liberé ». C’est dans cette même prison qu’il fait la connaissance d’Abass et une autre personne. Ensemble, ils forment le groupe Vitalo. Il explique que « Vitalo veut dire la vitamine de l’eau. Ce nom parce que l’eau, c’est la vie ». Finalement, les deux acolytes recouvrent la liberté. Lui, c’est le lead vocal et Abass écrit et corrige les textes. Ousmane Touré sortira également plus tard. Il investit dans leur premier album 3 500 000 F CFA.

Le groupe Vitalo vit la galère à Ouagadougou

C’est un coup de pouce salvateur. Nous sommes au début des années 2000. Les deux compères décident de rentrer au Burkina, pays d’origine d’Ismo Vitalo. Ils croyaient qu’ils étaient sortis d’affaires. Mais que nenni. C’était juste une nouvelle autre page de galère qui s’ouvrait. Il s’en rappelle : « Arrivés à Ouagadougou, on a dormi deux jours à la gare du train.

Le 3e jour, nous nous sommes retrouvés au grand marché. On ne savait pas où aller. On se renseignait sur Seydoni production. Un jour on tombe sur mon beau. Il nous a amenés chez lui. C’était une « entrée couché », sans clôture. » Son beau partage son studio avec sa femme. Eux, ils étaient obligés d’aller ramasser les cartons de frigo pour en faire des couchettes. Le troisième mousquetaire ne supporte pas les conditions de vie. Il abandonne le groupe et s’envole pour le Gabon.

Le public accueille bien leur premier album

En 2002, le bout du tunnel se pointe. Le premier album sort. Il est intitulé « Tcheliguian ». C’est une invite au respect des mères. L’opus est bien accueilli auprès des mélomanes. C’est la fin des peines. En 2004, ils produisent leur deuxième album, prisonnier. Là, ils racontent leur passé de vie carcérale. Puis, c’est encore une traversée du désert pour le groupe. Des mésententes naissent et le duo se disloque. Cela n’est pas un frein pour l’ambitieux Ismo Vitalo. Il tient coûte que coûte à continuer sa carrière artistique.

La musique et lui, c’est une histoire d’héritage familiale. Il raconte l’air joyeux : « La musique est ancrée en moi depuis ma grand-mère. Je ne l’ai pas apprise. C’est inné. C’est un don. Sinon j’étais un grand footballeur. J’avais le choix d’être artiste et athlète. J’ai choisi de faire la musique parce qu’à travers elle, j’arrive à lancer mes messages, à conscientiser, à appeler à la paix surtout à la cohésion sociale qui est importante. »

En Solo, Ismo Vitalo continue de vivre sa passion

Il poursuit donc ses productions. Deux singles et deux albums voient le jour. Entre temps, le bon vent tourne vers le groupe. Vitalo renait et produit en 2013 l’album « prophétie ». Ces retrouvailles seront de courte durée. Le groupe est encore disloqué. Abass est contraint de retourner en Côte d’Ivoire pour s’occuper de sa famille. Lui, Ismo Vitalo, reste et fonce toujours dans sa passion. Les scènes se succèdent. Il évolue dans le reggae. Le public burkinabè finit par l’accepter définitivement. Il fait partie des grands défenseurs de la musique de Bob Marley au pays des Hommes intègres.

Il ne se limite pas seulement à ce style musical. Sa voix passe partout comme le zouk, le mandingue ou encore le zouglou. Aujourd’hui, il ne regrette pas d’avoir persévérer : « La musique m’a beaucoup apporté. Elle m’a ouvert beaucoup de portes. Je ne passe pas inaperçu. Je marchais pour participer aux émissions. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. J’ai eu une moto, un terrain puis un véhicule. Je vis tranquillement chez moi. Je remercie Dieu. J’arrive à gérer ma famille. »

Un concert pour traduire toute sa reconnaissance aux mélomanes

Sa vie est faite de haut et de bas. Malgré tout, il tient bon. Le 12 février 2021, il se produira du côté du CENASA pour ses 20 ans de carrière. C’est un spectacle qu’il donne en guise de reconnaissance aux mélomanes burkinabè pour leurs multiples soutiens. Par la même occasion, il dédicacera son 3e album solo intitulé « souvenirs d’Afrique ».
Ismo Vitalo est père de trois enfants. Il n’entend pas ranger le micro de sitôt. Il espère aller toujours plus haut, toujours plus fort.

Dimitri Ouédraogo
Bonaventure Paré (photo)
Crispin Laoudinki et Augustin Khan (réalisation vidéo)
Jacques Sawadogo (montage)
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