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Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

Publié le dimanche 27 décembre 2020 à 23h50min

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Ouagadougou : Sandogo

Dans plusieurs villes du Burkina Faso, la saison sèche rime avec la disette en eau potable. Dans les quartiers périphériques, trouver le liquide précieux est un véritable chemin de croix. A Sandogo, un quartier de Ouagadougou, l’eau se fait rare en plein mois de décembre. Selon les résidents de ce quartier, c’est une galère permanente.

C’est une matinée du mercredi 23 décembre 2020 presqu’ordinaire pour les habitants du quartier Sandogo. Des femmes et des enfants se convergent vers l’une des bornes fontaines du quartier. Ici, tous les moyens de transport sont utilisés pour se procurer le liquide précieux. Une fois sur place, c’est une longue file d’attente des bidons d’eau qui sont alignés dans tous les sens. Le message est clair : l’eau potable se fait rare ici.

Dans ce quartier situé dans l’arrondissement n°7 de Ouagadougou, pour s’approvisionner en eau potable, les habitants consentent également des efforts tard dans la nuit. « On a pitié de nos femmes. Hier, ma femme s’est levée à 2 heures du matin pour aller dans un quartier qui est à cinq kilomètres de chez nous pour chercher de l’eau », raconte Herman Ouédraogo, un résident de Sandogo. Il ajoute également la condition dans laquelle le reste de la famille se retrouve lorsque sa femme part chercher l’eau. « Comme elle ne pouvait pas aller avec l’enfant, j’étais obligé de dormir avec le bébé. Et lorsqu’elle était sortie, moi-même je n’avais pas le cœur net », relate-t-il avec amertume.

Herman Ouédraogo dit s’inquiéter pour la sécurité des femmes qui sortent tard dans la nuit pour chercher de l’eau.

Au moment où nous nous entretenons avec les gens devant cette borne fontaine, d’autres riverains nous envahissent. Pensant que nous sommes un agent de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA), ils sont venus nous exprimer leur mécontentement. Un homme qui visiblement nous observait dès le début leur rassure que nous sommes un journaliste. C’est une occasion de plus pour parler de leur situation, jugent-ils. « Nous ne sommes pas contents parce qu’il n’y a pas de l’eau. L’eau, c’est la vie. Si tu n’as pas de l’eau, tu vas faire comment ? Pourtant s’il y a l’eau, quel qu’en soit le travail que tu vas faire, il n’y a pas de problème », vocifère la vieille Ilboudo.

A l’exemple de cet enfant avec les deux bidons, beaucoup viennent à la borne fontaine dans l’espoir que l’eau vienne.

Ce chemin de croix pour obtenir de l’eau potable est réservé pour des jeunes et non des vieilles personnes, rappelle Mariam Sanfo, une autre vieille présente à la borne fontaine. « Nous les vieilles, on n’arrive pas à boire et à nous doucher. On ne sait quoi faire. Actuellement, on cherche de l’eau pour boire d’abord pourtant nous sommes sales », se lamente-t-elle.

Un phénomène pas nouveau

Selon les résidents de Sandogo, depuis le vendredi 18 décembre 2020, l’eau ne coule plus dans les robinets, même tard dans la nuit. Mais avant cette coupure, il y avait toujours un problème d’eau dans ce quartier que les ressortissants estiment à environ cinq kilomètres du quartier Pissy. « A Sandogo, le problème d’eau est devenu annuel. Même pendant la saison pluvieuse, il n’y a pas d’eau. Dans toute la zone, il n’y a pas une concession qui pourra dire qu’il y a de l’eau de façon régulière », informe Eric Soudré.

Nazaire Kaboré, un autre habitat du quartier, emboite la même trompette tout en précisant une période. « Ce manque d’eau, nous le vivons depuis 2015 où je suis dans ce quartier. On n’a jamais eu l’eau si ce n’est qu’à partir d’une heure à trois heures du matin. Malgré qu’on a des robinets dans nos maisons, nous souffrons ».

Avec ses cinq ans à Sandogo, Nazaire Kaboré, indique que le phénomène dure depuis dix ans.

Une famille approvisionnait les voisins en eau potable grâce à un château, rapporte Jeanne Tiolé. Sauf que deux jours (le 20 décembre) après cette longue période de coupure d’eau, un cas de décès est survenu au sein de cette famille. Conséquence, toutes les familles aux alentours sont privées d’eau.
Pour le moment, la corvée n’est pas trop ressentie dans certaines familles, indique Jeanne Tiolé. « Actuellement, les enfants sont en congé, donc imaginez notre souffrance, lorsqu’ils vont reprendre les cours », se projette-t-elle.

L’eau du basfond, un business

« A quelque chose, malheur est bon », dit-on. La vente d’eau potable connaît actuellement une spéculation à Sandogo. La barrique d’eau de 200 litres est vendue entre 1000 et 2000 Fcfa, selon la distance des ménages. Sata Dao, gérante de la borne fontaine où nous avons rencontré les riverains, est obligée d’aller chercher de l’eau dans d’autres quartiers pour revendre. « Nous souffrons beaucoup. S’il y a de l’eau, il y a du bénéfice. Actuellement, il n’y a pas d’argent parce qu’il n’y a pas de l’eau », explique-t-elle.

Sata Dao est beaucoup sollicitée en cette période.

Selon les informations recueillies sur place, plusieurs familles puisent de l’eau dans un basfond pour leurs travaux ménagers. Situé à une centaine de mètres de la borne fontaine, nous nous sommes rendus dans cet endroit. C’est un gigantesque espace servant de dépotoir et de confection de briques en terre que nous découvrons. De loin on peut apercevoir quelques étangs, la source tant convoitée ces derniers jours.

Le basfond de Sandogo soulage plusieurs ménages actuellement.

Dans la famille de Nazaire Kaboré, cette eau sert à arroser les fleurs, nous raconte-t-il. Visiblement, les rôles de cette eau varient d’une concession à une autre. El Bechi Sawadogo, un élève en classe de troisième, accompagné de sa sœur et son frère, est venu chercher de l’eau. Avec leur six bidons de 20 litres, ils sont venus avec une charrette. Situation oblige, ils se mettent à genoux et trempent les bidons dans l’eau pour les remplir. L’autre étape consiste à recharger ces bidons dans la charrette et la pousser pour retourner à la maison. Cette eau qu’ils viennent de prendre va servir à la construction de leur maison, informe le jeune El Bechi Sawadogo.

El Bechi Sawadogo (à droite) et ses frères puisent l’eau dans cette position.

La même Sata Dao de la borne fontaine vient également, par moment, dans ce basfond pour son business. De son côté, elle ne s’attarde pas sur ce à quoi va servir l’eau ; le plus important pour elle, c’est de livrer ses commandes.

Les factures de l’ONEA, l’autre colère

Cette pénurie d’eau tombe dans un contexte où les factures de l’ONEA n’arrivent pas à convaincre les populations, car elles estiment que les sommes à payer ne reflètent pas leurs consommations. C’est le cas de Éric Soudré qui se retrouve avec deux factures d’eau pour plus de 50.000 Fcfa. « Je n’ai jamais vu quelqu’un qui est venu prendre des relevés chez moi et on me tend des factures », indique-t-il avec un air perdu.

Quant à Nazaire Kaboré, il dit ne pas être d’accord avec cette attitude de la nationale de l’eau, parce qu’on lui a adressé une facture de 248 000 Fcfa. Il s’est rendu dans une agence de l’ONEA pour comprendre davantage cette situation. Sur place, on lui informe qu’une autre facture d’un montant similaire est en cours. Il ajoute que 72 heures plus tard, le service contentieux lui indique qu’il doit payer trois factures de 111 000 Fcfa.

Cette situation n’est pas du goût à faciliter la paix sociale, prévient Éric Soudré. « Je pense que chaque Burkinabè doit contribuer à la paix sociale mais avec de telles attitudes, vous voulez qu’on fasse quoi ? On se révolte ? On commence à rentrer dans l’incivisme ? » s’interroge-t-il.

Éric Soudré invite la population a donné de la voix pour dénoncer les pénuries d’eau.

Le même jour où nous réalisons ce reportage, le Premier ministre a donné des instructions pour mettre fin aux brimades.

« Je demande à l’ONEA : ils n’ont qu’à faire pardon… »

Les habitants de Sandogo, unanimement, demandent à l’ONEA de se pencher sur leur situation. Certains appellent à plus de communication. « Il faut que l’ONEA nous parle et non se contenter d’envoyer des factures qu’on ne peut pas payer », recommande Eric Soudré. Pourtant, la nationale des eaux multiplie les sorties médiatiques. Est-ce que la communication est insuffisante ou c’est un problème technique ? « Les sorties médiatiques ne suffisent pas et je pense que c’est un mépris. Ça fait cinq ans que je suis dans ce quartier. Je suis venu trouver ce problème qui perdure chaque année », répond-il.

Quant à Nazaire Kaboré, visiblement désemparé, il supplie la nationale de l’eau : « Je demande à l’ONEA : ils n’ont qu’à faire pardon, pour leurs mamans et leurs enfants qui souffrent. Qu’ils viennent à Sandogo pour voir notre problème ». Il ajoute : « Même si le circuit de canalisation a un problème, qu’ils essaient de faire un projet pour nous installer un château d’eau ».

C’est dans un tel contexte que Sandogo et ses habitants vont passer les fêtes de fin d’année. Ils souhaitent que leur situation soit rétablie de manière définitive, car cette galère est de trop.

Cryspin Masneang Laoundiki
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 27 décembre 2020 à 13:09, par blablack En réponse à : Ouagadougou : Sandogo meurt de soif

    Un peuple de rien avec des ministres qui préfèrent parader en Europe au lieu de s’impliquer dans la gestion de leur pays.
    Faso fier ? de quoi ? même pas capable de creuser des puits. smdh
    blablack.com

  • Le 27 décembre 2020 à 13:26, par Kinkester En réponse à : Ouagadougou : Sandogo meurt de soif

    Quand nous serons 40 millions d’habitants dans une dizaine d’année, ça sera une véritable catastrophe. On s’entre tuera pour un saut d’eau où un lopin de terre. Multiplions nous et remplissons le Burkina puisque c’est à qui fera le plus d’enfants en ce moment. ça va entendre notre argent. Irresponsables que nous sommes !

  • Le 27 décembre 2020 à 14:08, par banga En réponse à : Ouagadougou : Sandogo meurt de soif

    chez nous en Afrique surtout au Burkina faso si on veut faire un projet on ne prend pas de temps et ecouter les experts nos dirigents savaient bien que le barrage de Ziga n’etait pas une solution difinitive aux problemes d’eau a Ouagadougou car Ziga ne pourait pas alimenter la ville a long terme comme la population ne decident pas et ne savent pas ils ont faient le barrage a des milliards rien pour quelques annees c’est une honteux car la solution est simple .un bon barrage qui va faire des siecles pour alimenter tout le pays et reduire le prix de l’eau

  • Le 27 décembre 2020 à 17:32, par HUG En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Prenez votre mal en patience ça va aller . Y’a pas de problème disait quel qu un.Tout Ouagadougou a vote le mpp. le mpp ne va pas vous oublier. Chaque peuple mérite ses dirigeants.

  • Le 28 décembre 2020 à 06:03, par Mogo En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Le peuple souffre, le peuple se plaint et les dirigeants s’en moquent éperdument. Ça va aller, disent-ils !! Oui, ça va aller !! Toutes ces femmes qui souffrent, tous ces enfants qui n’ont plus le temps d’étudier car ils doivent chercher l’eau en priorité !!! On fait quoi ?? Ça va aller ?? Oui, ça va aller. Les responsables de l’ONEA sont là, imperturbables. Ils augmentent les factures d’eau et le gouvernement observe sagement. Ça va aller. Quand la population va sortir dans la rue pour crier son raz-le-bol, certains vont hurler à l’incivisme. Le pays est à la dérive et on n’est pas prêt d’en sortir

  • Le 28 décembre 2020 à 07:16, par Benjamin En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Moi je ne sais pas ce qui se passes. Lonea, la sonabel doivent être nationale. Ne devraient en aucun cas être privatisés.
    Si vous permettez cela , alors vous donniez le feu vert pour des crises et des tensions sociales dans les années à venir.
    Avec l’accroissement démographique je penses que le pire est à venir.
    En afrique il n’ya jamais de planification.
    Qe ca soit, routière, sanitaire, sociale.
    On ferme les yeux jusqu’à ce que le problème surgisse.

  • Le 28 décembre 2020 à 08:34, par paysannoir En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Je pense que c’est le système d’exhaure qui pose problème. Aussi longtemps que le pompage restera manuel, les femmes vont toujours souffrir pour s’approvisionner en eau. Maintenant que le pompage solaire est plus accessible, il faut toujours accompagner les forages d’installations de pompage solaire

  • Le 28 décembre 2020 à 08:52, par Très Intrigué En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Il va sans dire que l’ONEA n’arrive pas à satisfaire sa part de contrat vis à vis de ses abonnées. Depuis plusieurs années ce problème persiste. Kouritenga, Sandogo, Nagrin et j’en passe. Pour ceux qui ont la chance d’avoir l’eau dans leurs robinets, il faut parfois se lever à des heures indues pour espérer faire des réserves. Avec tout ceci, il y a la question de la facturation par supposition qui vient affecter encore plus les ménages. Il faut définitivement trouver une solution. Sinon au vu de l’augmentation de la population, avoir l’eau dans nos robinets sera un jour une vrai gageur au Burkina.

  • Le 28 décembre 2020 à 09:24, par soimeme En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Nous savons tous que nos dirigeants sont corrompu. N’attendez plus rien d’eux. organisez vous et cotissez pour des forage ou des puits. Ne comptez que sur vous meme parce que ca fait des annees que ca dure.
    Prenez des jeunes et creusez vous meme. Utilisez votre geni createur. Regardez sur youtube il y’a ds videos ou les gens se debrouillent pour creuser.
    Avec le systeme Francais on vous fait croire que c’est l’Etat qui doit tout fournir mais c’est faut il n’en a pas les moyen. Meme en Europe les gens se cherchent, Ils viennent piler l’Afrique.

  • Le 28 décembre 2020 à 11:02, par DEHAYE Alain En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Je reprends les termes de Mr Herman Ouédraogo qui dit être inquiet pour la sécurité de sa femme partant la nuit pour cherche de l’eau. Pourquoi ne va t’il pas chercher cette eau à sa place et ainsi être plus serein ????

  • Le 28 décembre 2020 à 12:22, par Vérité Indiscutable En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Vous continuez de les voter non ????
    Souffrez donc du manque d’eau dans la CAPITALE !

  • Le 28 décembre 2020 à 12:41, par FRANÇOIS MEYRONEIN En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Sinon, monsieur Herman Ouédraogo qui est TRÈS INQUIET pour sa femme qui va chercher l’eau à 2 h du matin... Ça ne lui vient pas à l’idée qu’il pourrait aussi y aller lui même... Par exemple... ?

  • Le 28 décembre 2020 à 13:10, par Siidbizziri En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Roch et le Mpp que vous avez voté à la majorité absolue sera votre ’’solution’’ pour avoir de l’eau potable ! On ne peut pas vouloir une chose et son contraire... A bon entendeur !

  • Le 28 décembre 2020 à 14:40, par Minnayi En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    J’espère qu’il plaisante. Avec Roch c’est zéro corvée en 2020. C’est pourquoi il a été réélu et a réussi le coup K.O.

  • Le 28 décembre 2020 à 18:20, par Nikiema En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    On a cru qu’avec l’adduction d’eau de l’onea les choses allaient changer. Mais que nenni. Il faut se lever à 2h du matin pour espérer faire des réserves d’eau,et cela dure depuis des années. On a un robinet chez soi mais incapable d’avoir de l’eau. C’est pathétique !

  • Le 28 décembre 2020 à 22:05, par SIDZABDA En réponse à : Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

    Mes condoléances pour Sandogo qui se meurt. C’est triste et vraiment triste pour le Burkina. Notre peuple est aujourd’hui complètement corrompu. Nous avons tout perdu depuis le 15 Octobre 1987. Quand je lis les internautes Je m’interroge sur beaucoup de points. C’est inquiétant. Tout le monde regarde le Président et attend qu’il vienne l’aider parce qu’il n’arrive pas à faire ceci, à faire celà. Au temps de la Révolution nous avions des cerveaux pour penser pour créer. Mais aujourd’hui nous sommes incapables de la moindre initiative pour notre bien-etre ; C’est grave frères et soeurs. Levons-nous de cet endormissement de mentalités sinon nous sommes foutus. Les autres peuples ont pris les enseignements de notre Révolution et ils sont aujourd’hui meilleurs. que nous. Au rythme ou nous allons je suis sur que certains vont s’attendre à ce que le Président et son gouvernement viennent essuyer nos derrières parce que nous avons chié comme si nous sommes incapables. Libérons nos génies. Nous sommes capables par nous-memes de faire beaucoup de choses. Arretons nos jérémiades et reconnaissons que nous sommes tous coupables de ce qui nous arrive. SIDZABDA

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