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Côte d’Ivoire : Le "mystère Gueï" rebondit

Publié le dimanche 11 janvier 2004 à 11h40min

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Près de 16 mois après le déclenchement de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire, le corps du général Robert Gueï se trouve toujours dans un tiroir de la morgue d’Abidjan.
Cadavre bien encombrant que celui de l’ancien chef d’une junte militaire, abattu aux premières heures du soulèvement du 19 septembre 2002, dans des circonstances pour le moins troubles.

La polémique sur sa mort, son "exécution" pour certains, a rebondi ces derniers jours avec les déclarations du chef de l’Eglise catholique ivoirienne, le cardinal archevêque Bernard Agré, selon lequel le général Gueï a été pris à l’intérieur de la cathédrale Saint Paul pour être abattu par la suite. Le prélat s’est toutefois bien gardé de lancer la moindre accusation.

Le corps de celui qui dirigea une junte militaire de Noël 1999 à octobre 2000 avait été retrouvé dans une rue d’Abidjan, à plusieurs centaines de mètres de son domicile, une balle dans la tête.

Sa femme et plusieurs de ses proches avaient également été sommairement exécutés.

Très rapidement, quelques minutes avant l’annonce à l’AFP de sa mort par le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, le pouvoir ivoirien avait accusé le général d’être l’âme du soulèvement.

"On a identifié qui est à l’origine des troubles : c’est le général Gueï. Il est réfugié dans la cathédrale d’Abidjan", avait lancé à la presse en milieu de journée depuis Rome Alain Toussaint, conseiller en communication du président Laurent Gbagbo, qui se trouvait en visite en Italie.

Le fait que le général soit réfugié dans la cathédrale "embarrasse" le président Gbagbo à la veille de sa rencontre avec le pape Jean Paul II au Vatican, avait même alors précisé le conseiller.

Pendant ce temps, à Abidjan, Moïse Lida Kouassi affirmait à l’AFP que la mutinerie avait été lancée par "environ 280 soldats qui devaient être démobilisés en décembre" et dont "certains s’étaient soulevés en s’appuyant sur les ordres du général Gueï".

Selon la thèse officielle, le général Gueï était en route vers le siège de la télévision nationale pour annoncer qu’il prenait le pouvoir quand il aurait été tué au cours d’affrontements.

Mais les déclarations, tardives, du cardinal lors de la présentation de ses voeux à la presse le 2 janvier 2004, viennent contredire cette thèse : "Le premier jour (le 19 septembre 2002, ndlr) je n’étais pas là. On a effectivement vu Gueï ici (à la cathédrale) ; ils sont venus le prendre et ils l’ont emmené et il n’est plus revenu", a déclaré Mgr Agré dont les propos ont été reproduits par plusieurs quotidiens. En revanche, l’identité des "Ils" mentionnés reste pour l’instant un mystère.

Difficile d’imaginer toutefois qu’un militaire qui coordonne un putsch soit retrouvé en T-shirt, pantalon de survêtement et chaussures de ville, gisant sur le bas côté d’une rue, une balle dans la tête.

Selon un de ses proches contacté par l’AFP, le général Gueï avait par ailleurs un carnet de rendez-vous habituels rempli à son domicile le 19 septembre au matin.

Selon plusieurs témoignages rapportés par la presse, une fois dans l’enceinte de la cathédrale, Robert Gueï se serait dissimulé derrière des cartons quand des hommes en armes sont venus le tirer de sa cachette.

"Les églises et les mosquées sont des lieux sacrés et on ne peut pas faire n’importe quoi dedans", martèle de son côté le cardinal.

"Le moment n’est pas venu pour l’Eglise de parler. Quand tout sera calmé, elle dira la vérité", a déclaré jeudi à la presse le curé de la cathédrale, l’abbé René Agbo.

La déclaration du cardinal "confirme que la version officielle était fausse. La vérité est que le général Gueï n’a pas été tué pendant qu’il allait prendre le pouvoir. Au contraire, il cherchait à se cacher parce qu’il savait que sa vie était en danger. Normal puisque l’on avait annoncé sur les ondes de la radio qu’il était l’instigateur du coup de force", écrit jeudi le quotidien Fraternité Matin dans un éditorial.

Dans les rangs du parti du général défunt, l’Union pour la Démocratie et la Paix en Côte d’ivoire (UDPCI), on préfère pour l’heure garder le silence afin, explique-t-on, de ne pas compliquer le processus de paix en cours. Mais on n’oublie pas pour autant et des avocats suivent le dossier, assure un haut responsable du parti.

Le 13 septembre, soit six jours avant sa mort, le général Gueï avait, il est vrai, pris un énorme risque politique en annonçant la fin de l’alliance de son parti avec le Front Populaire Ivoirien (FPI, au pouvoir) de Laurent Gbagbo et, donc, du soutien de ses 14 députés.

A cette occasion, il avait descendu en flammes le régime FPI et qualifié le président Gbagbo de "boulanger qui roule tout le monde dans la farine".

AFP

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