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22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

Publié le lundi 30 novembre 2020 à 23h05min

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22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

Comme il fallait s’y attendre, le Président Roch Kaboré a remporté la présidentielle du 22 novembre sans coup férir. L’opposition qui croyait mordicus à un second tour, n’y a vu que du feu. En réalité, cette opposition s’est engluée dans des erreurs stratégiques et politiques qui lui ont été fatales. L’ensemble de la classe politique burkinabè doit tirer les leçons de ce double scrutin qui s’est déroulé de manière assez satisfaisante en dépit des insuffisances constatées sur le terrain. Les enseignements se situent à différentes échelles.

Dans l’opposition, on ne bâtit pas sa stratégie électorale sur une probable victoire au second tour : Face à un Président candidat à sa propre succession qui bénéficie de la prime du sortant, il est suicidaire pour une opposition de n’envisager une unité d’action qu’en cas de second tour. Penser à un second tour, c’est déjà douter de ses forces. Cette posture est très handicapante dans une compétition électorale.

L’opposition a raté le coach dès le départ. Le fait d’aller aux élections en rangs dispersés a émietté énormément ses voix. Pendant ce temps, le candidat Kaboré ne faisait que renforcer sa base avec les nombreux partis et mouvements qui appelaient à voter pour lui. Cette dynamique n’a pas du tout été constatée au niveau de l’opposition. Chacun prêchait pour sa propre chapelle même s’il fallait pour cela voler dans les plumes de ses propres « camarades » opposants.

Pendant que certains s’adonnaient à des envolées lyriques, d’autres opposants estimaient qu’il fallait à tout prix se démarquer des « promesses démagogiques ». Les différentes sorties ont fini par convaincre l’opinion que l’accord politique avait été échafaudé rapidement, juste pour la circonstance et qu’il ne reposait ni sur une idéologie commune ni sur des bases profondes et structurelles. Dès cet instant, le second tour devenait un miroir aux alouettes, une arlésienne. Une analyse lucide et objective des forces de l’opposition lui aurait permis de s’en rendre compte et de ne pas disperser inutilement ses énergies.

Le coup KO est bien possible. Il faut y croire : une campagne électorale, ce sont des slogans. C’est de la rhétorique. Lorsque l’on s’engage dans une élection, il faut être dans un état d’esprit de vainqueur. C’est ainsi que la loi de l’attraction agit. La communication politique doit par la suite être imprégnée de cet élément de langage pour que suivent les moyens de réaliser ses ambitions. Cela passe par la mobilisation, les idées, la séduction de l’électorat. Le candidat Roch et ses soutiens étaient dans cette dynamique.

Ils sont restés focalisés sur les réponses concrètes que les populations attendaient plutôt que de s’adonner à des attaques en dessous de la ceinture ; jeu favori de certains de leurs contempteurs. La sérénité du candidat, sa chaleur humaine, l’enthousiasme de sa campagne ont scellé définitivement le sort de l’opposition qui ne pouvait que recevoir le coup de massue en pleine figure. Cerise sur le gâteau, Roch et le MPP ont fait mieux qu’en 2015 avec un gain de 04 points à la présidentielle (57,87%).

On ne joue pas à la roulette russe avec les questions sécuritaires : Les questions sécuritaires sont si importantes à l’échelle d’un État qu’il faut se garder de les traiter avec légèreté. L’essentiel de la stratégie anti-terroriste de l’opposition repose sur la négociation avec les terroristes. Ce mode opératoire passe très mal dans l’opinion car il est synonyme de capitulation. Ni plus. Ni moins. Il est même en porte à faux avec la devise du pays : « la patrie ou la mort nous vaincrons ».

Les Burkinabè ont toujours été un peuple fier, combattant et valeureux. Prôner une négociation tout azimut pour une guerre que l’on peut et que l’on doit gagner est une solution de facilité ; une espèce de refuge dans une zone de confort quand la défense de la patrie exige des réponses énergiques. A travers ses sorties intempestives et énigmatiques sur les questions sécuritaires, l’opposition se faisait progressivement hara-kiri jusqu’à s’auto-administrer le coup de grâce. On ne saurait ramer à contre-courant de l’histoire quand il y a péril en la demeure. Un candidat à la magistrature suprême doit incarner de l’autorité, de la poigne et ne guère tergiverser sur certaines questions.

Contester les résultats est un non-sens quand on ne dispose pas de preuves matérielles : A mesure que la CENI publiait les résultats, sentant la victoire leur échapper, les opposants ont voulu jouer aux vierges effarouchées. Les signataires de l’accord politique se sont même fendus d’une déclaration au vitriol à travers laquelle ils annonçaient qu’ils ne reconnaitraient pas les résultats. Ils évoquaient alors des irrégularités et fraudes massives orchestrées par le parti au pouvoir. Mais au fil des jours, aucune preuve matérielle n’est venue corroborer ces affirmations.

Le mammouth a donc fini par se dégonfler quand les candidats malheureux se sont résolus à rejoindre le candidat déclaré vainqueur à son QG de campagne pour le féliciter. L’opposition venait ainsi de comprendre l’inanité d’une crise post-électorale.
En définitive, malgré les imperfections, le Burkina Faso aura réussi ses élections et renforcé son processus démocratique. Il faut à présent s’unir pour faire face aux défis de l’heure. Il ne doit y avoir aucune place pour une chasse aux sorcières.

Opposants et gouvernants doivent continuer à jouer leur rôle dans le strict respect des règles édictées pour le développement du Burkina Fao. Il convient particulièrement de saluer le discours d’apaisement, d’ouverture et d’humilité prononcé par le Président réélu après la proclamation des résultats provisoires. Le Burkina Faso continue de faire rêver le monde. The game must go one !

Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou

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Vos commentaires

  • Le 1er décembre 2020 à 06:28, par ARMAND En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Analyse pertinente. Il faut ajouter qu’au lieu de brandir leur programme une partie de l’opposition a passé son temps à vilipender le parti au pouvoir. Comment des Burkinabè qui ont vu des routes. Des forages à leur porte ou des écoles bien construites a la place de paillottes vont dire que rien n’a été par le pouvoir en place. Une note de zéro sur tous les plans. Les Burkinabè sont politiquement mures.et suivent bien la classe politique. Tout le monfe sait que tous les candidats ont été subventionnés. On nous parle d’achat de conscience. Comment des jeunes désoeuvrés vont battre campagne sans rien empocher en sanchant que lesdits candidats ont eu des sous. Pour la question sécuritaire ne pas reconnaitre que nous avons été attaqués 15 jours apres l’élection de 2015. Avec les moyens que Blaise ’nous a laisser il faut refaire l’armée. Mais pour le pouvoir on ferme les yeux mais le Burkinabè est lucide

  • Le 1er décembre 2020 à 08:22, par Dedegueba SANON En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Bonne lecture dans l’ensemble de ce qui s’est passé. Mais si l’opposition veut une alternance, qui ne signifie pas juste un changement de personne à la tête de l’état du fait de 2 mandats successifs, c’est maintenant qu’elle doit préparer 2025. Cela veut dire bien choisir les thèmes où il faut pourfendre le pouvoir. Continuer à surfer sur la sécurité est une grave erreur. Nulle part on ne maîtrise une guerre asymétrique sans peuple uni comme un seul bloc. D’ailleurs elle sera bien inspirée de ne plus faire le chantage au peuple, en lui faisant croire qu’il a fait le mauvais choix.Le peuple burkinabè n’est pas idiot, aucun président ne peut réussir à vaincre seul ces terroristes, si on se met dans la logique que c’est l’affaire du pouvoir seul, puisque tout le monde n’a pas le pouvoir. Et ces gens ont montré qu’ils s’attaquaient à nous tous, donc c’est notre problème à tous. Cette opposition gagnerait à ne plus être de simples " spectateurs" face au péril sécuritaire, il ne faut pas dire j’ai la solution et ne même pas la proposer ou mieux, l’appliquer.
    La chance de cette opposition est qu’il est très probable que la guerre de succession de Roch crée des vagues au MPP, c’est là que les genres Eddie ont leurs cartes à jouer. Je ne souhaite pas vraiment un retour de si tôt au pouvoir, du CDP, mais Eddie semblait incarner une jeunesse politique. Mais il devrait totalement s’affranchir de toute tutelle d’ici ou d’ailleurs en prenant le contrôle du parti, quitte même à créer son propre parti. Il ne pourra jamais rien faire si le quitus doit venir d’Abidjan. Je prône un renouvellement total de la classe politique actuelle, une trentaine d’années à entendre les mêmes discours des mêmes bouches avouez que c’est lassant. Mais CDP après MPP ? On ne gagnerait rien au change, mais Zeph m’a tellement déçu ??? Malheureusement, il fait partie de ceux qu’on doit " mettre à la retraite politique d’office" pour 2025. Moi j’avais suggéré lors de relecture de notre constitution, de faire mieux qu’aussi USA, en faisant en sorte de limiter à deux successifs les mandats présidentiels, mais aussi de verrouiller les mandats des partis de manière à ce qu’aucun parti n’excède 3 mandats successifs.... on ne m’a pas écouté.
    En Afrique " on n’organise pas des élections " pour les perdre. Si le MPP réussit à organiser la succession de Roch de façon consensuelle, nous risquons de vivre sous l’ère MPP vingt ans de suite minimum. On aura chassé Blaise à cause de François pour ....RIEN.
    Juste un point de vue.

    • Le 1er décembre 2020 à 11:51, par Ka En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

      Dedegueba SANON : Les opinions de tout en chacun font la richesse du forum. Soutenir un régime ou un parti politique c’est de soutenir ses actions concrètes, et des bonnes qui vont au peuple et l’émergence du pays et non soutenir un individu même si cette personne est le créateur du parti ou son représentant.

      Et le peuple primaire considéré comme un bétail électoral l’ont compris. Pour te dire que suivant la campagne d’Eddie pour le présidentiel, on voyait que le CDP se retourne vers le passé avec sa propagande a deux balle ’’’d’aller chercher en avion privée Blaise Compaoré sans passé par la justice, et qui s’appelle se moquer du monde ouvertement, même au milieu du parti dont les sous-marins qui tirent les ficelles ne veulent pas entendre parler de Blaise Compaoré pendant la campagne. Et chacun s’est demandé qu’est-ce que c’est que ces fausses promesses ridicules ? "Votez pour moi et vous serez heureux avec Blaise Compaoré" ? Comment un prétendant au fauteuil présidentiel, et qui veut être un président pour tous les Burkinabé et non pas seulement pour Blaise Compaoré ose-t-il insulter de la sorte l’intelligence de ses électeurs primaires ? On dirait les mensonges des faux prophètes évangélistes qui promettent guérisons, richesses et miracles à ceux qui fréquentent leurs officines, car eux, ils parlent directement à Dieu qui leur confie sans réserve tous ses petits secrets !

      Non mon cher internaute, il faut d’abords circuler dans les couloirs du MPP avant d’aborder les différences des tenants de ce parti. N’oublie pas qui ce parti a été l’initiative d’un politicien né pour diviser et régner qui a laisser avant de nous quitter, des branches solides, c’est-à-dire ses descendants. Et s’il a fait Blaise Compaoré qui a régner 27 ans sans partage, en cadençant l’article 37, le pouvoir en 2025 reviendra au MPP par une autre porte surprise, et ainsi de suite. Ce n’est qu’une analyse d’un vieux routier de la politique à tombeau ouvert du pays des hommes intègres.

    • Le 1er décembre 2020 à 18:55, par Yako En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

      @Dedegueba SANON, surfer sur l’insécurité est un thème qui a toute sa place dans le débat public.En effet, c’est sous le "régime" du président Kabore que notre pays a vu ses frontières se rétrécir à cause du terrorisme dont il n’est jamais parvenu à endiguer et comme conséquence nous nous découvrons des réfugiés internes ( 1 million) il serait quand même illogique de ne pas en parler et proposer des solutions d’autant plus que c’est le défi majeur auquel notre pays est confronté depuis 5 ans.La vraie énigme cette élection est la suivante : Pourquoi l’électorat n’a pas été sensible à la question sécuritaire pourtant centrale ? J’avoue mon étonnement."Le bon bilan du quinquennat sortant " se résume en grosso modo aux infrastructures scolaires et routières lesquelles, d’ordinaire relèvent des routines de n’importe quel gouvernement c’est sa raison d’être sauf que le paradoxe Burkinabé voudrait que l’on considère ces infrastructures comme acte de générosité du roi ! Il ya lieu de s’inquiéter.Bien à toi Yako

  • Le 1er décembre 2020 à 09:53, par HUG En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    analyse très incomplète : achat de conscience, modification unilaterale des bureaux de vote,,l implantation des cellules Mpp dans les ministères, les consignes de vote données par certaines autorutes et la campagne déguisée

    • Le 1er décembre 2020 à 11:30, par ARMAND En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

      HUG si vous êtes prêt a mettre l’essence dans votre moto ou voiture et battre campagne pour des candidats qui ont été subventionnés c’est votre problème. Les Burkinabè sont matures en politique. Appelez les comme vous voulez. Aucun politique ne peut faire sortir les jeunes pour rien. Des motos ont été distribué de gauche a droite par l’opposition et la mouvance. Après les élections c’est fini. Qui est fou Au Faso ?

    • Le 1er décembre 2020 à 13:57, par burkinameilleur En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

      désolé Mr HUG, les éléments cités ne sont pas synonymes de fraudes, on ne peut pas forcer quelqu’un à voter qui il ne veut pas.
      désolé mon frère, le BF vient d’amorcer le chemin d’un début de vraie démocratie, même si tout n’est pas parfait.

  • Le 1er décembre 2020 à 10:25, par Amadoum En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    C est cela une analyse a froid et lucide toute chose qui a manqué a l opposition.Des gens ont cru que les elections se gagnent sur internet cad les reseaux sociaux.

  • Le 1er décembre 2020 à 10:29, par FANI En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Encore une plume à la solde de quelque chose. Puissent les intellectuels chercher à prendre de la hauteur lors des débats ? Juste une opinion

  • Le 1er décembre 2020 à 11:06, par LOL En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Une redite de ce que tout le monde sait déjà, beaucoup de conditionnels, le point de vue est celui du vainqueur pour ne souligner que les erreurs des opposants. ce n’est pas une analyse. on ne voit aucune leçon objective à tirer en lisant l’écrit, rien. pas digne d’un "Enseignant chercheur".

  • Le 1er décembre 2020 à 12:33, par Minnayi En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Analyse assez biaisée et surtout partisane, donc subjective.

  • Le 1er décembre 2020 à 14:25, par Vérité Indiscutable En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Analyse à l’image de la conscience émoussée du peuple lui-même. Des intellectuels au service d’eux-mêmes et non pas au service du peuple. On est prêt à aller tromper nos parents pour voter le candidat qui nous promet un poste mais les mêmes parents resteront dans la misère pendant tout le mandat. Tôt ou tard, ça doit finir. On ne sait pas ce qu’on cherche au Burkina Faso. Les motifs du vote du MPP sont des motifs malsains qui vont nous rattraper tôt ou tard. 57% de 2.000.000 de votants, soit un taux de participation de 46%, c’est le brouillard qui cache la montagne.
    Pour des adeptes du MPP comme cet analyste, c’est difficile de voir la réalité du pays. Mais il faut arrêter de croire à la super-puissance du MPP. Ce sont des erreurs monstrueuses que nous payerons cher un jour.

    • Le 1er décembre 2020 à 20:51, par AmadoumC En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

      C est la mauvaise foi comme la tienne qui a mis l opposition dans cette situation.Ici on parle d analyser les raisons d une defaite mais pas de militantisme.Souffre dans ta connaissance de tout que des gens ne partagent pas tes emotions.Mtnt si tu connais un autre moyen de devolution de pouvoir tu peux aller l experimenter dans ton village.

  • Le 1er décembre 2020 à 15:15, par sai En réponse à : 22 novembre 2020 : Un scrutin, moult leçons

    Ceux qui voulaient l’alternance ont eu l’alternance mais c’est de l’autre coté, je n’ai pas dit dans l’opposition hein !

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