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Moumounou Gnankambary, directeur général du Budget : “Le social représente 49,18% des recettes propres”

Publié le vendredi 7 octobre 2005 à 08h13min

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L’élaboration du Budget de l’Etat implique différents acteurs et plusieurs mécanismes. Le directeur général du Budget, Moumounou Gnankambary, explique le processus d’adoption de la loi des Finances et du Budget de l’Etat.

Qu’est-ce que le budget-programme ? Quelles sont les spécificités du budget 2006 et la part accordée aux investissements ? Moumounou Gnankambary « déballe » tout.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que le budget d’un Etat ?

Moumounou Gnankambary (M.G.), directeur général du Budget : Tout Etat met en œuvre une politique économique et sociale. Il a donc besoin pour cela, d’avoir des moyens pour réaliser ses ambitions en terme de développement économique et social. Schématiquement, le budget peut alors être défini comme la traduction financière de la politique d’un Etat. Le budget, ce n’est pas de l’argent mais un ensemble de prévisions. Il n’est pas linéaire. Quand on dit que le budget est composé de 452 milliards de F CFA de ressources propres, on espère pouvoir réunir cette somme au 31 décembre de l’année qui donne son nom au budget. Toutes les périodes ne sont pas les mêmes. Il y en a plus favorables à des entrées d’argent et d’autres difficiles. Il faut alors être prudent et avoir une gestion rigoureuse du budget. Si les choses ne tournent pas comme prévu, il va de soi qu’on ne peut pas laisser passer toutes les dépenses. Mais quand ça va mieux, on peut se permettre certaines dépenses. Il faut un ajustement entre ce qu’on a en trésorerie et ce qu’on peut dépenser.

S. : Peut-on alors dire que le budget est le grenier de l’Etat ?

M.G. : Le budget, un grenier ? Non. Vu de cette manière, cela suppose que c’est seulement l’aspect ressources qui est pris en compte. Dans le budget, il n’y a pas que le volet ressources. Il y a aussi le volet dépenses. Le grenier suppose qu’on va toujours y retirer de l’argent pour alimenter quelque chose. Or, il faut aussi voir à travers le budget l’action que le gouvernement mène en terme des dépenses.

S. : Qu’est-ce que le budget-programme ?

M.G. : La notion de budget-programme est entrée dans le vocabulaire de notre processus budgétaire à l’occasion de la préparation du budget 1999. C’est un changement des mentalités qui se traduit par une nouvelle vision du budget. Au Burkina nous n’avons pas de ressources extraordinaires. Nous n’avons pas encore de pétrole. Pourtant nos besoins sont immenses. Ce faisant, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Cela nous oblige à adopter une vision programmatique. Il faut planifier, programmer. Il fallait s’engager dans un processus qu’on appelle la planification par objectif.

Il s’agit de se fixer des missions, des objectifs et des indicateurs pour apprécier tout ce que vous faites. Le budget-programme nous change de la vision classique qui consistait à une reconduction systématique des différents budgets sans des justificatifs. C’est une nouvelle vision qui rationalise les choix du gouvernement.

Le budget-programme a été complété en 2000 par le Cadre de dépenses à moyen terme (CDMT). Le CDMT est un instrument de cadrage budgétaire.

Il permet de faire une programmation des enveloppes budgétaires attendues par ministère sur une période triennale. Dans le cadre du CDMT, chaque ministère sait, pour les trois années à venir, quel est le niveau de dépenses qu’il a au titre du CDMT. Cela facilite les prévisions budgétaires.

S. : Quelles sont les différentes étapes du processus d’élaboration du budget ?

M.G. : Le processus d’élaboration du budget comprend plusieurs étapes. La première étape correspond à la circulaire budgétaire que le président du Faso adresse aux membres du gouvernement. Cela se passe au plus tard le 1er mai de l’année précédant celle qui donne son nom au budget. Suite à la circulaire budgétaire, chaque ministère prépare son avant-projet de budget qu’il dépose au ministère des Finances et du Budget.

Interviennent ensuite les premières discussions budgétaires qui ont lieu entre le ministre en charge du budget et ses collaborateurs et le ministère concerné. Il s’agit là du premier niveau de l’arbitrage. A l’issue des différentes discussions budgétaires, l’avant-projet de budget est arrêté et sera discuté en Conseil des ministres. Après l’étape du Conseil des ministres, on procède à quelques ajustements avant d’amener le budget à l’Assemblée nationale. Là également, il y a des débats. Les arbitrages ont lieu au ministère des Finances et du Budget, au Conseil des ministres et à l’Assemblée nationale.

C’est un jeu démocratique. Toutefois, l’Assemblée a le dernier mot. C’est elle qui vote l’impôt et qui adopte le budget.

Cependant, la constitution encadre le processus budgétaire. On ne peut pas amender le budget comme on le veut. La constitution fait obligation aux députés, au cas où ils voudraient augmenter les dépenses, de trouver les ressources nécessaires. Cela veut dire en clair que le projet du budget soumis à l’Assemblée nationale par le gouvernement est soit amélioré soit resté en l’état. Mais le besoin de financement ne peut pas être aggravé. L’Assemblée nationale peut considérer que certaines dépenses ne sont pas prioritaires et les affecter ailleurs, mais en gardant à l’esprit qu’elle ne peut pas aggraver le besoin de financement.

S. : Quelles sont les grandes articulations du projet de budget, gestion 2006 ?

M.G. : Le Conseil des ministres en sa séance du 7 septembre a adopté le projet de loi de Finances pour la gestion 2006. Il a été arrêté en recettes à la somme de 779 029 438 000 de F CFA et en dépenses à 876 428 143 000 F CFA. Les deux axes majeurs de ce budget sont les suivants : Une épargne budgétaire de 13 957 693 000 F CFA. L’épargne budgétaire, c’est la différence entre nos ressources propres, (les ressources collectées à travers les différentes régies de recettes, à travers les services administratifs) et les dépenses courantes qui sont celles que tout Etat doit assumer pour jouer son rôle d’Etat souverain (le paiement du personnel, la dette, le fonctionnement de l’administration...). Si nous arrivons à faire de l’épargne, cela veut dire que nos ressources propres nous permettent de couvrir nos dépenses courantes. Le deuxième axe majeur du budget, gestion 2006 est qu’il présente un besoin de financement (la différence entre les dépenses totales et les recettes totales) de 97 386 705 000 F CFA.

S. : Qu’est-ce qui explique ce besoin de financement ?

M.G. : Le besoin de financement est dû au fait qu’il y a des investissements que nous ne pouvons financer entièrement malgré l’appui de nos partenaires au développement.

Mais ce besoin de financement est plus ou moins virtuel en ce sens que les appuis budgétaires dont nous allons bénéficier de la part de nos partenaires pour 2006 convrent entièrement le besoin de financement. Du reste, chaque année, l’Assemblée nationale autorise le ministre des Finances et du Budget à rechercher les voies et moyens pour assurer l’équilibre financier du budget. Mais si on s’en tient uniquement aux subventions et aux prêts que nous recevons pour les projets de financement, là, nous avons un besoin de financement. Mais lorsque nous prenons en compte les appuis budgétaires annoncés et évalués à 101 958 227 000 F CFA et pouvant donc servir à toutes les sortes de dépenses, on se rend compte que tous les besoins de financement sont couverts.

S. : Les appuis budgétaires prennent-ils en compte l’annulation de la dette annoncée par les pays du G8 ?

M.G. : Les effets liés à l’annulation de la dette se manifestent surtout par la réduction des dépenses liées à la dette. Dans le cadre du PPTE, malgré l’annulation de cette dette consentie, la dette n’a pas diminué. Le seule différence est qu’on ne rembourse plus les bailleurs. Les sommes qui leur étaient destinées sont désormais affectées à des dépenses sociales prioritaires.

Le montant de la dette annulée dans ce cas est connu mais figure toujours dans le budget au titre de la dette. Seulement, on ne le transforme pas en devises pour rembourser les bailleurs. Il est affecté à des dépenses sociales prioritaires.

S. : Quelle est la part réservée aux investissements dans le budget, gestion 2006 ?

M.G. : Pour le budget, gestion 2006, les dépenses courantes sont estimées à 438 514 508 milliards de F CFA et les dépenses d’investissement à 437 913 641 milliards de F CFA. Schématiquement cela correspond à 50% des dépenses courantes et 50% des dépenses d’investissement.

Une bonne partie des dépenses en investissement (environ 326 milliards de F CFA) est assurée par les prêts et les subventions de nos partenaires au développement. L’Etat quant à lui, consacre 107 milliards sur ses ressources propres au financement des investissements.

S. : 107 milliards c’est beaucoup ou c’est peu pour un pays comme le Burkina ?

M.G. : L’élément essentiel à noter est qu’un Etat souverain doit pouvoir assurer ses dépenses courantes. Votre salaire doit pouvoir vous permettre de vous nourrir, vous déplacer, vous soigner... d’assurer le minimum.

Sinon, vous vivez au-dessus de vos moyens. Il en est de même pour l’Etat. Mais pour construire une maison, acheter des équipements, acheter un engin..., on est obligé de faire appel à des ressources exceptionnelles. C’est ce que fait l’Etat. L’Etat arrive à faire face à ses besoins de souveraineté par ces recettes courantes. En plus, il dégage 107 milliards pour financer les investissements pour un pays comme le Burkina, cela est à saluer. C’est une marque de souveraineté.

S. : Au niveau des dépenses courantes est-il prévu une augmentation des salaires des agents publics pour 2006 ?

M.G. : Je ne suis pas la voix la plus autorisée pour répondre à cette question. Seulement, nous avons dans nos prévisions, tenu compte du relèvement des salaires décidé en décembre 2004 par le gouvernement. C’est vous dire qu’au cas où il y a des éléments nouveaux, notre travail c’est de faire des ajustements en tenant compte de cela.

S. : L’adoption des lois de finances rectificatives répétitives n’est-elle pas un signe de mauvaises allocations des ressources ?

M.G. : Non. Ce n’est pas le cas. L’élaboration du budget se fait sur la base des données présentes. Mais s’il arrivait qu’en cours d’exécution, d’autres mesures interviennent, il faut les prendre en compte. Il est normal que tout Etat par moment, fasse le point et rectifie le tir s’il y a lieu. Les prévisions sont faites toujours en année N-1. Pour le budget 2006 on a fait les prévisions depuis le mois de mai 2005. Au fur et à mesure on les actualise.

Ce n’est pas sûr que les données que nous avions en mai 2005 soient toujours les mêmes en 2006. Il est donc de bon ton qu’on fasse le point par moment pour ajuster les dépenses par rapport aux recettes qu’on peut mobiliser. Les lois de finances rectificatives sont devenues une tradition depuis quelques années au Burkina Faso.

Chaque année on a recours à une loi des finances rectificatives qui intervient le plus souvent au cours du dernier trimestre de l’année.

S. : La part du budget, gestion 2006 consacrée aux secteurs sociaux, est-elle plus consistante que celle de l’année 2005 ?

M.G. : Pour 2006, la part de ressources allouées aux ministères sociaux représente 49,18% des recettes propres de l’Etat. Le reste sera partagé par les ministères de souveraineté et les autres ministères.

S. : Existe-t-il un lien entre le budget et la mise en œuvre du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté ?

M.G. : Le gouvernement a adopté en 2004, le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP). Depuis lors, le CSLP est l’axe majeur de référence pour les actions en matière de développement. C’est vous dire qu’il y a toujours un lien entre le budget et le CSLP.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Tiergou Pierre DABIRE

Sidwaya

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