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Prix Nobel scientifique : A quand un Africain ?

Publié le jeudi 6 octobre 2005 à 08h51min

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Arbuste de 3 à 4 m de haut, originaire du Brésil, introduit en
Afrique depuis le XVe siècle, le pourghère, dont les travaux de
recherche ont démarré au Burkina depuis maintenant vingt ans,
est expérimenté au Faso.

Les travaux de recherche sur cette
plante seraient, à ce jour, très avancés. Des projets de
financement ont même été formulés depuis ces années. Mais,
hélas ! les résultats des chercheurs burkinabè "n’ont pas été
valorisés et exploités" jusque-là.

Face à l’augmentation actuelle
des prix des hydrocarbures, les recherches sur le pourghère, si
elles bénéficient de toute l’attention nécessaire, pourraient
susciter bien des espoirs pour bon nombre de Burkinabè
confrontés à la hausse vertigineuse du prix du carburant. Car, à
ce qu’on dit, la combustion de l’huile de cette plante dans un
moteur diesel normal produirait du carburant.

Bien que
l’université de Ouagadougou ait, dit-on, montré la faisabilité de
l’utilisation de l’huile de cette plante, "jusqu’à ce jour et pour des
raisons ignorées", aucun des projets de financement formulés
n’a pu être réalisé. Telles sont les précisions apportées par
Makido Ouédraogo, enseignant-chercheur à l’université de
Ouagadougou, à un écrit paru dans nos colonnes le 9
septembre 2005 sous la plume de Bayouré Réné Ouédraogo.

Des propos fort illustratifs du désarroi de bien des scientifiques
africains qui, même s’ils font parfois des découvertes
remarquables et inattendues, ont le sentiment de ne pas être
encouragés et assistés, de manquer cruellement de soutien.
Pendant ce temps, à des milliers de kilomètres de ces dures
réalités "tropicales", des chercheurs occidentaux entrent dans
l’Histoire pour avoir été désignés prix Nobel dans les disciplines
scientifiques.

Cette année, en médecine, le prix Nobel a été
décerné conjointement aux Australiens Barry J. Marshall et J.
Robin Warren, récompensés pour leur travail sur une bactérie et
son rôle dans l’ulcère de l’estomac. En physique, les
Américains Roy J. Glauber, John L. Hall et l’Allemand Theodor
W. Hänsch ont été distingués pour leurs travaux dans le
domaine de l’optique.

Le prix Nobel de la littérature 2005 est revenu à l’écrivain
sud-africain John Maxwell Coetree. Il est le 4e Africain depuis
1980 à recevoir ce prix, les 3 lauréats précédents africains étant
Wolé Soyinka (Nigeria), Naguib Mahfouz (Egypte, en 1988),
Nadine Gordimer (Afique du Sud, 1991). En chimie, en physique,
en médecine et en économie, comme il est de coutume, pas
l’ombre d’un Africain. Quand ce n’est pas dans le domaine de la
littérature qu’ils sont remarquables, c’est dans celui de la paix
qu’ils s’illustrent.

Une situation révélatrice des disparités qui
séparent les chercheurs du Nord et ceux du Sud. D’un côté, la
recherche est pleine de moyens et de vivacité ; de l’autre, elle
peine à trouver ses marques, a du mal à se frayer les chemins
de sa subsistance et de son indépendance. Jusqu’à quand
cette situation, cette sorte de clochardisation des scientifiques
du Sud, va-t-elle durer ?

Certes, la littérature et la paix ne sont pas à négliger. La paix est
le socle de tout développement, tandis que la littérature peut, à
sa manière, contribuer à propulser le développement,
notamment par l’éveil et la formation des consciences. Quoi
qu’on dise, c’est avant toute chose la science qui imprime la
marque du progrès de l’humanité. Elle jette une lumière féroce
sur les ténèbres de l’obscurantisme par ses innovations
techniques et technologiques. Par elle, se mesure le
rayonnement d’un pays.

De fait, si les chercheurs africains
n’ont pas, jusqu’à présent, pu s’imposer dans ces disciplines
scientifiques, faut-il, pour autant, leur en vouloir ? Faut-il les
condamner quand leurs recherches ne sont pas valorisées,
quand les résultats de leurs travaux ne quittent pas les tiroirs
des laboratoires, toujours en attente de financements ?

Il est
connu que les budgets alloués à la recherche scientifique sont
en forte baisse depuis des années sur le continent. Un manque
de moyens financiers qui engendre évidemment un manque
crucial d’infrastructures, toutes choses qui ne sont pas
étrangères à la fuite des cerveaux africains vers l’Occident. Il
n’est pas rare que ces Africains qui vont monnayer leur savoir à
l’extérieur et participent activement à d’importantes découvertes
soient mis sous l’éteignoir.

C’est pourquoi il est du devoir des décideurs africains de
retenir, de valoriser et d’oeuvrer à mettre sur orbite les cerveaux
du continent en quête d’un monde meilleur. Mais si la volonté
politique doit accompagner les actions des savants, il
appartient aussi à ces derniers, de s’organiser pour faire
davantage entendre leur voix. En France, les chercheurs
n’ont-ils pas battu le macadam pour exiger plus de moyens pour
la recherche ?

En Afrique, dans les programmes de gouvernement de
combien de partis politiques, la priorité est-elle accordée à la
recherche fondamentale, celle-là qui passe souvent pour
budgétivore et sans effets immédiats sur l’amélioration des
conditions de vie des populations ? Il est connu que,
généralement, les pouvoirs publics africains accordent très peu
d’attention à des secteurs jugés improductifs.

Et si le bout du
tunnel semble encore lointain pour l’Afrique, c’est d’autant plus
parce que les politiques du continent, en matière d’éducation,
sont parfois dictées et financées par l’extérieur. Comment
arriver à former des élites quand, en matière d’investissements,
la priorité est accordée à l’enseignement de base, tout se
passant comme si l’essentiel était d’inculquer à l’Africain,
seulement le b.a.ba de la langue étrangère ?

Toutes ces considérations, en tout cas, ne militent pas en
faveur d’une prochaine consécration d’un scientifique africain à
un prix Nobel scientifique. A l’Afrique de se mettre résolument au
travail !

Le Pays

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