LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Immigration clandestine en Europe : Sous le mythe couvent souffrance et mort

Publié le jeudi 6 octobre 2005 à 08h55min

PARTAGER :                          

L’heure est grave. De quelques dizaines au début, les Africains sont de nos jours des milliers à suer sang et eau pour traverser les barbelés menant à l’Europe, où, paraît-il, il existe encore de vastes "prairies vertes".

Rien qu’hier à l’aube, une centaine d’émigrants clandestins subsahariens ont mené un assaut contre le double grillage séparant le nord-marocain de l’enclave espagnole de Melilla.

Au bout du compte, une quarantaine d’entre eux ont réussi à passer de l’autre côté de la barrière. Il ne se passe plus un seul jour sans que des candidats à l’émigration illégale se présentent dans les enclaves espagnoles pour essayer de gagner l’eldorado européen.

Lundi dernier, près de 500 personnes avaient déjà tenté de forcer le passage à Melilla, dans un secteur de la frontière, réputé pourtant infranchissable. Les enclaves de Ceuta et de Melilla sont les seules frontières terrestres entre le continent africain et l’Europe.

C’est pourquoi Madrid a érigé un double grillage pour éviter l’infiltration des émigrés clandestins. Mais rien ne semble décourager ces derniers. Ils sont prêts à tout risquer pour se retrouver en Europe. Depuis le premier janvier 2005, ce sont au total 6 082 personnes qui ont été interpellées à ces deux passages.

Lors des assauts contre ces murs de grillage, on a enregistré de nombreux morts ainsi que des centaines de blessés.

Qu’est-ce qui fait donc courir ou attire tant nos parents vers le « Vieux » continent ? La quête d’un mieux-être, répondraient-ils tous en chœur.

La misère rampante et la pauvreté dans lesquelles végètent nombres d’Africains ne sont pas étrangères à cette situation d’hémorragie de nos bras valides et de nos cerveaux au profit de l’Occident.

C’est vrai que lorsque l’horizon est bouché et qu’il n’y a plus d’avenir, beaucoup optent pour la désertion et migrent vers des zones plus favorables. En effet, si tu t’entêtes à rester, soit tu meurs soit tu voles pour survivre.

La responsabilité des gouvernants africains est engagée tant ils font dans la mal gouvernance. Népotisme, clientélisme et gestion clanique des richesses de l’Etat laissent sur le bas-côté de la route du mieux-être trop de gens qui restent réduits à manger la vache enragée ou au mieux à se contenter des miettes quand une minorité nage dans le luxe, le superflu.

De plus, nos Etats ne font absolument rien pour arrêter cette débandade, ce sauve-qui-peut. Les réseaux qui organisent cette émigration sont connus des services de police, mais ne semblent, à ce jour, pas inquiétés.

Il y a aussi le fait que nos frères qui vont en Europe, lorsqu’ils en reviennent, adoptent des comportements qui poussent à croire qu’ils ont réussi. Ils sont donc enviés par les autres. Et voilà chaque parent qui pousse son enfant à aller à l’aventure. On ne croit plus à l’Afrique.

Pour cela, beaucoup de familles se saignent et se ruinent. On vend parfois même des possessions immobilières pour financer le voyage du fils qui va sauver l’honneur de la famille. Ce magot, dans la plupart des cas, sert à enrichir les réseaux mafieux passés maîtres dans l’organisation de l’émigration clandestine.

Privation de nourriture, de sommeil et débauche incroyable d’énergie sont le quotidien de ces candidats à une vie meilleure qui peuvent poiroter quatre voire six mois dans des conditions inhumaines avant de pouvoir passer nuitamment à l’assaut de l’Europe.

Que ce soit par voie maritime ou terrestre, les dangers sont les mêmes et l’aventure est des plus incertaines, car très souvent, ils sont interpellés. Mais que de blessés et de morts sont laissés sur le carreau !

Pour les plus chanceux qui arrivent à déjouer la vigilance des garde-côtes, un autre calvaire commence en Europe. Obligés de vivre cachés et de travailler au noir, ils sont corvéables et taillables à merci.

A Paris ou à Bruxelles, ce qu’un Nègre fait comme boulot, il ne le ferait jamais chez lui en Afrique. C’est vrai qu’à travail égal, le revenu n’est pas comparable à ce qu’il peut gagner en Afrique.

Mais si ces émigrés travaillaient ici avec la même abnégation qu’en Europe, ce qui est sûr, même s’ils ne devenaient pas millionnaires, ils seraient loin de mourir de faim. Mais hélas ! le mythe de l’Occident est trop fort et beaucoup pensent qu’il suffit de se courber en France pour ramasser le pognon.

Et les voilà réduits à la mendicité au pied de la tour Eiffel ou de l’Atomium. Vivant là-bas dans des conditions des plus précaires, ils sont prêts à toutes les compromissions pour survivre : passer ou dealer de la drogue, poser des bombes ou être délinquants.

Plus que jamais, la réputation de l’Africain est ternie en Europe. Mais cela n’émeut nullement nos responsables qui feignent d’ignorer cette réalité.

Aujourd’hui, le Maroc est débordé et ne peut plus faire face tout seul aux migrants venus des quatre coins du continent. L’Union européenne propose de l’aider à bien garder ses frontières et à mener efficacement la chasse à ces envahisseurs.

Cette solution ne fera que l’effet d’un sparadrap sur un tuyau percé. Il faut des mesures plus idoines, des politiques d’aide et de fixation dans leur terroir de tous ces jeunes qui ne voient que l’Occident comme porte de sortie. L’annulation annoncée de la dette est déjà un signal fort dans ce sens.

Comme on le voit, l’Occident est en train de faire un pas en avant, mais l’Afrique aussi, et surtout, doit se départir de la mal gouvernance.

San Evariste Barro
Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 6 octobre 2005 à 17:46 En réponse à : > Immigration clandestine en Europe : Sous le mythe couvent souffrance et mort

    Bonjour San Evariste Barro !

    Excellente analyse ! c’est comme si vous y étiez ! Bref.

    Il est vrai que dans une certaine mesure que quelques rares africains réussissent à obtenir des postes bien rémunérés en occident. Mais la réalité est qu’il sont tres tres peu en nombre. De ce nombre figurent ceux qui ont fait des études surtout postsecondaires ou universitaires, dans ces même pays occidentaux.
    Pour le reste, la majorité de nos freres africains, la vie est tres tres dure. C’est une vie à la limite précaire, incertaine, frustante, déprimante. Mais hélas, ils ne comprennent pas assez tot le systeme et pensent que demain sera meilleur. Certes, demain peut etre meilleur, puisqu’apres tout c’est un autre jour. Et qui peut présumer avec certitude de ce qui arrivera demain ?
    Cet espoir que nos freres africains nourrissent leur permet d’espérer malgré les conditions tres difficiles dans lesquelles ils vivent, ou survivent devrais-je dire. Cependant, cet espoir peut se revéler etre un piege si on n’y prend garde !
    Si au bout de plusieurs années, la situation de nos freres africains ne s’améliorent pas comme ils espéraient, mais s’empire au contraire de jour en jour, ne faut t’il pas toute raison garder se poser des questions ?

    Les plus sages comprennent tout de suite qu’ils ont fait fausse route. Et en ce moment, ils prennent l’initiative de retourner dans leur pays d’origine, tout en se promettant de travailler tres fort pour reussir, et certains y arrivent ! A ces personnes, je tire mon chapeau !
    Cependant, il en est qui, malgré leur précarité, persistent et restent plusieurs années même avec le fait que leur situation ne s’améliore pas, et devient même de plus en plus difficile. Pour ces personnes, j’ai de la tristesse. Ils comprendront le systeme, mais il sera peut etre trop tard. Ils peuvent retourner au pays s’ils ont 30 ou 40 ans. Mais avouns qu’à 45 ou 50 ans, retourner au pays sans rien dans les mains, ni argent, ni famille, est beaucoup plus difficile. L’echec est plus importante. La peur de voir nos promotionnaires avec des familles et des maisons et plus difficile à supporter si l’on revient comme l’on est parti. C’est même pire. On revient moins que ce que l’on était quand on partait parcequ’on est plus vieux, donc moins de force pour travailler etc...

    Les phrases qui suivent sont écritent avec tristesse, mais je vais quand même tirer un conclusion à ma reflexion.

    Face donc à cette situation, ils preferent rester en occident et vivrent leur peine, leur misère, tout seul pratiquement. Ils se consolent par le fait qu’au moins ici personne ne me connait, je suis inconnu de mes voisins etc... Mais c’est vie est tres tres difficile à vivre. Croyez moi. Quand on est habitué à être entouré de sa famille et de ses amis, dans les moment de joie et de peine, il est incroyablement triste d’être seul, d’être un inconnu pauvre et malade avec l’age, dans cet occident qui nous fait penser à richesse et abondance.

    Ils reviennent certainement au pays pour ceux qui ont plus de chance. Mais c’est juste le corps qui revient, le cadavre. Pour les autres, qui sont moins chanceux évidemment, ils sont enterrés en occident comme un inconnu. Quelle triste fin.

    Je terminerai en disant que nos gouvernants doivent avoir à coeur l’avenir de la jeunesse., surtout pour un pays comme le Burkina Faso, dont la population est tres jeune. C’est le fer de lance de notre nation. Il faut que nos responsables politiques, administratifs, coutumiers, créent des conditions propices pour que cette jeunesse puisse s’épanouir cans ce pays que nous aimons tant, notre cher Burkina Faso. C’est juste à ce prix que la jeunesse detournera les regards de l’Occident, qui ne fait que semer désolation, tristesse et amertume dans plusieurs familles non seulement en Afrique, mais en particulier et surtout au pays des hommes intègres. Je suis tres tres fier d’être africain, mais surtout Burkinabé, ce pays qui m’a tant donné et en qui je garde espoir.

    Que Dieu bénisse tous les citoyens du Burkina Faso.

    PRIVAT (nom de code)
    priva777@hotmail.com

    • Le 18 octobre 2005 à 16:09 En réponse à : > Immigration clandestine en Europe : Sous le mythe couvent souffrance et mort

      il est très important de dire cette verite
      quelle honte de vivre de facon precaire en squat ou meme pour les plus chanceux en ghetto HLM ?
      quelle education pour les enfants ? quelles valeurs faire passer quand on n’a plus aucune fierte, quand on est relayé à quemander aupres des services sociaux ?

      et honte à ceux qui rentrent au pays et qui osent mentir qu’ils ont réussi

      soyez vous meme , revenez à vos valeurs, croyez que votre pays peut faire quelque chose

      merci pour ce message

  • Le 8 octobre 2005 à 22:52 En réponse à : > Immigration clandestine en Europe : Sous le mythe couvent souffrance et mort

    Salut monsieur Barro,
    Je ne peux qu’approuver votre analyse et la qualifier de juste et excellente.
    diesher@yahoo.fr

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique