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Élections 2020 au Burkina : « Les craintes, ce sont les mesures prises pour les sécuriser », s’inquiète le journaliste Jean-Claude Méda

Publié le vendredi 30 octobre 2020 à 14h53min

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Élections 2020 au Burkina : « Les craintes, ce sont les mesures prises pour les sécuriser », s’inquiète le journaliste Jean-Claude Méda

À Koudougou, le 29 Octobre 2020, Lefaso.net a posé trois questions, au journaliste Jean-Claude Méda. C’était dans le cadre du renforcement des capacités des journalistes sur l’éthique en période électorale. Une formation initiée à l’Initiative des journalistes pour le traitement de l’information parlementaire (IJIP), en collaboration avec le Programme commun d’appui à l’Assemblée nationale du Burkina Faso (PROCAB).

Lefaso.net : Quels sont vos espoirs dans le cadre des élections qui s’annoncent ?

Dr Jean-Claude Méda : Ce que j’appelle mes attentes et mes expériences, c’est que cela se déroule dans un climat apaisé. Les bruits de botte qu’on entend dans certains pays de la sous-région ne sont pas de bons augures et il ne faudrait pas qu’au Burkina, ces élections-là glissent dans le conflit. Cela ne sera pas bon vu le contexte d’insécurité dans lequel nous nous trouvons. Nous sommes frappés par les terroristes, et cela a occasionné des milliers de déplacés internes. Il faut que ces élections se déroulent dans un climat apaisé.

En tant que journaliste, vu la sollicitation de vos confrères dans le cadre de ces élections, y a-t-il des craintes ?

Les craintes pour moi, ce sont les mesures qui seront prises pour sécuriser les élections et sécuriser les zones sous menaces terroristes, pour que ceux-ci n’entravent pas la mission des journalistes. C’est sûr qu’au niveau des autorités, elles vont prendre des mesures certainement pour que les candidats sillonnent les zones d’insécurités. Or qui dit déplacement des candidats, dit aussi déplacement des journalistes. Connaissant les moyens dérisoires des médias burkinabè, leur faible capacité d’autonomie financière, je me pose des questions sur les possibilités pour les confrères de pouvoir être autonomes et faire librement leur travail dans ces zones-là. C’est vraiment la hantise. On va mettre des mesures sécuritaires, vivement, que ces mesures ne soient pas un frein à leur travail.

On parle des responsabilités des journalistes. Comment cela va-t-il se vivre ?

Il faut deux choses : Travailler comme journaliste, c’est faire en sorte de ne pas être des fauteurs de troubles ou des acteurs qui auront provoqué des violences. S’il doit y en avoir que cela ne soit pas la faute des journalistes. Dans le contexte où on parle de stigmatisation identitaire, qu’on n’accuse pas les journalistes dans le cadre de cette campagne, d’avoir dans leurs écrits, leurs éditions, glissé sur ce terrain de stigmatisation des populations. Je pense qu’il faut qu’on ne les surprenne pas en train d’encenser ou d’applaudir les acteurs terroristes. Pour ma part, jusqu’à la fin de cette élection, qu’on puisse dire que les journalistes ont bien fait leur travail.

Est-ce que le journaliste a l’obligation de se rendre dans une zone d’insécurité en cette période de campagne, si les candidats y vont ?

Deux aspects sont à prendre en compte à ce niveau : Je pense que les candidats sont conscients des risques qui planent sur ces élections et ces campagnes. Nous avons vécu et observé la situation au Mali où un leader politique a été enlevé ; sa libération a été faite contre une rançon. Parmi ces rançons, il y a eu beaucoup de djihadistes libérés. On dit même qu’il y eu parmi eux des acteurs qui ont commis des attentats au Burkina. Ce risque-là, les candidats et l’État doivent prendre des mesures pour qu’on n’ajoute pas un drame aux drames que nous connaissons déjà. En plus du terrorisme qu’on vit, qu’on n’ait pas encore à gérer l’enlèvement d’un homme politique. Cela doit signifier négociation et libération des détenus.

Dans ces conditions, chaque média est responsable. Je pense que chacun jugera s’il est opportun d’envoyer des journalistes dans ces circonstances-là. Le candidat doit peser les risques avant de se lancer dans cette aventure. L’un dans l’autre, dans ce contexte, les médias doivent faire preuve d’imagination et réinventer les approches pour couvrir les élections. Les candidats aussi doivent faire preuve de stratégie pour battre campagne dans ces conditions. Faut-il battre campagne dans ces conditions au risque de perdre sa vie ? Je pense que ce sont des questions qu’il faut se poser. Faut-il prendre des risques énormes pour pouvoir couvrir ? Ce sont des questions qui interpellent l’État.

Lorsqu’on parle des responsabilités du journaliste, y a-t-il aussi celles des associations qui défendent les intérêts des journalistes ?

Je pense que les associations peuvent s’adresser aux journalistes en leur montrant les enjeux de la campagne électorale. Aussi, en leur montrant les risques qui planent sur le Burkina dans le contexte électoral. Il y a des risques. Il faut demander aux journalistes de faire preuve de discernement, de toujours mesurer le risque et savoir si le jeu en vaut la chandelle. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) dit qu’un article ne vaut pas une vie. C’est une question posée au niveau des rédactions. Dans le cadre de la guerre d’Irak contre les USA, alors que nous étions en rencontre organisée par la FIJ, le directeur de CNN disait que s’il estime qu’il y a un risque pour la vie de son journaliste, il préférait ne pas l’y envoyer. Cette interrogation demeure, et il faut parler pour trouver une réponse à donner à cette conduite.

Interview réalisée par Edouard K. Samboé
Lefaso.net

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