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Mouloud 2020 : « Le problème aujourd’hui, c’est que chacun poursuit son droit et oublie son devoir », observe Mahmood Nasir Saqib

Publié le mercredi 28 octobre 2020 à 21h03min

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Mouloud 2020 : « Le problème aujourd’hui, c’est que chacun poursuit son droit et oublie son devoir », observe Mahmood Nasir Saqib

Les musulmans du Burkina, à l’instar de ceux d’autres pays à travers le monde, célèbrent en cette nuit du 28 au 29 octobre, le Mouloud 2020. Pour en savoir davantage sur cette date, nous avons approché l’Amir, chef missionnaire de la Jama’at (communauté) islamique Ahmadiyya au Burkina, Mahmood Nasir Saqib. Au-delà du sujet, il a été question, avec le leader religieux, de la vie même en société. Interview !

Lefaso.net : Dans quelques heures, les musulmans du Burkina célèbrent le Mouloud 2020. Comment la communauté Ahmadiyya accueille cette date anniversaire de la naissance du Prophète Muhammad ?

Mahmood Nasir Saqib : C’est une date importante pour le musulman. Mais nous, la communauté Ahmadiddya, nous ne la considérons pas comme une fête. Pour nous, le Mouloud, c’est obéir aux règles, respecter les principes et enseignements du Prophète (Paix et salut sur Lui). Ce qui est important, c’est que chaque musulman obéisse aux enseignements du Prophète.

D’ailleurs, sur toute l’année, la communauté ahmadiyya organise des conférences sur toute l’étendue du territoire, pour expliquer aux fidèles ce qu’est a été sa vie, la façon dont il a vécu avec ses enfants, sa famille, ses voisins, les autres communautés. Il faut qu’on suive les valeurs prônées par le Prophète.

Nous, Ahmadis, diffusons différents programmes à travers plusieurs canaux de communications (télé, radios, conférences publiques, etc.) pour promouvoir les valeurs enseignées par le Prophète. Donc, pour nous, le Mouloud appelle à plus de prières de la part du musulman. Il y a des prières qui sont recommandées, mais elles ne le sont pas uniquement pour ce jour ; c’est recommandé pour tous les jours. Quand on voit des gens accueillir ce jour comme une fête, ça n’existait pas en islam ; c’est venu avec certaines pratiques. D’ailleurs, dans certains pays comme l’Arabie Saoudite, ce jour n’est pas accueilli avec faste comme on le voit souvent chez nous.

On ne dit pas que notre manière de le faire n’est pas bonne, mais ce n’est pas nécessaire. Ce qui est important, c’est la prière et expliquer aux enfants, aux grands, ce qu’a été la vie du Prophète. Sur ce volet, nous avons lancé un programme sur l’ensemble du territoire national, qui consiste en l’organisation de conférences dans chaque localité, dans les mosquées, pour expliquer aux musulmans, ce qu’a été la vie du Prophète.

Concrètement, quelles sont les valeurs qu’il faut mettre en avant ?

Dans le monde entier, on dit dans l’histoire de l’islam que 124 mille Prophètes sont passés. Mais quand vous regardez leur histoire (vie), seul le Prophète est né orphelin, grandi dans une famille d’accueil, et fut ensuite berger. Il a grandi et est allé faire le commerce en Syrie.

A 25 ans, il s’est marié. Il s’adonnait à beaucoup de prières, il se retirait souvent pendant des jours pour faire des prières. A 40 ans, il a été révélé. Quand il a été révélé, ses proches ont tout de suite été contre lui. Ensuite, les gens de la même ville l’ont pris comme leur ennemi. Mais, son message était tellement fort que les gens ont fini par l’accepter. Quand il était à la Mecque, il a eu toutes les difficultés.

Il a immigré à Médine où il fut roi. Il a géré cette ville où il y avait des Juifs, des non-musulmans ; les gens sont venus l’attaquer, mais il a vaincu. Donc, quand vous parcourez la vie du Prophète, vous vous rendez compte qu’il a franchi toutes les étapes ; du bas au plus haut niveau de l’échelle. Et il a accompli chaque étape. Il est le seul à avoir rempli toutes les étapes de la vie. Il a connu la vie de l’orphelin, la vie de famille, de papa, de mari, de commandement ; la vie de richesse, etc.

Donc, chaque personne doit prendre l’exemple sur lui : vous êtes père, regardez comment il se comportait avec ses enfants ; vous êtes marié, regardez comment il se comportait avec sa femme ; regardez comment il se comportait avec ses voisins, les autres communautés, etc. Donc, il y a eu de grands Prophètes, mais ils n’ont pas pu accomplir toutes ces étapes que le Prophète Muhammad (Paix et salut sur Lui) a accomplies.

On voit que c’est un moment de pèlerinage également pour certains. Est-ce une obligation ?

Non, ce n’est pas nécessaire. On ne va pas entrer dans des débats autour du sujet, mais le Prophète lui-même n’a pas organisé Mouloud. Combien de siècles après lui, les gens ont commencé à l’organiser ? Longtemps après. Même en Arabie Saoudite, ce n’est pas ainsi. Mais on a plusieurs courants dans l’islam, qu’il faut respecter. Chez nous, ce n’est donc pas une fête, c’est un jour où il faut prier et suivre les enseignements du Prophète Muhammad (Paix et Salut sur Lui). Du reste, ces enseignements sur la vie du Prophète constituent un programme permanent chez nous, Ahmadis.

Mouloud 2020 arrive à un moment où on a assisté à une sorte de d’escalades langagières dans l’affaire de démolition de la Mosquée à Pazanni. En France également, on a cette affaire de caricature du Prophète qui a dégradé les relations entre ce pays et des pays arabes. Quel commentaire tout cela vous laisse ?

Il faut toujours rappeler aux gens et insister sur le fait que l’islam est une religion de paix, qui bannit les violences. Il ne donne pas l’autorisation de déranger autrui. C’est une religion de maturité. Il faut aimer. Un musulman doit aimer les autres personnes, qui sont libres de choisir leur religion. Beaucoup d’hommes n’ont pas compris la religion ; la barbarie n’est pas islam. Notre fondateur a écrit un livre, il y a plus d’un siècle, dans lequel il a donné un principe : dans le monde, pour avoir la paix, chaque religion doit respecter les autres religions.

Chaque fidèle religieux doit respecter ceux des autres religions. C’est pourquoi, il dit par exemple que tu peux parler en faveur de ta religion, de son bien, mais personne n’a le droit de parler mal de la religion de l’autre, de la dénigrer. Si ce principe est respecté, il n’y a pas de raison que tout n’aille pas bien. Mais lorsque vous insultez quelqu’un, la réaction, vous ne pourrez pas la contrôler.

Quand vous regardez ce qui se passe actuellement avec le cas que vous avez soulevé en Europe, c’est dû à l’ignorance. Ils ne connaissent pas le vrai statut du vrai. Un prophète est un prophète, si vous voulez vous amuser avec le vôtre, vous êtes libres. Mais ne dénigrez pas celui des autres. Aujourd’hui, les gens caricaturent les prophètes, ils dénigrent. Non, il ne faut pas dénigrer les prophètes. Il faut connaître l’histoire des religions. Votre religion, c’est votre religion. Ma religion, c’est ma religion. Pour le musulman, une chose est claire : le respect, c’est le prophète.

Par exemple, vous rencontrez un musulman et vous l’insultez, il ne va pas vous répondre ; vous insultez même son père, peut-être qu’il ne va pas vous répondre. Mais si vous insultez son prophète, là, ça devient difficile. Ça, il faut le comprendre, c’est de l’éducation islamique. Vous avez vu un enseignant qui a été tué en France, c’est déplorable. Non, en islam, on ne tue pas et nous, Ahmaddis, avons condamné cet acte ignoble.

Voyez-vous, le problème de ce monde, c’est que tout le monde parle de droits, mais personne ne pense à son devoir. Quand vous insultez, la personne va vous insulter et ça devient un problème. Donc, le problème de ce monde aujourd’hui, c’est que chacun poursuit son droit et oublie son devoir. Si chacun comprenait son devoir et l’accomplissait, on serait épargné de beaucoup de maux : respecter les parents, les grandes personnes, les voisins, respecte chaque créature de Dieu. On dit, arriver à un feu tricolore, arrêtez-vous ; c’est simple !

Mais chacun veut chercher son droit avec force. Si chacun respectait le minimum, on serait épargné de beaucoup de difficultés. Je condamne certains propos, parce que ça a créé des problèmes dans la société. Voilà pourquoi, chez nous, la devise c’est « l’Amour pour tous, la haine pour personne ». On ne peut pas haïr un être humain, non ! Il faut condamner ses actes, ils ne sont pas à confondre avec sa personne. On ne peut pas haïr une personne pour un acte qu’il a posé. Non, il faut haïr les actes.

C’est pour cela donc que vous misez également dans les secteurs sociaux auprès des populations !

Toutes les religions ont un seul objectif : améliorer les relations entre créateur et créature. Pourquoi nous prions ? Pour que notre Créateur soit content. Ahmaddiyya a toujours misé sur l’être humain, même si notre mission, c’est de prêcher. Nous disons qu’un malade ne peut pas adorer Dieu.

Quelqu’un qui est ignorant, qui n’est pas instruit, comment peut-il comprendre certaines valeurs ? Quelqu’un qui est pris dans une situation de conflit, comment peut-il adorer son Dieu ? C’est pourquoi Ahmadiyya s’est impliquée à travers le monde dans des œuvres sociales afin que ceux qui ont des difficultés, puissent sortir de là.

Par exemple, dans le cadre du Covid-19, dans le monde entier, Ahmadiyya a aidé plusieurs millions de personnes avec des vivres, du matériel, des masques, etc. Au Burkina, nous avons organisé des campagnes de distributions de vivres, de gel hydro-alcoolique, des masques, etc. Au Burkina, sur toute l’année, nous nous investissons à travers plusieurs secteurs sociaux de base dont les forages, des écoles (on vient même de terminer la construction d’une école à Banfora), des centres médicaux, des opérations de cataracte, etc.

C’est un moment de Covid-19 et des mesures sont requises. Quels conseils donneriez-vous aux fidèles, quand on sait que c’est une occasion de regroupements pour certains ?

La meilleure prière, c’est 3h du matin. Fermez votre porte et demandez sérieusement à Dieu. Ce n’est pas devant les gens que se fait forcément la prière. Non, Dieu vous regarde et c’est ce que vous avez dans le cœur qui compte. C’est vrai que l’islam parle aussi de prier ensemble, mais dans le contexte actuel, le rassemblement massif, c’est dangereux. Ce que l’Etat a prescrit comme mesures, il faut les respecter.

Quand vous regardez dans nos mosquées, partout, depuis que l’Etat a pris les mesures, nous les respectons (distanciation dans les mosquées, lavage des mains, etc.). Si au nom du Mouloud, vous êtes à la base de ce que la maladie se propage, ce n’est pas bien ; il faut éviter de mettre les gens dans des difficultés. Nous avons des conférences et des rencontres annuelles, que nous avons reportées par le fait de la maladie. Pour ceux qui vont décider d’organiser des regroupements, qu’ils tiennent compte des mesures, c’est très important.

Votre message à l’ensemble des populations ?

Les gens pensent au Paradis, mais je dis avant ça, il faut que chacun crée son propre paradis sur cette terre. Il faut être bon avec votre société. Si vous êtes bon (respectueux des autres, respect des règles…), c’est sûr que vous allez avoir le Paradis. Mais si vous êtes en train de créer des difficultés pour les autres, déranger les gens, si le désordre est votre quotidien, je ne sais pas ce que vous recherchez.

Aujourd’hui, le Burkina traverse une période difficile avec l’insécurité et le Covid-19. Il faut que chacun, individuellement, joue son rôle pour faciliter la situation à tout le monde. Il faut que chacun y mette du sien, la lutte est commune. Pour le Covid-19 également, on a l’impression que les gens ne prennent pas la situation au sérieux ; je dis non, il faut la prendre au sérieux.

Nous sommes également dans une année électorale, c’est un moment important pour les populations ; et dans le Saint Coran, Allah dit à tous ceux qui en sont capables, d’aller voter. Et nous, nous disons à nos fidèles, que chacun parte voter. Que chacun vote en son âme et conscience, celui qu’il pense être bien.

C’est un devoir pour le musulman de participer à la vie de son pays et le vote est une responsabilité de chacun. Ahmadiyya ne dit pas de voter X ou Y, c’est un choix personnel, que chacun parte faire son choix. Celui qui est capable et qui ne vote pas, c’est un crime. C’est un moment important dans la vie des peuples. Pour ces élections, nous prions pour que tout se déroule bien, dans la paix, la cohésion et l’unité de tous les Burkinabè.

Interview réalisée par O.L

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