LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

"La chronique du fou" : Solidarité à étages

Publié le vendredi 9 janvier 2004 à 06h49min

PARTAGER :                          

Le crash d’un avion égyptien a suscité un grand émoi et
provoqué une mobilisation générale en France. Pour qu’un
accident d’avion si loin de l’Hexagone, fasse autant courir les
Français, c’est qu’il est bien particulier.

D’autres drames, à
travers le monde, ne furent pas toujours l’objet de tant
d’attention. C’est que de nombreux Français ont perdu la vie
dans le drame. Paris, dès l’annonce du drame, a déployé
d’importants moyens pour repêcher les dépouilles des
disparus, Jacques Chirac en personne était à l’aéroport pour
encourager les familles des victimes. Dominique de Villepin a
présidé la cérémonie d’hommage aux morts de Charm El Cheik.
Bref, la France a pris fait et cause pour ses fils disparus en mer.

Ce n’est pas la première fois que les dirigeants français
s’emploient ainsi à secourir leurs ressortissants en détresse.
C’est une tradition non écrite mais ancrée dans les moeurs, que
l’on soit de gauche ou de droite. Le leitmotiv semble être
qu’aucun citoyen français, où qu’il soit, ne doit se sentir
abandonné par la patrie. La grandeur d’une nation se mesure
aussi à sa capacité à secourir ses citoyens dans le besoin.

Si
les récentes calamités qui ont frappé la France (canicule,
sécheresse, incendies, inondations) n’avaient pas rencontré la
prompte réaction de l’Etat, la situation aurait été davantage
catastrophique. Et la cote de popularité des dirigeants en
auraient pris un coup.
Les enjeux politiques de la solidarité à la française sont donc
évidents.

Dans un pays démocratique, où le peuple peut
demander des comptes et sanctionner ses dirigeants par la
voie des urnes, rien n’est pris à la légère. Les citoyens sont
regardants sur tous les aspects de la gestion du pouvoir d’Etat,
poussant toujours les responsables politiques vers les limites
de la performance. Plusieurs facteurs justifient donc l’attitude
très attentionnée de la France d’en haut vis-à-vis de celle d’en
bas : tradition de solidarité et de partage, devoir de secours de
l’Etat, souci de préserver l’image du pays à l’extérieur,
nécessités électorales.

Mais peu importe les arrière-pensées,
pourvu que les Français se sentent en sécurité ou, en cas de
besoin, ressentent la présence de la mère-patrie à leurs côtés.
Tel n’est pas le cas pour bon nombre d’Africains à qui leur Etat
ne pense que lors de la collecte des impôts ou l’organisation
des élections. Les drames qui frappent les populations sont
observées de loin par les plus hautes autorités qui préfèrent
déléguer d’obscurs fonctionnaires pour exprimer leur
compassion.

Cette négligence est inhérente au déficit
éducationnel, économique et démocratique, qui met face à face
des populations analphabètes et pauvres et des dirigeants peu
enclins à bâtir un véritable Etat de droit. Ainsi, ces "patrons" sont
tranquilles dans leurs palaces et leurs limousines, sans crainte
d’être interpellés, encore moins mis en difficulté par les urnes.

La solidarité, chez eux, se pratique de façon hiérarchisée.
D’abord le clan familial, puis l’ethnie et enfin les fidèles. Le
cercle des privilégiés se referme aussitôt après. A eux tous les
avantages de l’Etat, à eux les richesses nationales. Pour les
autres, des opérations médiatisées de solidarité factice sont
organisées. A eux donc les miettes du gâteau.

Pourquoi n’agiraient-ils pas à leur guise, les dirigeants versés
dans l’art du clientélisme ? La politique des "feuilles" peut
ramener dans les rangs tous les récalcitrants. Les intellectuels
qui voient clair dans le jeu du personnel politique sont vite
asservis. Impossible pour eux, à qui on remplit la bouche de
bouffe et les poches de feuilles, de revendiquer encore quoi que
ce soit.

C’est ainsi que la plupart des secteurs de la société sont
minés et soumis au diktat de la nomenklatura dirigeante.
L’immobilisme des classes politiques africaines est donc à
mettre essentiellement au compte d’une précarité (provoquée et
entretenue) des populations. Pas que ces dernières ne
connaissent pas où se trouvent leurs intérêts. Mais parce que
ces gens des villes et des villages, maintenus dans un état de
pauvreté extrême, n’ont d’autre choix que de courir à la soupe
même infecte servie par les maîtres du jour.

La France, quant à elle, continuera de garder un oeil vigilant sur
la sécurité de ses fils et filles. Aucun retour en arrière, aucune
remise en cause de cette solidarité vraie ne sont possibles.
C’est la démocratie qui l’exige.

Le Fou
Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique