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Recrutement de volontaires : « Si les terroristes nous poussent à prendre ces mesures, ça veut dire qu’ils ont déjà une longueur d’avance », Mamoudou Savadogo, spécialiste de l’extrémisme violent

LEFASO.NET | Par LEFASO.NET
vendredi 15 novembre 2019.

 

Aller sur le terrain, observer, discuter avec les populations, croiser les données, les décrypter pour mieux comprendre le fait terroriste. C’est le travail du gendarme devenu spécialiste de l’extrémisme violent dans le Sahel. Mamoudou Savadogo est, depuis, très sollicité sur ces questions. A l’extérieur en tout cas. La précision de son analyse le place parmi les experts les plus sollicités en ce moment. Bien qu’en convalescence, il nous a reçu à son domicile pour cette interview. Des signes avant-coureurs avant l’attaque de Boungou, les répercussions de la mort du chef de l’Etat islamique sur le Sahel, en passant par le nouveau mode opératoire des groupes armés et la décision du chef de l’Etat d’engager des volontaires… A toutes ces questions, notre interlocuteur tire dans le tas, sans sourciller. Lisez !

Lefaso.net : Ces derniers temps, on assiste à une recrudescence des attaques terroristes de plus en plus meurtrières. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce regain de violence inouïe ?

Mamoudou Savadogo : Cette montée de violence s’explique d’abord par le fait qu’il n’y ait pas de réponse adaptée pour stabiliser et arrêter l’avancée de la menace. Aussi par le fait que les groupes terroristes adaptent leur mode opératoire en fonction de la réponse et ils ont une longueur d’avance sur les réponses apportées par les Forces de défense et de sécurité. On remarque qu’ils ont gagné en technicité, en nombre et en puissance.

Il faut aussi noter que ces derniers temps, ils ont attaqué des casernes pour récupérer de l’équipement ; cela a étoffé leur logistique. Pour la technicité, ils ont vu leurs rangs grossir par des gens qui sont venus de la Syrie, de l’Iraq. A mon avis, ce sont tous ces facteurs combinés qui font qu’ils sont en train de gagner du terrain et la violence est encore plus inouïe qu’avant.

Peut-on également établir un lien entre l’élimination physique du chef de l’organisation Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, et cette subite tempête de violence au Sahel ? Des répercussions ?

Effectivement, ça pourrait être une des causes qui ont poussé ces groupes terroristes à agir bruyamment dans certains pays du Sahel. On a remarqué que quand un chef terroriste est tué, la violence monte d’un cran. Cela, dans un premier temps, pour prouver que la structure vit toujours, ensuite pour démontrer que le remplaçant veut marquer son terrain. C’est-à-dire prouver à ses collaborateurs qu’il est capable de faire autant, sinon pire que le leader tué. Puisque l’Afrique, c’est le ventre mou, particulièrement le Sahel, ils vont taper là où c’est le plus faible. Cela est d’autant plus vrai qu’Al-Baghdadi, avant de mourir, disait qu’il avait des hommes au Sahel (Mali, Burkina, Niger) et il les incitait à fédérer leurs actions pour conquérir cette partie de l’Afrique.

Boungou dans la région de l’Est du Burkina est, depuis quelques jours, devenu le symbole de cette terreur qui défie toute raison humaine, quand un convoi minier est tombé dans une embuscade. 38 morts, une soixantaine de blessés. De quel message Boungou est-il porteur ?

On peut voir sous deux angles. D’abord, c’est un intérêt occidental qui a été visé. Toute personne qui travaille pour les Occidentaux devient une cible pour les groupes terroristes.

En plus, il ne faut pas oublier que dans la région, les sites d’orpaillage ont longtemps été occupés par ces groupes terroristes. Ils avaient une mainmise sur les sites, et le ministre des Mines l’avaient déjà reconnu. Puisque ce sont des gens qui viennent avec un message de libération des populations qu’ils distillent au sein des communautés, ils veulent faire croire qu’ils vont chasser les Occidentaux au profit des populations [locales]. C’est éventuellement une source de ravitaillement pour eux.

Il y a une troisième hypothèse. Vous savez que ce n’est pas la première fois qu’un convoi de la mine est attaqué. J’ai fait des entretiens à Matiakoali qui est à quelques kilomètres de Boungou. Quand j’ai demandé aux populations pourquoi des jeunes basculaient dans l’extrémisme violent, elles m’ont conté leurs frustrations. Par exemple, c’est la population locale qui s’est cotisée pour construire la brigade de gendarmerie à ses frais, il y a de cela quelques années quand le grand banditisme sévissait dans la localité, avant de demander à l’Etat de lui affecter du personnel pour assurer sa sécurité. C’était avant les attaques terroristes dans notre pays.

L’Etat a trouvé que c’était une bonne initiative et il a effectivement affecté un peloton de sécurité et d’intervention à Matiakoali. Quand il y a eu la première attaque du convoi de la mine, les éléments ont reçu instruction de quitter la zone pour aller sécuriser la mine. En tout cas, l’effectif a été considérablement diminué au profit de la mine.

Les populations m’ont dit que les groupes terroristes sont venus les rassembler une nuit pour leur tenir ce message : « On a vous dit que votre Etat n’est pas là pour vos intérêts. On a attaqué la mine, l’Etat a préféré vous livrer que de livrer ses intérêts. L’Etat n’est pas là pour vous, il préfère protéger la mine que de vous protéger ». Les vieux m’ont dit que ce message a convaincu des jeunes qui les ont rejoints parce qu’ils ont estimé que ce n’était pas normal, parce qu’ils sont également des Burkinabè. Ils se sont cotisés pour construire leur gendarmerie et il n’y a pas de raison que la mine soit plus prioritaire pour les autorités. Ils ont eu cette impression que l’Etat leur a tourné le dos, les a trahis au moment où ils avaient le plus besoin de lui. C’est juste un exemple. Ce sont des décisions qu’il faut analyser sur les plans sociologique et historique avant de prendre.

Matiakoali est maintenant une zone rouge et est situé sur leur couloir qu’on appelle « couloir de trafic d’armement et de munitions ». De Gayéri en passant par Matiakoali jusqu’à Pama. Sur ce couloir, ils ont créé des zones de confort qu’ils maîtrisent. Quand vous regardez là où ils ont attaqué (Boungou, ndlr), c’est une zone qu’ils contrôlent parfaitement. De janvier à octobre 2019, il y a eu plus de 80 incidents de nature terroriste sur ce couloir.

Il y a pourtant eu une opération militaire d’envergure, Otapuanu…

Les incidents de nature terroriste ont continué même après Otapuanu. Ce que je considère comme incidents de nature terroriste, c’est tout ce qui concerne les kidnappings, les enlèvements de véhicules, les menaces sur les populations, les attaques ciblées, les agressions sur les écoles. On pense souvent que tant qu’il n’y a pas de morts, ce n’est pas important. Ce sont pourtant des indicateurs qu’il faut suivre parce qu’ils permettent de savoir si la menace baisse ou monte. Je suis convaincu que si l’attaque de Boungou avait fait un mort, cela serait passé presque inaperçu.

Nous comptabilisons donc tous les incidents, et c’est cela qui nous permet de conclure que l’attaque de Boungou n’était pas une surprise. Dans le mois de septembre seulement, nous avons comptabilisé 23 incidents de nature terroriste dans l’Est. Après la saison des pluies donc, ils sont remontés en puissance. Je ne sais pas comment l’Etat fait ses analyses, les outils que les centres stratégiques de l’Etat utilise, mais je pense qu’il faut qu’on revoie et qu’on surveille l’évolution de la situation sécuritaire, tout comme les épidémies qu’on surveille en matière de santé.

Tant qu’on ne le fera pas, on sera toujours surpris. Mais quand on surveille, on peut faire des diagrammes, des cartes pour comprendre. Quand les incidents montent, c’est une alerte et il y a quelque chose à renforcer. Je pense que ce n’est pas la mer à boire, il y a les compétences, et cela n’exige même pas de moyens particuliers. Si nous, en tant qu’individus, on peut le faire, je pense que l’Etat est encore mieux placé pour le faire avec beaucoup plus de précision encore.

Mais Otapunu a semblé produire des résultats, puisqu’il y a eu quand même un temps d’accalmie sur le front de l’Est, même si lors d’une conférence de presse-bilan le 12 avril, le chef d’Etat-major général des armées prévenait que la menace n’était pas totalement enrayée. Qu’est-ce qui s’est passé, selon vous, entre-temps ?

C’est une très bonne question. J’avais dit dans une des analyses sur ces opérations qu’il aurait fallu savoir qui nous attaque, faire un diagnostic, un mapping des groupes qui nous attaquent. Pour moi, à l’Est, on avait affaire à une insurrection armée locale. Une partie de la population n’en pouvait plus de cette situation et a été convaincue par les groupes terroristes d’agir et de déstabiliser l’ordre étatique établi. Avec l’opération, en réalité, ces groupes terroristes se sont fondus dans la communauté, d’autres ont rejoint le Bénin, le Togo…

Je vais vous montrer ma base de données (ndlr : il tourne vers nous son ordinateur), un outil avec lequel je répertorie tous les incidents de nature terroriste depuis 2016. Il y a la date, l’heure, la localité, ce qui s’est passé. Je vous donne un exemple : à l’Est, il y a eu plusieurs protestations jusqu’en 2018 quand on a commencé à avoir des attaques terroristes. Il y a eu des signes.

C’est la quatrième région qui contribue le plus au PIB, à travers par exemple les concessions de chasse qui ont été vendues à des étrangers qui ont font venir des mercenaires sud-africains et français pour lutter contre le braconnage. Qui sont les braconniers ? Ils se recrutent parmi les populations locales ; l’Etat n’a pas pris de mesures pour surveiller cela.

Ensuite, il y a l’affaire de Konkoanfuanou où l’Etat a fait déguerpir des milliers d’habitants parce qu’ils étaient sur une aire protégée. Où sont-ils partis ? Que sont-ils devenus ?

Il y a des sites d’orpaillage dont l’Etat a interdit l’exploitation. Voilà une région où les populations ne peuvent plus faire ni la pêche, ni la classe, n’ont pas plus de terres cultivables.

Selon que nous sommes au Sahel ou à l’Est, on remarque que le mode opératoire des terroristes n’est pas le même. Finalement, l’on a l’impression d’avoir une floraison de groupes sur l’étendue du territoire…

On a une répartition géographique des groupes extrémistes violents au Burkina. Dans les régions du Sahel, de la Boucle du Mouhoun et du Nord, c’est la sphère d’influence du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), Ansarul Islam. A l’Est, on a l’Etat islamique au Grand Sahara qui est un peu descendu également au Centre-Nord et au Nord. On a donc de grands groupes qui cohabitent et se sont reparti le Burkina. Ces groupes-là ont eu l’intelligence de s’appuyer sur des groupes locaux. Qui sont-ils ? C’est un ensemble de criminels, trafiquants, braconniers qui ont intérêt aussi à ce que l’Etat recule, soit déstabilisé ; qu’il y ait un écart entre l’Etat et sa population pour qu’ils continuent de fructifier leurs trafics. Quant aux grands groupes, eux, ils veulent déstabiliser l’Etat au maximum.

Ils arrivent à combiner : les grands groupes ont les moyens, assistent les petits sur le plan logistique (entrainement, armement) pour faire des enlèvements, pour qu’ils touchent à ce qui est symbole de l’Etat. Mais pour ce qui concerne les attaques complexes, comme celles qui touchent les Forces de défense et sécurité, les grands groupes sont en première ligne et c’est là qu’ils revendiquent.

Les petits groupes maîtrisent toutes les pistes, les voies de contournement, les positions des Forces de défense et de sécurité. En plus, ces petits groupes arrivent facilement à se fondre dans la communauté de laquelle ils sont issus. Du coup, ils ont une longueur d’avance sur les Forces de défense et de sécurité et une puissance de feu souvent plus élevée. Ils sont très bien préparés et avec une stratégie élaborée qu’ils déroulent.

Mais parmi les pays qui composent le G5 Sahel, deux sont pratiquement épargnés ces derniers temps par les attaques terroristes : la Mauritanie et le Tchad. Les autres dont le Burkina continuent de souffrir le martyre. Est-ce parce que nous sommes les maillons faibles ou quelle est la recette-miracle des autres pour être à l’abri ?

Vous remarquerez que ces pays qui sont plus ou moins stables, sont soit rentrés en contact avec ces groupes, ou bien ce sont des Etats forts. Les deux pays que vous avez cités sont dirigés par des militaires. Certainement, ils ont pris des mesures comme en temps de guerre, des mesures de combattants. Les pays qui sont à traine comme le Mali, le Niger et le Burkina, sont des Etats, disons-le, faibles, qui ont aussi pas mal de troubles socio-politiques qui affaiblissent davantage l’Etat. Pour lutter contre l’extrémisme violent, on a besoin d’avoir un Etat central fort, un Etat central stable. Sinon, les stratégies que l’on met en place ne sont pas adaptées, parce que nous sommes toujours dans le flou, dans l’hésitation et cela ne permet pas aux Forces de défense et de sécurité de travailler en toute quiétude.

Nos Forces de défense et de sécurité sont restées dans une stratégie conventionnelle, alors qu’on a affaire à une guerre asymétrique. L’une des failles exploitées par ces groupes terroristes, c’est le fait que nous avons des détachements isolés. Dans ce genre de situation, évidemment vous êtes vulnérables parce qu’ils connaissent à peu près votre nombre, comment faire pour vous attaquer. Pourquoi ne pas rapprocher ces détachements, les concentrer, les rendre plus mobiles avec des actions rapides avec des avions, des véhicules blindés, des hommes bien équipés et bien formés. Si on continue à isoler des détachements, ils vont tout le temps subir des agressions. Il faut revoir cette stratégie pour ne pas continuer à perdre des hommes, subir l’action de ces groupes terroristes.

Justement, c’est le même discours que l’on entend depuis 2016 : la menace est asymétrique, les FDS doivent s’adapter, il faut des moyens…Nous sommes en 2019 et ce genre de discours est toujours tenu, les pertes sont de plus en plus énormes. En tant qu’observateur avisé de la situation, fait-on du surplace ?

Je vois qu’il n’y a pas un langage de vérité et il y a un manque d’anticipation. Pour ce qui concerne l’équipement, on voit clairement que les FDS sont sous-équipées, elles ne sont pas encore au niveau qu’elles devraient être dans ce contexte. Malheureusement, il y a un problème de gouvernance dans l’acquisition de ces équipements ; l’opacité qui entoure la chose militaire bénéficie à certaines personnes qui ne sont pas forcément des gens de l’armée. Je ne suis pas convaincu que ce soit eux qui fassent les commandes.

Aussi, là où les effectifs ne sont pas au complet et qu’on sent réellement que nous sommes en position de faiblesse, qu’on ait le courage de dire aux populations de quitter la zone, le temps que ça se stabilise, qu’on puisse se réorganiser. Il y a un langage du déni et du refus de reconnaître nos faiblesses. Malheureusement, tant que nous serons toujours là faire de la politique, à cacher la vérité, elle va nous rattraper par les faits. Et c’est ce qui se passe présentement sur le terrain. Quand on dit que c’est une guerre asymétrique, il faut évidemment des moyens asymétriques. Il y a des frustrations, des injustices, de la mauvaise gouvernance. Il faut revoir tout cela et on aura fait plus de la moitié du travail. Il n’y pas d’autres alternatives que d’être ouvert avec la population qui sera plus encline à collaborer parce qu’elle aura compris que son Etat travail pour son bien-être.

La transition est toute trouvée. Dans sa dernière adresse à la nation, le chef de l’Etat a dit sa volonté d’engager des volontaires pour lutter contre le terrorisme. Cette déclaration est intervenue au lendemain de l’attaque de Boungou. Pensez-vous que c’est une décision longtemps mûrie, ou bien c’est sous le coup de l’émotion que cela est intervenu ?

Je pense qu’une fois de plus, les terroristes ont imprimé un rythme et nous suivons. Nous sommes toujours dans la démarche action-réaction. Je pense que cette mesure devrait venir bien avant, il ne fallait pas attendre qu’il y ait cette hécatombe avant de prendre des mesures. S’ils nous poussent à prendre ces mesures, ça veut dire qu’ils ont déjà une longueur d’avance sur nous. Mais ça peut être une bonne mesure ; la question est de savoir ce que l’on met dans ce contenu de volontaire. Qui est volontaire ? Quand est-ce qu’on n’est plus volontaire ? Quand est-ce que le volontaire sera démobilisé et que deviendra-t-il ? Quel type de formation aura-t-il ? C’est à toutes ces questions qu’il conviendrait de répondre avant d’engager. Il y a une mesure assez forte, claire, qui a été prise, mais on attend de voir les contours et sa mise en œuvre.

Il est connu que cette guerre ne peut être gagnée sans les populations à la base (qui côtoient souvent les terroristes) et sans le renseignement. On peut dire qu’avec l’annonce du chef de l’Etat, c’est un tournant décisif dans cette lutte ?

Effectivement. Vous savez comment ils arrivent à s’implanter, à s’intégrer, à se faire accepter au sein des populations avant de commencer à agir. Dans une lutte asymétrique, la pièce-maîtresse, c’est la population. Malheureusement, nous venons de le comprendre. Depuis 2018, il y a eu un manifeste de groupe terroriste qui a été publié. Ils disaient clairement à leurs adeptes de communautariser le terrorisme. C’est-à-dire qu’il ne faut plus exporter le terrorisme. Mais, il fallait recruter localement des gens qui sont contre le système occidental, travailler à les radicaliser. Vous voyez même en France, ce sont des Français qui mènent les attaques, ce ne sont plus des gens venus d’ailleurs. Ils recrutent des volontaires au sein de la communauté, ils les radicalisent et ils passent à l’action.

La lutte armée ne peut aboutir que si la population donne le renseignement. On a besoin des populations des zones rurales qui connaissent bien leur localité, les personnes qu’elles côtoient. Il faut donc beaucoup de tact pour qu’il n’y ait pas de ratés ; sans quoi on risque de créer des milices qu’on ne pourra pas gérer. Il faut mûrir cette stratégie, faire attention dans le recrutement et dans la manière d’agir.

Pour moi, on ne peut pas prendre une telle décision à la hâte. C’est déjà bien de reconnaître qu’il faut passer par là ; la mesure est salvatrice. Le fait déterminant, c’est la manière dont le projet sera conçu et mis en œuvre. C’est cela qui déterminera son succès ou son échec. Il faut que ce soit une mesure pour chercher des vraies solutions, et non pour chercher des adeptes ou des militants ; il faut la débarrasser de tout intérêt politique.

Autre chose : pourquoi le Burkina Faso, malgré ce contexte, n’a toujours pas un centre d’étude stratégique sur ces questions ? Dans la sous-région, c’est pratiquement l’exception…

On a tout prospecté, comme on aime à le dire, sans penser à un think-tank, un centre stratégique. Je pense que c’est aussi une des erreurs commises. Dans la lutte contre l’extrémisme violent, il faut un outil qui permette d’anticiper, qui nous alerte ; des indicateurs. C’est le rôle de ce genre de centre : analyser, décrypter la nature de la menace, le mapping des groupes terroristes, comprendre leur stratégie pour adapter la réponse à cette stratégie qui est sans cesse mouvante.

Sans quoi on sera toujours là à naviguer à vue, à tâtonner sans avoir de réponse adaptée. Mais il a été annoncé, et j’espère que ce centre sera assez dynamique, où on fera appel à des compétences pointues dans le domaine. J’espère également qu’il aura une certaine indépendance et des moyens.

Etes-vous souvent consulté ?

Non. Je n’ai jamais été consulté. A l’extérieur, on me fait appel tout le temps, mais ici, jamais une seule fois on ne m’a contacté. Mais on (ndlr : lui et les autorités) se retrouve à l’étranger en Afrique ou en Europe pour des conférences que je donne souvent. Dans quelques jours, on se retrouvera encore à Dakar où je donnerai une conférence, ils seront là pour suivre. Je suis prêt à donner gratuitement, je pense avoir une part de contribution à apporter, mais ils n’en veulent pas. Je ne peux pas forcer non plus, je n’ai aucun intérêt.

Je demande aux Burkinabè d’être résilients, comprendre qu’on n’a qu’un seul pays et qu’on doit travailler ce sentiment d’appartenance à un même peuple. Je demande aux politiciens d’arrêter leur guéguerre. Ils doivent cela quand même au peuple burkinabè qui a tant souffert, ils doivent être des patriotes.

Interview réalisée par Tiga Cheick Sawadogo
tigacheick@hotmtail.fr
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