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Le droit à l’image

vendredi 26 août 2005.

 

Tout individu a une propension naturelle à protéger sa personnalité, son image au sein de la communauté, de la société. Cette propension est beaucoup plus marquée chez les personnes publiques ou autorités (ministres, députés, directeurs généraux, etc.).

Cependant, il n’est pas toujours aisé de déterminer avec précision les contours de ce droit naturel que l’on estime détenir sur soi-même et qui doit être défendu. Où commence et s’arrête ce droit quand, du fait justement de son statut social, on fait l’objet d’une attention particulière de la part des médias qui, au nom également du droit à l’information, épient tout fait et geste ? Comment en l’espèce gérer la confrontation entre le droit à l’information et le droit à l’image ? Que dit le droit objectif à propos de l’utilisation de l’image d’autrui ?

L’image (d’une personne ou de ses biens) fait l’objet d’une protection particulière contre les éventuelles utilisations extérieures. A l’instar des autres aspects de la vie sociale, des instruments juridiques de portée nationale ou internationale se sont également penchés sur ceux plus restreints et complexes relatifs à la vie privée des individus. Ces instruments juridiques reconnaissent à ceux-ci des droits qu’ils peuvent faire prévaloir.

Les principes généraux

Le droit à l’image est une notion jurisprudentielle qui s’appuie tantôt sur la loi française du 3 juin 1994 (article 10) relative aux droits d’auteur et qui consacre la protection du portrait ou encore sur les dispositions classiques portant sur le droit de propriété ou de la responsabilité civile. D’où le rapport étroit qu’il entretient avec la sphère privée.

La doctrine a d’ailleurs longtemps considéré le droit à l’image comme une composante du droit au respect de la vie privée.

A propos de cette relation entre ces deux concepts, M. Acquarone affirme : « L’image, instrument de communication, est le moyen de porter atteinte à des droits de la personnalité tels que le droit au respect de la vie privée ou le droit à l’honneur ». Ces droits de la personnalité sont entendus plus généralement comme l’ensemble des droits que peut invoquer une personne pour défendre l’intégrité physique et morale de son corps.

Plusieurs principes fondent la défense de ses droits. La convention européenne des Droits de l’Homme dispose : « L’exercice de la liberté d’expression comporte des droits et responsabilités en ce qui concerne la protection de la réputation ou des droits d’autrui » (article 10). Dans la même perspective, elle précise de façon plus large que « Nul ne fera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ou d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes » (article 12).

Ce principe relatif au respect de la vie privée a été aussi souligné par la loi française du 17 juillet 1970 : « Chacun a droit au respect de sa vie privée » (article 9 du code civil). Au niveau du Burkina Faso, la Constitution de 1991 a consacré le principe en ces termes : « La demeure, le domicile, la vie privée et familiale, le secret de la correspondance de toute personne sont inviolables. Il ne peut y être porté atteinte que selon les formes et dans les cas prévus par la loi » (article 6). Le droit à l’image se présente alors comme un droit autorisant toute personne à s’opposer à toute action extérieure de nature à porter atteinte à un ensemble de valeurs considérées comme essentielles et qui lui sont propres de par sa seule existence. De ce point de vue, la réalisation d’une image portant sur l’un ou l’autre aspect ( autrui ou ses biens) est soumise à conditions.

Le consentement : un élément essentiel

Le droit objectif reconnaît à l’individu un droit exclusif sur son image. Hoebeke et Mouffe déclarent dans ce sens : « Toute personne représentée possède par rapport à son image un droit permanent qui a pour fin de protéger sa personnalité à tout moment et de veiller au respect de son image et de toute utilisation, autorisée ou non, qui serait faite de celle-ci » (in Le droit de la presse).

C’est dire que l’individu est entièrement maître de son image. Il s’agit-là de l’aspect sur lequel s’accordent les analyses doctrinales et les décisions de jurisprudence.

Il en résulte que toute personne doit en principe être consultée avant toute prise de photographie ou toute réalisation de son effigie. Mieux, elle doit avoir donné explicitement son accord. Le silence peut également valoir accord tacite.

Le consentement doit normalement revêtir un double caractère : d’une part, l’acceptation pour la réalisation de l’image et d’autre part, l’acceptation pour l’utilisation qui doit en être faite. Le champ du consentement devrait alors être clarifié.

A propos justement de l’utilisation de l’image, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent qu’elle ne doit pas contribuer à dénaturer la personnalité du sujet.

François Rigaux précise : « Se laisser photographier n’implique pas nécessairement un accord sur la reproduction ou sur son utilisation en n’importe qu’elle circonstance » (in La vie privée, une liberté parmi les autres ?).

L’exploitation de l’image doit par conséquent être conforme à la volonté de la personne. L’autorisation accordée par celle-ci pour la publication de son image dans une revue donnée par exemple, ne vaut pas ipso facto pour une autre. L’on ne saurait se prévaloir du lieu où la photographie a été réalisée pour l’utiliser à n’importe quelle finalité.

Signalons à propos du lieu que la situation est variable, selon qu’il s’agit d’un public ou privé, de même que le degré de notoriété des personnes. Ainsi, le consentement est réputé avoir été donné lorsqu’on a affaire à des lieux publics pour les personnes publiques par exemple agissant en cette qualité. Par contre, une autorisation explicite est obligatoire dans le cas d’un endroit privé. Selon le code pénal français, il y a atteinte à l’intimité de la vie privée en captant, enregistrant sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; en fixant, enregistrant l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. Il précise cependant que lorsque les actes ont été posés « au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».

Des atteintes au droit à l’image

Les médias constituent le terreau fertile où, au nom de la liberté d’expression et du droit à l’information, il peut être facilement porté atteinte au droit à l’image et à la vie privée.

Le législateur français (aussi bien que burkinabé) n’a pas défini la notion de vie privée, si bien que celle-ci n’a pas un contenu unique. Les bornes du concept sont variables selon l’identité des personnes, la place que celles-ci tiennent ou le rôle qu’elles jouent en rapport avec l’activité... Le constat est que l’étendue du champ n’est pas la même pour tous. La jurisprudence considère cependant( même si les choses peuvent encore changer en fonction des circonstances) que « relèvent de la vie privée d’une personne : sa vie sentimentale ; ses relations amicales ; sa situation de famille ; ses ressources et moyens d’existence ; ses loisirs ; sauf si elle fait elle-même profession, ses opinions politiques, son appartenance syndicale ou religieuse ; son état de santé ; le mode d’éducation choisi pour ses enfants ; son adresse... » Le respect de la vie privée est entendu plus globalement comme le droit pour toute personne d’être libre de mener sa propre existence.

Les actes susceptibles de porter atteinte au droit à l’image ou à la vie privée et d’engager la responsabilité de son (ou de ses) auteurs(s) peuvent provenir de la « publication d’informations indiscrètes mais aussi des seules formes et conditions de leur collecte ou d’obtention », de l’altération de la personnalité par la représentation de l’image d’une personne ( modification par exemple des traits physiques et moraux par trucage) ou de l’exploitation de la personnalité d’autrui. Dans cette dernière hypothèse, il faut souligner qu’il « n’est pas besoin que l’image soit dénaturée, il suffit que l’image d’autrui- et, par là même, sa personnalité- ait été utilisée sans son autorisation. Toute utilisation commerciale d’une image, sans accord préalable, est répréhensible, qu’il s’agisse de la vente de l’image, d’une exposition ou reproduction à des fins publicitaires, ou de toute utilisation de l’image d’une personne afin de soutenir une idéologie, un programme politique ou même une simple idée » ( Laurence Franceschini, in Droit de la communication).

L’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée ou à l’honneur par le biais de l’image, excellent moyen pourtant de communication, est passible de sanctions pénales et/ou civiles. Effet, étant donné l’assimilation de l’image des personnes aux biens auxquelles elles appartiennent, l’on estime qu’il y a faute à photographier (et à diffuser) une terrasse faisant partie intégrante d’un domicile, terrasse où séchait un linge. De même, l’imitation de la voix d’autrui peut tomber sous le coup de la loi pénale, au regard de la décision suivant du Tribunal de Grande Instance de Paris du 3 décembre 1975 dans l’affaire Piéplu : « attendu que la voix constitue l’un des attributs de la personnalité ; que toute personne est en droit d’interdire que l’on imite sa voix dans des conditions susceptibles de créer une confusion de personnes, ou de lui causer tout autre préjudice. »

Le code pénal burkinabé rend également répréhensible le travail de montage effectué dans certaines conditions. Ainsi est puni de peines « quiconque aura sciemment publié, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne, sans le consentement de celle-ci s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention » (article 372).

Il en résulte que toute personne qui estime qu’il y a eu violation de son droit à l’image ( droit visant à protéger la vie privée ou la dignité) est fondée à introduire une action en justice. Le code pénal burkinabè (article 373) précise bien dans ce cas : « L’action publique ne pourra être engagée que sur plainte de la victime, de son représentant légal ou de ses ayants droits ».

Crépin Somda
Elève Inspecteur du travail
Journaliste