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Boureima Maïga, directeur sportif de Salitas FC : « Nos formations sont élaborées sur la base du modèle barcelonais »

LEFASO.NET | Par Jacques Théodore Balima
samedi 31 août 2019.

 

Créé en 2015 par le colonel Yacouba Ouédraogo, Salitas a produit, en seulement quatre ans, de grands joueurs. Il en a aussi transféré Hassane Bandé, Edmond Tapsoba, Dramane Salou et bien d’autres.
Le centre poursuit son travail de formation même s’il est aujourd’hui noyé par le succès du club qui évolue en première division. Avec Boureima Maïga, ancien international, aujourd’hui directeur sportif de Salitas, il est question des conditions d’accès au centre, le bilan des quatre ans de fonctionnement du club, les transferts et les objectifs de la saison 2019-2020 dont les matchs de la deuxième journée seront disputés ce week-end.

Lefaso.net : Vous êtes le directeur sportif de Salitas FC. En quoi consiste votre travail ?

Boureima Maïga : Le directeur sportif a, entre autres charges, d’établir un très bon programme de formation. Il conçoit le modèle des entraînements, il tient des réunions chaque semaine avec les entraîneurs. A la fin du mois, le directeur sportif reçoit les rapports des entraîneurs et sur la base de ces derniers, il a des discussions avec eux afin d’améliorer ce qui est fait.

Pour le cas de Salitas, on essaie d’adapter le centre à ce qui se fait en Europe. Cela permet aux jeunes d’avoir le minimum de connaissances sur ce qui se fait ailleurs. Lorsqu’ils arrivent dans les clubs européens, ils ne sont pas dépaysés. Pour la formation, j’ai fait un planning en me basant sur le modèle barcelonais.

Quelles sont les caractéristiques du modèle barcelonais ?

Le jeu pratiqué par les joueurs barcelonais est très technique, vivace. Les Barcelonais, quand vous voyez leur système, ont des joueurs techniques et vifs dans tous les secteurs de l’équipe. Si un joueur n’a pas ces qualités, il ne peut pas évoluer au Barça ou même dans le haut niveau. Avec les entraîneurs, nous travaillons à donner ces qualités aux joueurs afin qu’ils soient compétitifs à l’international.

Salitas a été créé en 2015 par le colonel Yacouba Ouédraogo. Il est aujourd’hui un club de référence au Burkina. Quel bilan faites-vous de ces quatre années d’existence ?

Pour un centre de formation, le temps de quatre ans est peu. Parce que les projets, en général, sont conçus pour aboutir en sept ou huit ans. Mais je remercie le Seigneur et mes collaborateurs, le fondateur Yacouba Ouédraogo pour les résultats engrangés en quatre ans.

Durant ces quatre ans, nous avons remporté presque tous les trophées. Lorsque nous étions en D3, nous avons remporté en 2014 la Coupe de la Fédération burkinabè de football (FBF). Dans la même année, nous sommes montés en deuxième division.

L’année suivante, nous avons remporté le Tournoi Naba-Kango, organisé par l’actuel député Noufou Ouédraogo, avec l’équipe minime. Nous avons également remporté, en 2017, la Coupe de l’Assemblée nationale dans les catégories cadette et minime.

En 2018, nous avons remporté la Coupe du Faso et la Supercoupe AJSB (Association des journalistes sportifs du Burkina). Dans la même année, nous avons joué la Coupe CAF et avons même atteint la phase de poules. C’est historique puisqu’aucun autre club n’avait fait cela.

Un autre fait important est le transfert des joueurs. Nous avons transféré beaucoup, près d’une dizaine de joueurs. Aucun club n’en avait fait autant au Burkina. Il y a eu entre autres Hassane Bandé, Edmond Tapsoba, Jean Marco, Trova Boni, Cyrille Kpan et bien d’autres. Ce qui est satisfaisant avec ceux qui ont été transférés, c’est qu’ils ont changé de clubs après parce qu’ils ont un bon niveau. Ce qui a suscité la convoitise d’autres clubs.

Cela été possible grâce à l’organisation qui a été mise en place ainsi que les moyens mis à la disposition des acteurs. Je pense que ce centre a déjà beaucoup fait pour le football burkinabè en quatre ans.

Salitas est d’abord un centre de formation avant d’être un club. Comment intègre-t-on le centre ?

Nous avons l’internat. On forme ceux qui y viennent pour qu’ils deviennent des professionnels. On les recrute à partir de onze ans. En plus de leur formation en football, ils sont aussi inscrits dans un établissement pour les cours. On les y amène chaque jour. On achète leurs maillots, on les nourrit et on les loge. Les frais d’inscription à Salitas s’élèvent à 1,5 million par an. Nous recrutons 90 chaque année dans les catégories pupille, cadette et minime. Ils ne subissent pas de test avant d’intégrer Salitas.

D’autres font la formule externat. Ils paient 30 000 F CFA par mois. Quand ils jouent très bien, nous les récupérons et les formons gratuitement. J’ai aussi des gens qui font la détection des meilleurs jeunes dans les régions pour nous.

Il est prévu la construction d’un complexe sportif complet. Où en êtes-vous avec la construction des infrastructures ?

Il nous reste beaucoup à faire dans le développement infrastructurel du centre. Nous avons pu réaliser ce qui est là grâce au transfert de Hassane Bandé. Nous avons aussi pu acheter un car après le transfert d’Abou Ouattara, Edmond Tapsoba et Trova Boni.

Nous travaillons maintenant à être financièrement autonomes parce que ce n’est pas à tout moment qu’on pourra transférer des joueurs. Pour cela, nous venons de finir la piscine, le restaurant. On est en train de vouloir construire une salle de sport et les bureaux administratifs. Il nous faudra faire encore quelques transferts sinon on n’a pas assez de moyens pour réaliser tout cela. On rêve, au finish, de faire un vrai centre de formation pour le jeune burkinabè, africain qui veut jouer au football.

Depuis sa création, le centre a formé des joueurs de talent. On pense notamment à Dramane Salou, Hassane Bandé… Etes-vous satisfait de l’apport de ces joueurs au club ?

En termes de renommée, nous sommes très satisfaits. Mais en finances, on n’est jamais totalement satisfait. Hassane Bandé (Ajax), Abou Ouattara (Lille) jouent la Champions league ; Edmond Tapsoba (Guimarães, Portugal) joue l’Europa League. Grâce à ces joueurs, Salitas est très connu au plan international et cela fait plaisir.

Peut-on donc dire que Salitas FC est un club riche ?

En termes d’infrastructures. Tout ce que nous avons gagné, on a mis cela dans les infrastructures et les salaires. Nous mettons l’honneur à payer correctement nos joueurs. Pendant la campagne [africaine], le colonel Yacouba Ouédraogo a eu à verser une fois 1,5 million de francs CFA comme prime de match un peu comme à l’équipe nationale.

Il faut souligner que Salitas est en train de changer quelque chose sur le plan professionnel dans le football burkinabè. Les tenues, le car, les infrastructures de Salitas inspirent beaucoup de centres qui tentent de copier. Cela me fait plaisir. Puis que je sais qu’à l’avenir, on ne verra plus de clubs s’entraîner sans des poteaux mobiles ou sans des maillots pour tous les joueurs. Mon combat est que, tous ceux qui ont appris des choses en Europe puissent les redonner au Fasofoot afin que notre football se développe.

A part Hassane Bandé qui évolue dans un club dont le niveau est satisfaisant, on vous reproche de brader un peu les joueurs en les plaçant dans des championnats de niveau…

La plupart des joueurs que nous avons transférés sont allés dans des clubs de première division. Par exemple, Dramane Salou est parti dans un club de première division en Serbie, Partizan. Ce qui est sûr, la première division serbe ne peut pas avoir le même niveau que le championnat burkinabè. Nous n’avons jamais transféré un joueur en cinquième division ; pourtant je crois savoir que des joueurs de ce niveau ont été convoqués à l’équipe nationale.

Je me bats pour que le joueur aille en première ou deuxième division. Prenant le cas de Bandé, il est d’abord allé à Anderlecht, ils n’ont pas voulu qu’il signe. Il est ensuite allé à Malines qui est un club très moyen. Et c’est de là-bas qu’il a été transféré à l’Ajax.

Je pense aussi qu’il est mieux pour nos joueurs d’avoir du temps de jeu en allant dans les équipes normales que dans les grands clubs. Franck Lassina Traoré, par exemple, a du mal à s’imposer avec l’équipe A de l’Ajax. Il fait actuellement ses armes avec l’équipe réserve.

Je les place dans les équipes et il leur appartient de faire leurs preuves pour aller à un niveau supérieur. Edmond Tapsoba est passé par plusieurs autres clubs avant d’arriver à Guimarães. Beaucoup de grands joueurs ont connu un parcours un peu similaire.

Même Sadio Mané a évolué ainsi avant d’être aujourd’hui à Liverpool. Dramane Salou était à Partizan. Le club joue chaque année la Champions Ligue ou l’Europa league. Malheureusement il n’a pas de temps de jeu et a dû rejoindre Olimpik Donetsk, un club de première division en Ukraine, où il a été réclamé par les dirigeants. Je demande que l’on ait de la patience afin qu’ils puissent s’imposer dans le football européen.

Certains estiment que vous manquez souvent d’ambition voire de vision lorsque vous transférez des joueurs en plein championnat. Cela a été en partie la base de votre élimination en Coupe de la confédération l’année dernière…

Je suis d’accord avec vous sur ce point. Nous avons effectivement enregistré des départs en milieu de saison. Mais il faut noter que certains joueurs, avec l’aide de leurs parents, nous mettent la pression pour pouvoir signer dans des clubs à l’extérieur. Bandé, par exemple, est parti de sa propre volonté alors qu’on lui demandait d’attendre encore jusqu’à la fin de la saison.

Les parents pensent que lorsque leurs enfants ont des opportunités, il faut les laisser partir, oubliant souvent que les joueurs, pour leur carrière, ont besoin d’aller dans de bons clubs. Je suis content que vous m’ayez posé cette question parce que beaucoup pensent que les décisions viennent uniquement de moi. Lorsque par exemple un joueur est payé à 150 000 par mois à Salitas et il a une offre de 3 millions par mois dans un club hors du Burkina, la famille me met souvent la pression pour le faire partir.

Alors que les parents oublient que leur enfant peut avoir mieux s’il poursuit dans le championnat burkinabè. A chaque fois que Salitas perd le championnat ou une grande compétition, c’est que trois ou quatre de ses joueurs sont transférés. Badolo (Cédric) est parti à quatre journées de la fin du championnat, Bandé (Hassane) est aussi parti environ huit journées de la fin du championnat et ça continue. Certains vont encore partir bientôt.

Qui par exemple et dans quels clubs vont-ils ?

Leurs noms et les clubs de destination seront bientôt révélés. Mais je peux vous dire que Michel Batiebo est pressenti pour un club en Angleterre. D’autres joueurs doivent aussi partir dans des clubs en Europe. Il reste quelques jours avant la fermeture du mercato et on attend la confirmation des départs afin de voir quelle équipe mettre sur pied pour la saison.

Lors de son dernier match sur le banc des Etalons, Paulo Duarte a fait appel à certains de vos joueurs. Comment appréciez-vous l’utilisation des joueurs locaux à l’équipe nationale ?

Je trouve que nos entraîneurs n’osent pas. Ils pensent que les professionnels sont la solution à nos problèmes. Je n’aime pas faire le distinguo entre les locaux et les professionnels. Je préfère qu’on mette l’accent sur la qualité et la compétition.

L’année passée, par exemple, l’équipe des Etalons est restée pratiquement la même lors des matchs de qualification à la CAN ; pourtant, certains manquaient de compétition. Alors qu’au même moment, Salitas avait des éléments qui jouaient la Coupe CAF et qui avaient de la compétition.

En plus de cela, le championnat a des éléments qui sont capables de jouer avec l’équipe nationale. Le cas de Yacouba Coulibaly est le plus illustratif. Donc j’invite les entraîneurs à oser un peu comme Saboteur l’avait fait en alignant pour la première fois Jonathan Pitroipa, Bakary Koné, Charles Kaboré et bien d’autres. On a vu le résultat que cela a donné. Je le félicite pour cela. Il a même détecté Edmond Tapsoba qu’il convoquait régulièrement à l’équipe nationale.

Kamou Malo que vous connaissez très bien a été porté à la tête des Etalons. Qu’attendez-vous de lui ?

Je suis content que Malo soit aujourd’hui l’entraîneur parce qu’il connaît bien le championnat et les joueurs. Mais je demande qu’on lui donne le temps pour travailler. Il ne faut pas lui mettre la pression.

Je m’attends à ce qu’il appelle les meilleurs qui peuvent défendre les couleurs nationales. Les professionnels ont, pour la plupart, joué ici d’abord. Mais si un professionnel manque de compétition avec son club, que l’entraîneur fasse appel à des locaux qui ont de la compétition.
Pour le match amical contre le Maroc (Ndlr, prévu pour se jouer le 6 septembre prochain), certains joueurs de Salitas ont déjà reçu leurs convocations.

Certains estiment qu’il faut rajeunir l’équipe. Etes-vous de cet avis ?

Je suis également de cet avis aujourd’hui. Avant je n’étais pas d’accord parce que je me disais que les jeunes avaient besoin de prouver. Ils sont en train de le faire. Lassina Traoré, Edmond Tapsoba, Abou Ouattara et bien d’autres sont en train de s’imposer progressivement en Europe.
On peut donc rajeunir l’effectif mais il faut oser. Il faut aussi laisser le temps à l’entraîneur de mettre en place son effectif et de développer les automatismes.

Quel compartiment de l’équipe est-il urgent de rajeunir ?

Je pense que ça ne souffre d’aucun débat pour la défense. Si aujourd’hui tu as Yacouba et Abas Oulas sur la gauche, Edmond Tapsoba et Dayo dans l’axe et Patrick Malo et Steeve Yago sur le côté droit, tu as une bonne défense. Il y a des équivalents qui étaient dans le groupe et qui peuvent faire la concurrence. Il y a beaucoup d’autres jeunes au milieu du terrain comme Dramane Salou qui peuvent bien tenir leurs rôles. Mais il faut oser.

Avant, il n’y avait pas de jeunes joueurs compétitifs pour venir à l’équipe nationale. Mais actuellement, il y en a. il y a beaucoup d’éléments qui peuvent remplacer l’effectif actuel. Pour peu qu’on leur fasse confiance.
Par contre, on peut garder certains anciens qui peuvent rester pour aider les jeunes. Je pense notamment à Charles Kaboré, Aristide Bancé qui sont bien appréciés du public et de leurs coéquipiers.

Qualification aux huitièmes de finale de la CAN 2021. Telle est l’une des missions assignées à Kamou Malo. Pensez-vous qu’il est l’homme de la situation ?

Ce défi est un peu trop pour lui. Kamou Malo a certes du caractère pour gérer le groupe. Il sait gérer les hommes. Mais il a besoin du temps pour s’adapter à son nouveau poste. Il ne faut pas lui ajouter ce poids-là. Lorsqu’on prend le groupe actuel, on se rappelle qu’en 2010 et 2012, ils ont échoué à la CAN avant d’atteindre la finale en 2013. En 2015, ils ont également été éliminés très tôt avant d’avoir la troisième place en 2017. Donc il ne faut pas lui demander ce que les autres n’ont pas fait.

Quelle mission lui auriez-vous confié ?

Comme il doit rajeunir le groupe, je pense qu’on pouvait lui donner comme mission la qualification de l’équipe à la CAN 2021. Le reste viendra naturellement parce que les enfants ont envie de prouver. Cela peut même les amener plus loin que là où la fédération souhaite les voir.

J’ai peur que si le Burkina n’atteigne pas les huitièmes de finale de la CAN, que l’on dise qu’il a échoué. Et cela risque de fermer la porte à d’autres entraîneurs locaux.

Salitas FC a débuté la saison 2019-2020 par un nul (0-0) contre le RCK. Un début assez difficile pour le deuxième du championnat…

Il ne faut pas dire pour un deuxième mais difficile pour une équipe qui veut être championne. Nous ne cachons rien. Nous voulons être champions cette année. Nous voulons même tous les trophées cette année. Nous voulons aussi aller le plus loin possible en campagne africaine.

Pour cela, je pense que nous avons les hommes mais il faut que la mayonnaise prenne d’abord. Il faut donner le temps au nouvel entraîneur de roder l’équipe. Pour vous dire la vérité, le nul ne m’a pas satisfait. Mais c’était le premier match. Comme vous l’avez vu avec Barcelone, les premiers matchs sont très souvent des matchs-pièges.

Le RCK a été un adversaire de taille. Mais Salitas a pu développer son jeu. Il y avait une bonne circulation de balle. Il nous a seulement manqué quelqu’un à la finition. Mais là, les entraîneurs ne peuvent pas nous faire des reproches parce que nous avons pris tous les bons attaquants du championnat. Nous avons Illiasse Sawadogo, Michel Batiebo, Fovie Aguidi, Amoto et bien d’autres. Avec ces joueurs, il revient à l’encadrement d’aller chercher la qualification.

Pour la deuxième année consécutive, Salitas joue la Coupe de la confédération, quels sont vos objectifs ?

Nous voulons faire mieux que l’année passée. A défaut refaire comme l’année passée. Pour cela, sur la base des rapports des entraîneurs, nous avons pris assez de dispositions pour atteindre nos objectifs de cette année.

Votre mot de fin…

Je voudrais vous remercier de vous intéresser à Salitas. C’est une occasion que vous nous offrez de présenter au public ce qui est fait ici.

Je voudrais appeler les anciens internationaux qui peuvent contribuer soit en créant des centres de formation ou en appuyant les centres déjà existant à se mettre à la tâche. Car si nous nous mettons ensemble, je suis sûr que le football sera très compétitif et respecté au plan africain et même international. Je remercie déjà Kassoum Ouédraogo dit Ziko et Rahim Ouédraogo pour leurs centres qui contribuent à former de grands joueurs.

Propos recueillis par Jacques Théodore Balima
Lefaso.net



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