Boucle du Mouhoun : " On meurt de faim"Plusieurs structures de la société civile de la Boucle du Mouhoun, organisées au sein d’une coalition contre la vie chère, tirent la sonnette d’alarme : "Les signes de détresse se multiplient dans notre région (...). Nous vivons une situation de famine". Lettre ouverte à qui de droit. La coalition contre la vie chère est un cadre de discussion démocratique sur toutes les questions liées à la cherté de la vie des populations de la région. Pour cela, la coalition se fixe pour objectif d’informer, de sensibiliser et de mobiliser les autorités locales, les décideurs et l’opinion locale sur la vie chère. Ce combat interpelle toutes les composantes de la société (syndicats, autorités coutumières et religieuses, associations de femmes, organisations de défense des droits humains, associations de jeunes, mouvements paysans...). En cette année 2005, les signes de détresse de nos populations se multiplient dans notre région. Jadis grenier du Faso, la région de la Boucle du Mouhoum est aujourd’hui en train de devenir la région la plus pauvre de notre pays. C’est désormais une réalité. Plus grave encore, les populations y meurent de faim. Depuis plusieurs mois déjà, les denrées de première nécessité, qui constituent en fait l’essentiel de l’alimentation des citoyens burkinabè, sont rares sur les marchés de la place (sorgho, mil, maïs, niébé, woandzou).
Parallèlement, les revenus des populations n’ont pas connu d’évolution significative. Il devient donc extrêmement difficile pour la majorité des masses populaires de se les procurer. La misère est partout présente. Nous vivons une situation de famine. Dans les campagnes, bon nombre de ménages de producteurs ne peuvent pas se consacrer correctement à leurs travaux des champs. Ils se transforment tout simplement en ouvriers agricoles pour assurer à leurs familles un repas par jour. A la fin de l’hivernage, la situation risque de ne guère s’améliorer pour ces ménages. "Des opérateurs économiques ont fermé boutique" Ils sont nombreux, ceux qui se dépouillent de leurs moyens de production en les bazardant, juste pour assurer la pitance quotidienne. D’autres encore se livrent aux usuriers, en vendant leurs productions sur pieds. Les fonctionnaires ne sont pas en reste. Un nombre important de fonctionnaires n’arrivent plus à assurer les deux repas par jour à leurs familles. Il leur est encore plus difficile d’assurer leur santé. Les opérateurs économiques ne sont pas non plus à l’abri. Face à la spéculation des prix, certains ferment boutique. D’autres s’endettent énormément ou prennent le chemin de l’aventure, avec tous les risques et incertitudes. A la mission catholique, connue aussi pour ses oeuvres de charité, les prêtres sont débordés par la sollicitation des nécessiteux. L’Etat s’est désengagé des secteurs sociaux. C’est connu de tous. Les services comme l’Action sociale sont réduits à leur plus simple expression en jouant les rôles de conseil à l’autoprise en charge, d’animation, d’aide à la création d’associations, et d’accompagnement. Ils ne disposent donc d’aucun moyen pour faire face à la demande de plus en plus pressante des pauvres et démunis dont le nombre ne fait qu’augmenter chaque jour qui passe. Pendant ce temps, les produits de grande consommation (riz, huile, hydrocarbures...) ont aussi connu une hausse vertigineuse. Les gens meurent de faim dans la région de la Boucle du Mouhoun. C’est triste, mais c’est la réalité. "Manque de volonté politique" Dans ces conditions, on se demande comment sera faite la rentrée scolaire 2005/2006, une autre équation que les populations devront résoudre. A Dédougou, pour inscrire un enfant dans les établissements secondaires publics, il faut verser la scolarité et un pourboire. Les témoignages fusent de partout pour réclamer l’arrêt de ces pratiques qui contribuent à précariser encore plus les conditions de nos vaillantes populations. Par ailleurs, la pression fiscale et le quadrillage du marché de Dédougou, par la Police municipale, ont également contribué à aggraver la situation. Les petits commerçants et les acteurs du secteur informel sont la cible des collecteurs d’impôts et autres patentes. Leurs marchandises et matériels de travail sont saisis très souvent. Dans nos campagnes, les paysans se sont lancés dans la production tout azimut du coton en comptant sur les produits de vente pour acheter des céréales. De nombreux producteurs ont déchanté : la plupart d’entre eux n’ont pas été payés dans les délais par la SOFITEX. Même s’il est vrai que la pluviométrie de la campagne 2004/2005 a été capricieuse, sur l’ensemble du territoire, force est de reconnaître que l’Etat n’a pris aucune mesure préventive, susceptible de soulager les populations en cas de famine. Il a manqué de volonté politique pour prévenir la famine, qui se dessinait pourtant à l’horizon, et qui a même été annoncée par des institutions spécialisées (F AO). Pire, l’Etat n’a pris aucune mesure rigoureuse pour obliger les commerçants à baisser le prix des céréales, une fois que la famine s’est installée. Pour se donner bonne conscience, notre région a été déclarée excédentaire, en dépit de la réalité sur le terrain. Face à la détresse de nos populations de la région de la Boucle du Mouhoun, la Coalition contre la vie chère interpelle le gouverneur de la région sur la gravité de la situation afin que des dispositions soient prises pour rendre accessibles les produits de grande consommation. Dédougou, le 3 août 2005 Ont signé : UP/CGTB : KINDO Arouna SYNATEL : THIOMBIANO Gabriel MBDHP : KADINZA Lamoussa Communauté musulmane : BAGAYOGO Yssouf Communauté catholique : Abbé BOMBIRI Ernest ASAMA : Nazoun KONDE UNSL/FO : NACRO B. Esaïe SYNATEB : MANA Bétélo USTB : BASSOLE Auguste GERDDES : SIDIBE Djery UPPM/PANISE : DAKIO L. Benza ACYD : DEMBELE Samou SYNTAS : ZOUNGRANA Arrouna CNTB : TRAORE Salimata ASPAD : BLA Bakary ONSL : OUATTARA Siaka Communauté protestante SNEA-B : OUATTARA Abdoulaye |