Tribune : Au-delà de KuaLe projet de construction d’un hôpital, à Bobo-Dioulasso, sur un site abritant une forêt a suscité de vives polémiques opposant la vocation de l’homme à agir pour son bien et le bien que la nature lui offre en termes d’environnement et de cadre de vie. Sans prendre position dans le débat, nous y voyons une opportunité, combien heureuse pour chaque Burkinabè, de revoir sa position vis-à-vis de l’environnement. Nous observons que, dans la quête d’espaces pour se construire un logement ou pour tirer sa pitance, le Burkinabè a, comme tous autres humains, conquis des contrées qu’il s’est attribuées et a jalousement conservées. La brousse, au sens d’un espace vierge sans maître, est ainsi devenue, progressivement, « ma terre », « mon champ », « mon domaine » et, la dévolution successorale s’imposant, transformée en « notre terre », « notre champs »… La brousse a une âme et sa conquête n’a été possible qu’au moyen d’un pacte éternel ( ?) entre le premier occupant et cette âme. Le lien est indissoluble et seule la force peut défaire ce pacte. On se rappelle, à cet effet, des conquérants organisés en chefs, rois, seigneurs qui ont chassé, soumis ou tenté de chasser ou de soumettre leurs semblables sur des espaces, dans la vue de s’en approprier, jusqu’à la colonisation européenne, qui elle-même visait les espaces autant que ceux qui y vivaient. Quiconque venait après pour accéder à « ma » ou à « notre » terre, doit être autorisé. Autorisation provisoire, le lien entre le « propriétaire » et « sa » terre étant sacré. Ce caractère essentiel du lien entre l’homme et sa chose va aussi induire les possibilités qui s’offrent à celui qui sera admis à l’exploiter. En effet, on permettra de couper les buissons, les arbustes et même les arbres, de détruire les herbes, mais jamais de planter quelque plante qui puisse durer plus le temps d’une vie. La crainte étant que ce qui est planté ne convertisse le droit précaire et provisoire de celui qui l’aurait fait en un titre de même rang que celui qui l’y avait admis. On pensait aussi que la destruction ne concernant que quelques plantes, elle n’entamait pas l’essence de la nature qui, à des endroits rasée, repoussait quelques années plus tard, cicatrisant ainsi de ses plaies et se montrant intacte et pérenne. Mais, les besoins de l’homme évoluent. Il n’aura plus besoin seulement d’espaces au dépend de l’ecosystème, il exigera de la nature son bois, ses ressources souterraines (eau, mines, etc.) pour constituer les fondements de son autonomie. Ainsi, le pacte s’est ainsi progressivement déchiré : la nature n’a plus d’âme pour l’homme, elle constitue dorénavant un bien commerçable…. Le dieu ARGENT est passé par là ! La relation entre le Burkinabè du XXIe siècle et son environnement se trouve à ce stade du processus. Nous voyons plus nos projets que l’harmonie à y mettre pour préserver l’équilibre avec la flore et la faune. Les leaders de la Révolution d’août 1983, riches de leurs rêves mais conscients de ce nécessaire équilibre, avaient érigé une bataille de conversion des consciences désignée sous le vocable, autrefois célèbre, des trois luttes : contre les feux de brousse, contre la coupe abusive du bois et contre la divagation des animaux. Mais, ils n’avaient pas imposé que des actes de négation (« contre ») ; ils avaient su galvaniser la collectivité à planter des bosquets dans les villages, dans les écoles, dans les centres de santé (CSPS), etc. qui, encore, se dressent comme un rappel à la noblesse de leur vision. Tous en parlent, certains abattant le centenaire tamarinier qui résiste encore sur « leurs parcelles », les autres se plaignant des coupures intempestives de l’énergie thermique fournie par la SONABEL qui interrompent le confort que leur offre une climatisation pourvue au bureau ou acquise au moyen d’économies chèrement acquises. Comment, dans cet élan de fous qui construisent une échelle vers le ciel, inviter à constater qu’il n’y aura jamais assez de bois pour le projet ? Il ne faut pas se résigner ! On peut, non seulement sauver les ilots de brousse ou de forêts qui restent encore, mais reverdir notre pays, créer les conditions de vie plus saines pour tous. On doit résolument agir dans ce sens, en s’avisant qu’autrement, la question deviendra, dans quelques proches années, un problème de santé publique : la canicule ravagera comme les moyens alternatifs de refroidissement de notre écosystème (climatisation, humification, ventilation, etc.) apporteront leur lot de maladies mortelles ! Mais comment faire ? : – Les pouvoirs publics pourraient intégrer davantage le reverdissement des espaces publics, des locaux administratifs, des routes et rues dans leurs politiques gouvernementales. Chaque service, dans la hiérarchie administrative, doit avoir un programme de plantation et d’entretien d’arbres sur l’espace qu’il occupe ; – Le Législateur devraient revoir les mesures coercitives contre ceux qui détruisent, mais aussi ceux qui s’abstiennent de construire et de préserver l’environnement, en allégeant les procédures qui aboutissent à la sanction, en créant, à l’instar des pouls anti-terroristes, des pouls de préservation de l’environnement au sein des FDS (en plus du classique et salutaire service des eaux et forêts), et de la Justice, etc. ; – Les collectivités territoriales, dans le cadre de l’organisation des lotissements, devraient, d’une part, prévoir des espaces vertes, « sacrées » que leurs services de voirie veilleraient à reboiser et à préserver et, d’autre part, conditionner l’attribution des parcelles, à quelque usage qu’elles seraient destinées, à la plantation d’arbres dont le nombre minimal serait au prorata de la superficie accordée. Les taxes de jouissances pourraient être réduites proportionnellement en forme de subvention à ces « efforts demandés ». L’obtention du PUH et/ou du titre foncier ne devrait pas être possible pour ceux/celles qui n’auraient pas respecté cela ; – Les élèves devraient être émulés à planter et à préserver l’environnement dans leurs écoles à travers l’enseignement ; etc. Un citoyen Vos réactions (9) |