L’atteinte de l’objectif de développement durable (ODD) 4 : état des lieux des réalisations au Burkina Faso.Introduction L’article aborde dans un premier temps, le contexte et la problématique. Ensuite, il est question du bilan des réalisations des cibles de l’ODD 4 au Burkina Faso en 2017. Enfin, nous discutons les principaux résultats de la recherche. 1. Les constats et le problème de l’éducation au Burkina Faso En 1990, la Conférence mondiale sur l’éducation tenue à Jomtien (Thaïlande) a engagé les Etats à améliorer l’accès et la qualité de l’éducation (UNESCO, 1990). Mais, lors du bilan à mi-parcours en 1996, les résultats étaient largement en deçà des attentes. En 2000, le Cadre d’action de Dakar issu du Forum mondial sur l’éducation de Dakar (Sénégal) a permis à la communauté éducative de réaffirmer son engagement et de réitérer l’urgence de réaliser l’EPT en 2015 (UNESCO, 2000). A cette occasion, une attention particulière a été portée à la qualité de l’éducation insistant sur les besoins fondamentaux des apprenants. L’objectif était d’« obtenir pour tous des résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables – notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture et le calcul, et les compétences indispensables dans la vie courante » (UNESCO, 2000, op. cit.). Malgré la mise en œuvre de stratégies d’amélioration de l’éducation par les gouvernements et la société civile, la qualité ne s’est pas améliorée au rythme espéré et les chiffres en deçà des attentes. En fin 2013, 250 millions d’enfants n’avaient pas eu la possibilité d’acquérir les compétences fondamentales, alors même que 130 millions d’entre eux étaient restés pendant au moins quatre ans à l’école (UNESCO, 2014). En termes de réalisations, en 2015 le constat est que la scolarisation primaire universelle a quasiment été atteinte avec un taux moyen près de 90 % dans le monde (UNESCO, 2015). Mais, il faut noter les disparités selon les pays. Au Burkina Faso, le taux brut de scolarisation (TBS) au primaire est passé de 83,7 % en 2015 à 88,5 % en 2017. Au post-primaire, le TBS était de 49,0 % en 2017 contre 46,6 % en 2015. Au secondaire, ce taux est passé de 15 % en 2015 à 16,2 % en 2017 (MENA, 2015, 2017). C’est donc dire qu’environ 20 % des enfants en âge d’aller à l’école primaire ne peuvent pas y accéder. Selon le Secrétaire permanent du PDSEB : « Chaque année, il y a environ 500 000 enfants qui arrivent au CP1. Le problème que nous avons, c’est surtout au niveau des infrastructures. Nous n’arrivons pas à construire suffisamment d’écoles pour accueillir les enfants en âge d’aller à l’école » (Abdel Aziz Nabaloum, 2014). A cela, il faut ajouter les problèmes de la qualité de l’éducation, la faible prise en charge des enfants handicapés par les structures scolaires et la privatisation de l’éducation. De plus, « 757 millions d’adultes n’étaient pas capables de lire ou d’écrire une simple phrase, dont les deux tiers étaient des femmes » (UNESCO, 2015, p.321). Depuis septembre 2015, la communauté internationale s’est donnée pour mission de poursuivre leurs efforts financiers et politiques déployés depuis 2000 dans le cadre des OMD à travers les ODD. Ce sont17 ODD fixés par les Nations Unies pour mettre fin à l’extrême pauvreté dans le monde d’ici 2030. Parmi ces objectifs, figure un objectif axé sur l’éducation. Il s’agit de l’Objectif numéro 4 appelé ODD 4 visant à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ». Mais, qu’est-ce que l’ODD 4 ? L’ODD 4 résonne comme une autre façon de lutter contre la pauvreté dans le monde par le biais de l’éducation. En effet, l’inégal accès à l’éducation de qualité dans les pays les plus pauvres du monde est un frein au développement (PNUD, 2015). Selon le Rapport de suivi de l’EPT, dans le monde les enfants les plus pauvres ont quatre fois moins de chances de fréquenter l’école que les enfants les plus riches et la probabilité qu’ils n’achèvent pas l’éducation primaire est cinq fois supérieure aux autres (UNESCO, 2015). L’ODD 4 dispose d’un Cadre d’action « Éducation 2030 » visant à orienter les politiques nationales et internationales en matière d’éducation jusqu’en 2030. Il s’agit là d’une opportunité pour les pays les plus pauvres de mettre en place des systèmes éducatifs de qualité et justes, qui contribueront au développement et au bien-être des populations les plus démunies. L’accès des populations à une meilleure éducation a un impact positif sur de nombreux autres secteurs tels que la santé et l’espérance de vie, les revenus, la pauvreté, la paix, le droit des filles et des femmes, la croissance économique et l’environnement. En effet, « l’éducation facilite l’émergence de la bonne gouvernance et de la démocratie » (Kaboré A. 2018). Sous toutes ses formes, elle est un levier essentiel de transition et de développement vers des sociétés plus prospères, plus inclusives et plus justes. Selon le PNUD, chaque année de scolarité supplémentaire fait progresser le produit intérieur brut (PIB) annuel d’un pays de 0,37 % ; une année de scolarité supplémentaire augmente les revenus d’un individu jusqu’à 10 % et peut accroître ceux d’une femme de 10% à 20 % ;
un taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire de 10 points de pourcentage supérieur à la moyenne réduit le risque de guerre d’environ 3 points de pourcentage (UNESCO, 2015). Successeur direct de l’OMD 2, « Assurer l’éducation primaire pour tous », l’ODD 4 marque une avancée importante en termes d’éducation et de lutte contre la pauvreté dans le monde. Il incarne une vision élargie de l’éducation en mettant l’accent sur l’égalité homme-femme dans l’accès à l’éducation, la gratuité de l’éducation, la notion d’éducation inclusive et le continuum éducatif de la petite enfance à l’éducation tout au long de la vie. 3. Les constats de la réalisation des objectifs EPT et des OMD au Burkina Faso en fin 2017
Au regard du tableau, on note des avancées mais aussi des retards de réalisations des cibles de l’ODD 4 au Burkina Faso. Pour ce qui est la cible 4.1, on relève une progression du TBS de 2015 à 2017. Ce progrès est de l’ordre de 2,4 points au primaire et au post-primaire et de 1,2 points au secondaire. Mais, la réalisation de cette cible accuse des insuffisances. On observe une privatisation poussée de l’éducation en 2017 surtout dans les grandes villes. Au primaire, le privé scolarisait 20,09 % des élèves dont + 62,68 % sont inscrits au Kadiogo et au Houet (MENA, 2017). Au post-primaire et au secondaire + 50,9 % des effectifs sont du privé au niveau national parmi lesquels + 53,4 % sont scolarisés au Kadiogo et au Houet. Les points saillants de la réalisation de la cible 4.2. sont marqués de forces mais aussi de faiblesses. Le TBS au préscolaire est passé de 2,9 % en 2016 à 3,5 % en 2017. Toutefois, l’accroissement de 2017 cache une faiblesse puisque ce même taux est en baisse par rapport à 2015 où il était de 3,9 %. En plus, le TBS de 2017 est aussi en deçà de la cible de 2017 du PDSEB (11,5 %) (MENA, 2017). Il ressort également que 72,34 % des auditeurs du préscolaire sont pris en charge par les structures privées et les centres communautaires (MENA, 2017). Enfin, il y a la non prise en compte du préscolaire dans la politique nationale de la gratuité et de l’obligation scolaire car puisque ne concernant que les enfants de 6 à 16 ans (Assemblée Nationale, 2007). Dans le processus de mise en œuvre des cibles 4.3 et 4.4, plusieurs avancées ont été réalisées. En 2017, les réalisations en matière de formation dans l’enseignement et la formation technique et profesionnelle (EFTP) ont touché : 40 cadres en emploi et en formation professionnelle, 64 formateurs à l’utilisation de 4 référentiels de formation et de certification, 150 formateurs à l’utilisation de 15 référentiels de métiers, 49 formateurs en électromécanique et énergie solaire, mécanique de précision et moulage, mécanique automobile et agricole et plomberie sanitaire et 26 chargés de suivi des centres de formation (MENA, MESRSI & MJFIP, 2018). En plus, il y a eu l’ouverture en 2017 de deux (2) lycées scientifiques à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso dans des locaux d’emprunt. Enfin, six (6) Centres d’éducation de base non formelle (CEBNF) ont été transformés en Centres d’enseignement et de formation technique et professionnel (CEFTP). En termes d’insuffisances, on relève en premier lieu le non-respect des engagements pris par le gouvernement à savoir « une province, un CETFP et une région, un lycée professionnel et/ou technique ». Aussi, une des difficultés concerne la fuite des enseignants formés aux filières techniques par l’État vers les établissements et entreprises privés (S.Y, Proviseur de lycée à Ouagadougou). Le tableau indique que la réalisation de la cible 4.5. de l’ODD 4 a connu une hausse de 0,3 points de l’indice de parité du TBS au primaire et de 0,03 points de l’indice de parité du TBS au post-primaire et au secondaire en 2017. En plus Il y a, l’intégration des enfants handicapés dans les annuaires statistiques nationaux surtout au post-primaire et au secondaire. Les insuffisances concernent la réalisation d’infrastructures et la dotation en matériels didactiques et pédagogiques adaptés afin de renforcer l’inclusion scolaire. Aussi, il y a l’insuffisance de formation des enseignants en éducation inclusive (E.I). Enfin, la non adoption en Conseil des ministres de la Stratégie nationale de développement de l’éducation inclusive (SNDEI) validé depuis décembre 2015. Cela handicape la mise en œuvre de l’E.I et freine l’engagement de certains acteurs privés. Concernant la cible 4.6 de l’ODD 4, le tableau ci-dessus indique que le nombre de centres/niveaux d’apprentissage de l’éducation non formelle (ENF) des jeunes et adultes réalisés est en baisse de 374 en 2017 soit 20 % de régression par rapport 2016. Au cours de la même année, le nombre d’inscrits est en baisse de moins 40 134 inscrits par rapport à 2016 soit 75,5 % de régression. Le nombre d’apprenants de 15 à 24 ans est en baisse de 8 677 apprenants en 2017 par rapport à 2016 et une réduction de 97 251 apprenants par rapport à 2014. Enfin, le nombre de centres adultes en 2017 est en baisse de moins 801 centres par rapport à 2016 et une réduction de moins 12 471 centres par rapport à 2014. A la lecture du tableau, on constate que la réalisation de la cible 4.7 a permis d’engranger des résultats de 2015 à 2017 : la hausse du taux d’achèvement national (TAN) de + 2,1 points au primaire, de + 6,2 points au post-primaire et de plus 1,4 point au secondaire en 2017. Mais, il existe d’énormes disparités entre les régions en matière de TAN. Par exemple, au primaire, dans les régions du Sahel et du Centre les taux d’achèvement sont respectivement de 23,6 % et 78,2 % (MENA, 2017). 4. Discussion des résultats On relève de travail sur ce sujet que de nombreuses réflexions (travaux scientifiques, documents de politiques et consultances) ont été réalisés sur la problématique de l’ODD 4 (UNESCO, Kaboré A., CN-EPT/BF, MENA). Il s’agit notamment des documents administratifs et de politiques, des rapports de travail et d’expertise qui font état de la mise en œuvre de l’ODD 4 au Burkina Faso. Il apparaît des avancées notables en termes d’accès et de planification. De façon générale, on relève toutefois des insuffisances dans le secteur l’éducation relatives à la mal gouvernance, aux faibles investissements publics, à la marchandisation. De façon spécifique, la réalisation des cibles de l’ODD 4 est entravée par le problème d’alignement des politiques nationales d’éducation à ces cibles. En effet, le Plan Sectoriel de l’Éducation et de la Formation (PSEF 2017-2030) qui est le référentiel de l’ODD 4 semble être en concurrence directe avec le Programme de Développement Stratégique de l’Éducation de Base (PDSEB). D’où la difficulté d’alignement des objectifs nationaux aux cibles de l’ODD 4 comme cela a été le cas avec les objectifs EPT et de l’OMD 2. On retient de la littérature qu’en dépit des difficultés, plusieurs actions ont été entreprises en vue de promouvoir la réalisation des cibles de l’ODD 4. Entre autres, il y a l’adhésion du Burkina Faso à la Campagne mondiale pour l’éducation (CME) et Africa Network Campaign on Education For All (ANCEFA ). La CME dispose d’un mécanisme international de facilitation des actions en faveur de la mise en œuvre de l’ODD4, le Fonds de la société civile pour l’éducation (CSEF). L’objectif du CSEF est de veiller à ce que les organisations de la société civile dans les pays assument les rôles qu’elles doivent jouer conformément au Cadre d’action de Dakar et concernant les processus de la CME au niveau (UNSECO, 2009). Pour Tahirou TRAORE, « cette la naissance du CSEF vise à appuyer les principaux travaux des coalitions nationales et d’œuvrer pour que la société civile puisse s’engager pleinement et suivre l’évolution des gouvernements et groupes de donateurs en vue d’atteindre les objectifs de l’EPT ». Le second mécanisme est le Fonds de la société civile pour l’éducation (FSCE). Son objectif est de « mettre en place de larges coalitions nationales de l’éducation démocratiques ; puis, Renforcer la capacité des coalitions nationales de l’éducation et de défendre le changement de politiques et des réformes institutionnelles au niveau des pays. Le troisième objectif concerne le plaidoyer pour la mobilisation conséquente des investissements publics en faveur de l’éducation 20 % des budgets des États pour l’éducation) (UNESCO, 2018). Au Burkina Faso, dans le cadre de la conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial pour l’éducation (PME ) ou Global Parthnership for Education (GPE), la CN-EPT/BF a conduit une campagne de plaidoyer dont l’objectif a été d’obtenir du gouvernement l’allocation de 20 % du budget national au secteur de l’éducation. Cette campagne a permis de faire progresser la part du budget national consacrée à l’éducation qui est passé de 15 % en 2014 à 16,7 % en 2015 (DEMBELE Samuel, PCA de la CN-EPT/BF). Conclusion Les Objectifs de Développement Durable (ODD) se veulent être une sorte de panacée afin de booster le développement et de lutter contre la pauvreté dans le monde. L’aspect éducation de ces objectifs mondiaux est de contribuer à corriger les insuffisances constatées dans la mise en œuvre des politiques internationales d’éducation à savoir objectifs EPT et OMD. Les réalisations au niveau national des cibles de l’ODD 4 connaissent des avancées notables. Mais, elles restent largement en deçà des attentes nationales et internationales. Des difficultés majeures impactent la réalisation de ces cibles. De toute évidence, on retient que le cadre d’action Éducation 2030, adopté en septembre 2015, qui met l’accent sur l’importance d’une éducation de qualité pour parvenir aux ODD 2030, est l’opportunité pour les gouvernements de faire de la qualité une priorité des politiques éducatives. Références bibliographiques Assemblée Nationale. (2017). Loi d’orientation de l’éducation, Ouagadougou.
MENA. (2018). Rapport de suivi annuel 2017 du PDSEB, Ouagadougou.
UNECSO. (2016). ODD 4 Burkina Faso. Profil Pays, URL : https://bit.ly/2iHb599 . |