Philippe OUEDRAOGO : “Les chances de l’opposition résident d’abord dans les échecs patents de la politique du pouvoir actuel.”Le fait en lui-même est un événement et n’eut été le fait que nous soyons au mois de juillet nombre d’entre vous auraient pris l’annonce de cette interview pour un poisson d’avril. Et bien comme vous le constatez, il n’en est rien. Philippe OUEDRAOGO a bien accepté de répondre à nos questions. Avant lui il y avait eu dans la même veine Me Hermann YAMEOGO, Emile PARE, Laurent BADO, Michel Norbert TIENDREBEOGO et bien d’autres personnalités dont les seuls noms témoignent de la diversité des opinions qui s’expriment dans nos colonnes et font mentir notre interlocuteur du jour lorsqu’il accrédite « la réputation sulfureuse d’être le porte voix sans nuances du régime... » qui nous collerait à la peau. Qu’a cela ne tienne Philippe OUEDRAOGO a accepté répondre à nos questions sur sa récente « semi-victoire » dans l’affaire PAI, sur la présidentielle de 2005 ... Malheureusement son emploi de temps de candidat ne lui a pas permis d’avoir la même sollicitude lorsque nous l’avons relancé sur certaines questions d’actualités comme les menaces de mort qui pèseraient sur certains opposants, les accusations d’apatridie dont fait l’objet son compère Hermann YAMEOGO, les bisbilles qui les ont violemment opposées dans un passé récent, le comportement de nos hommes politiques, et bien d’autres questions encore. Nous osons croire que ce n’est que partie remise et que la promesse de monsieur OUEDRAOGO de rebondir prochainement sur ces questions sera tenue. En attendant lisez plutôt. Le Tribunal administratif de Ouagadougou a annulé le récépissé accordé à Soumane Touré le 5 octobre 2001. Quels sentiments vous animent ? C’est devant le Comité central du P.A.I., le 12 Septembre 1998 que Touré Soumane a démissionné de ses responsabilités de Secrétaire général du PAI, en même temps que tout le Bureau Exécutif central ou BEC qu’il dirigeait. Il l’a dit lui-même dans la lettre qu’il a adressée le 20 Septembre 1999 au Ministre chargé de l’Administration territoriale. Le Comité central a aussitôt pris une résolution ce 12 Septembre 1998, désignant les membres d’honneur pour assurer la direction provisoire du parti, et les chargeant de convoquer un congrès extraordinaire du PAI dès que possible pour mettre en place un nouveau BEC. Touré Soumane n’avait plus dès lors aucune qualité, aucun mandat pour convoquer un congrès du PAI. Il l’a pourtant fait le 4 Décembre 1999. Et le Ministre lui a quand même irrégulièrement délivré un récépissé le reconnaissant comme Secrétaire général du PAI. Le Tribunal administratif a donc, le 13 Juillet 2000, décidé l’annulation de ce premier récépissé. Cette décision a été confirmée en appel le 29 Juin 2001. Mais le Ministre, refusant de fait cette décision de la justice, a invité Touré Soumane, en dépit des motifs de l’arrêt de la Chambre administrative de la Cour suprême, à convoquer un nouveau congrès du PAI. Et il lui a accordé un deuxième récépissé daté du 05 Octobre 2001. Quelle est la prochaine étape pour Philippe OUEDRAOGO dans ce combat des PAI ? C’est aussi le combat de toutes les organisations démocratiques qui ont un intérêt crucial à exiger que le gouvernement ne se mêle ni des affaires intérieures des partis politiques, ni de celles des organisations de la société civile. Vous vous êtes présenté aux législatives de 2002 sous la bannière du PDS. Aujourd’hui, c’est sous cette même bannière que vous allez à la conquête du fauteuil présidentiel. Y aura-t-il un changement avec cette décision de justice ? Comme vous le savez, nous sommes aujourd’hui membres d’ALTERNANCE 2005. Dans le cadre de ce regroupement de partis d’opposition, trois partis, à savoir la Convergence pour la Démocratie Sociale, le PAI et le PDS ont soumis en commun un dossier de candidature pour l’élection présidentielle à venir. Ce dossier qui me désignait comme leur candidat, a été accepté par ALTERNANCE 2005. La décision du Tribunal administratif du 30 juin 2005, qui annule le 2ème récépissé donné à Touré Soumane ne change rien à cette alliance ni à ma candidature au titre des trois partis et de ALTERNANCE 2005. Vous êtes un des trois candidats de « Alternance 2005 ». Que pouvez-vous attendre de cette élection vu que vos deux adversaires directs que sont Me Sankara Bénéwendé et Me Yameogo Hermann semblent avoir une longueur d’avance sur vous sur le terrain ? Chacun d’eux a constitué une coalition. Qui vous soutient vous ? Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes un candidat « complète nombre » et que les trois candidatures de « l’Alternance 2005 » n’avaient qu’un seul but : écarter les candidats du PDP/PS, du RDEB, du FFS, etc. Cela a conduit le groupe qui s’appelait encore le « Groupe des 16 partis de l’opposition », à convenir : premièrement d’une limitation du nombre de candidats à trois, ce qui a été accepté aux journées d’études du groupe en Avril 2004. A ces journées ont participé des représentants au plus haut niveau de l’OBU, du PDP/PS, du RDEB et du FFS . Deuxièmement le groupe a défini, au cours de cette même réunion d’Avril 2004, la stratégie commune que ses membres s’engagent à respecter notamment dans les rapports entre ses partis et pour gouverner en commun si l’alternance était réalisée. Troisièmement, le groupe a arrêté les critères de sélection et les modes de désignation des trois candidats du groupe. Après plusieurs réunions, ces critères de sélection, pour lesquels chacun a été invité à faire des propositions, ont fait l’objet d’un document soumis à tous en Juin 2004, puis discuté et adopté par tous en Septembre 2004. Ceux qui ont voulu après coup s’en démarquer ont certainement leurs raisons personnelles de le faire. Mais il serait honnête qu’ils reconnaissent qu’ils ont délibérément décidé de revenir sur des engagements qu’ils ont bel et bien signés avec tous les autres. En ce qui concerne les candidatures que le PDP/PS et le FFS auraient pu présenter, il convient de préciser que ces partis ont de manière souveraine décidé, sans raisons convaincantes, de suspendre leur participation à ALTERNANCE 2005, respectivement en Janvier et Février 2005. Ils n’ont donc pas présenté de candidats à l’appréciation de ce regroupement, alors que la date limite de dépôt des dossiers de candidature a été fixée le 15 Janvier 2005 au 28 Février 2005. C’est probablement pour recouvrer leur pleine liberté de décision qu’ils l’on fait. C’était leur plein droit, même si on peut en regretter les conséquences politiques. Avant le PDP/PS et le FFS, l’OBU avait quitté le groupe, en Mai 2004, avec de très mauvaises raisons, puisqu’elle avait participé aux journées d’Avril 2005. Aujourd’hui le malheureux déballage dans lequel elle se donne en spectacle en donne les vraies et piteuses raisons. Quelles sont les chances de l’opposition à cette élection présidentielle du 13 novembre 2005 vu qu’elle part en rangs dispersés ? Ce pouvoir, malgré sa longévité et la relative quiétude sociale dont il a joui n’a pas pu faire reculer la pauvreté, au contraire, elle s’est approfondie. Il s’est montré incapable de résoudre la question du chômage. Ses politiques dans l’enseignement et la santé sont incohérentes : après que les taux de scolarisation soient restés durant des décennies parmi les plus faibles d’Afrique, il cherche aujourd’hui à les faire décoller, mais pratiquement sans accroître corrélativement les capacités d’accueil dans le secondaire ou le supérieur. Il multiplie les infrastructures de santé, mais ne prend pas les dispositions pour y mettre le personnel et les équipements requis, et ne fait rien pour améliorer leur fréquentation par des populations démunies. Après 18 ans de pouvoir, les méthodes de production tant dans l’agriculture que dans l’élevage sont toujours largement archaïques, contribuant activement à la dégradation de l’environnement. Sous ce pouvoir,les crimes politiques et économiques se sont multipliés : tout le monde constate le développement des abus de biens sociaux, des détournements et de la corruption, dans l’impunité la plus totale. Nos relations avec plusieurs pays africains voisins ou plus éloignés sont mauvaises et même parfois très tendues. Les conséquences prévisibles de la mauvaise récolte de l’année dernière ont confirmé l’incapacité chronique du pouvoir actuel à prendre des mesures appropriées pour prévenir des catastrophes prévisibles et pour résoudre des problèmes de base des populations ; etc., etc. Quelle appréciation faites-vous de la décision de l’ADF/RDA de soutenir le candidat du CDP ? Une décision similaire prise en 1978 avait conduit à la cassure du parti RDA, et entraîné logiquement la création du Front du refus - RDA. Depuis cette date, le RDA n’a plus retrouvé ni son unité ni sa force. Manifestement, les leçons de l’histoire ne servent pas à tout le monde ! Beaucoup d’hommes politiques au Burkina ne veulent pas s’assumer. Ils n’ont pas d’idéal propre auquel ils tiennent profondément. Ils ne croient en fait qu’au succès électoral ou aux combinaisons politiques pour partager le pouvoir. La responsabilité d’une direction politique, c’est de proposer une stratégie et la voie à suivre aux militants, quitte à être désavoué par ceux-ci, en congrès par exemple. Ce n’est pas l’inverse qui est juste. Cette décision de l’ADF/RDA est véritablement décevante pour les démocrates qui observent la politique de notre pays. Elle ne renforce pas la démocratie burkinabè, au contraire. Elle contribue en outre, comme d’autres comportements qui ont été récemment étalés, à décrédibiliser la classe politique burkinabè ! Bon nombre de Burkinabè sont déçus du comportement de l’opposition toutes tendances confondues. Ne pensez-vous pas que cela rendra encore plus rude l’alternance en 2005 ? Ce sont les gens du pouvoir qui souhaiteraient que les Burkinabè se disent déçus de l’opposition. Ce qui est décevant pour les Burkinabè, c’est plutôt le comportement de nombreux hommes politiques. Mais ils n’ignorent pas, bien que les gens du pouvoir souhaitent une généralisation, qu’il existe des hommes politiques d’honneur et honnêtes, qui refusent la trahison, la corruption ou la compromission. Vous reconnaissez-vous dans les déclarations du président du PAREN quand il soutient que des opposants ont été financés par le pouvoir ? Et quel crédit accorder à des accusations relatives à des tiers sur la seule base des déclarations verbales d’un intermédiaire jusqu’à présent anonyme du pouvoir, désireux de vous faire croire que la corruption est une pratique à laquelle beaucoup d’autres ont déjà succombé ? Il conviendrait donc de prendre de telles déclarations avec beaucoup de circonspection ! Que répondez-vous à ceux des Burkinabè qui pensent que les conditions de l’alternance ne sont pas encore réunies ? Quelles sont les chances du candidat Philippe OUEDRAOGO ? Des souhaits particuliers ? Par Frédéric ILBODO |