Crash du vol AH 5017 : « Il faut que ces marchands de mort soient punis comme il faut », Me Halidou OuédraogoLEFASO.NET | Par Samuel SOMDA
vendredi 27 janvier 2017.Le 24 juillet 2014, le vol AH 5017 d’Air Algérie qui a décollé de Ouagadougou pour Alger s’est écrasé peu après dans la ville malienne de Gossi. Aucun des 110 passagers et 6 membres d’équipage n’a été épargné. Depuis, une enquête avait été ouverte pour connaître les circonstances de la mort tragique de ces 116 personnes. Si dans un premier temps le système anti- givre avait été mis en cause par les experts commis à l’enquête, ceux- ci vont plus loin et sont formels dans leur rapport définitif rendu fin décembre dernier : les pilotes étaient peu qualifiés pour ce type de vol. Le rapport qui précise qu’ils n’avaient pas volé pendant huit mois avant le crash, saisonniers qu’ils étaient. Ils devraient passer par un stage de réadaptation, rappellent des experts. Hélas ! La méprise a tué entre autres 54 français et 23 burkinabè. Maitre Halidou Ouédraogo y a perdu sa fille. Nous l’avons rencontré en sa qualité de président de l’association des familles des victimes. Lefaso.net : Me Halidou Ouédraogo, comment avez- vous accueilli les conclusions de l’enquête sur le crash de l’avion d’Air Algérie du 24 juillet 2014 ? Me Halidou Ouédraogo : Ce que l’affréteur du vol AH 5017 a annoncé comme révélation, ne le sont pas pour nous association des parents des victimes et l’ensemble des personnes qui ont perdu leurs parents dans ce crash crapuleux. Parce que une semaine même après le crash, à l’aéroport de Ouagadougou, devant le bureau d’enquête, nous avons annoncé que les conditions de vol n’étaient pas idoines. D’abord, l’avion avait changé de plan de vol. Deuxièmement, l’équipage était fatigué. Troisièmement, l’avion venait de Paris, c’était le même qui avait même failli crasher… Plus tard, nous avons même montré que les pilotes n’étaient même pas aptes à opérer ces vols parce qu’ils étaient à la retraite. Ce qui vient d’être confirmé. Or à l’époque, ils nous l’avaient caché, ils avaient louvoyé avec nous. En tout état de cause, nous sommes écœurés devant cette catastrophe. Nous l’avons dit au moins à quatre reprises pendant nos assemblées générales, pendant nos congrès, que nous entendons poursuivre Air Algérie l’affréteur, pour qu’effectivement ils ne puissent pas se jouer de la vie des passagers de cette façon. Certains ont pensé que les conclusions de cette enquête permettront enfin aux familles de faire définitivement le deuil de leurs proches qui ont péri dans ce crash, est- ce votre opinion ? Tout le monde ne peut pas faire un deuil de ce genre… Nous sommes en train effectivement de construire une stèle de souvenir de ces premiers martyrs du Burkina Faso de l’année 2014 dans notre pays. Mais c’est un ensemble de situations qui peut aider à consoler les familles. La république du Mali a refusé de restituer les restes non identifiables de nos parents. Voilà un ensemble de situations qui nous mettent en colère et qui nous font redoubler de douleur et faire dire en tout cas qu’il faut qu’ils nous remettent les restes non identifiables de nos proches pour que nous puissions effectivement faire le deuil. Pourquoi les autorités maliennes refusent- elles de vous remettre les restes de vos proches ? Allez donc savoir ! Nous avons emprunté plusieurs chemins pour aller interpeller les autorités maliennes. Moi qui vous parle, j’ai conduit l’espace d’interpellation démocratique du Mali à cinq reprises, pour la démocratie, le respect de la vie au Mali, le respect du peuple malien. Il n’est pas normal que les autorités maliennes qu’on connait très bien se comportent de cette manière- là. Il faut qu’elles répondent à cette question et qu’elles s’exécutent sans tarder. Me Halidou Ouédraogo, qu’est-ce qu’il vous faut pout faire le deuil de vos proches qui ont perdu la vie dans ce crash ? D’abord, il faut les restes non identifiables de nos parents, il faut que justice soit rendue, que ces marchands de mort soient punis comme il faut, ensuite, que nos autorités prennent des dispositions au niveau de nos infrastructures pour leur fiabilité pour ne pas accepter n’importe quel coucou dans notre ciel. On a même à l’époque souligné que c’était en zone dangereuse. Et ce qu’ils n’ont pas dit, le pilote et son co-pilote qui ont procédé au chargement de l’avion, ce n’est pas de leur ressort. Ce sont eux qui ont changé de plan de vol. Ce n’est pas de leur ressort. Mais ils ont fait tout cela, et nous n’avons que nos yeux pour pleurer.
Interview réalisée par Samuel Somda Vos réactions (5) |