« Les OSC n’ont pas vocation à aller au gouvernement … », Ismaël A. Diallo, porte-parole du FRCIsmaël A. Diallo est un observateur averti de la scène politique nationale. Porte-parole du Front du renforcement de la citoyenneté (FRC) depuis fin 2014, ce septuagénaire a construit l’essentiel de sa carrière de diplomate dans le système des Nations Unies. En 1982, il est affecté à Ouaga pour ouvrir le Centre Régional d’information des Nations Unies. Puis arrive la Révolution. Il tisse des liens d’amitié très forts avec les premiers dirigeants de la Révolution, notamment Thomas Sankara puis Blaise Compaoré. Dans l’entretien qui suit, il revient sur son rôle pendant cette période, ses tentatives de conciliation entre les deux amis que la gestion du pouvoir a mis à l’épreuve au fil des années. Actualité oblige, il revient largement sur les élections passées, les chances de succès du nouveau pouvoir, ses craintes et appréhensions. On ne pouvait pas non plus passer sous silence la situation au Burundi, un pays qu’il connait bien pour y avoir résidé comme Représentant des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et l’Etat de Droit. Mutations : Le Burkina vient d’organiser ses élections couplées et tout le monde s’accorde pour dire qu’elles se sont bien déroulées. Comment avez-vous vécu cette expérience démocratique en tant qu’acteur important de la société civile ? Ismaël A. Diallo :Les élections passées ont été l’occasion d’une expérience exaltante car l’espoir et la peur se côtoyaient ; la volonté -ferme- des Burkinabè de relever les défis et faire mentir les sceptiques a produit des élections tout à fait convenables. Nous avons, encore une fois et ensemble, donné la mesure de notre capacité à mériter le Burkindi. Vous dites que l’espoir et la peur se côtoyaient lors de ces élections. Quelles étaient vos appréhensions ? Certains acteurs de la vie politique et syndicale ont appelé au boycott des élections. Selon eux, le système électoral ne permet pas de faire aboutir des réformes radicales de transformations de nos sociétés et de préserver l’indépendance vis-à-vis des puissances impérialistes. Quelle lecture faites-vous de cette posture ? Le candidat élu est passé dès le premier tour de l’élection. Comment expliquez-vous sa performance là où beaucoup pensaient qu’il y aurait nécessairement un second tour ? Le MPP avait à l’évidence la machine électorale la plus performante, en personnel et en "moyens" comme on dit. Cette victoire de Roch Kaboré et du MPP consacre le retour des anciens caciques du parti de Blaise Compaoré au pouvoir. Dans d’autres pays également comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, etc. ce sont d’anciens dignitaires au pouvoir que les électeurs ont porté au pouvoir. On a l’impression que la majorité des électeurs africains ont tendance à accorder une prime aux anciens dirigeants. Comment peut-on expliquer cette tendance ? On peut donc avoir un bon programme politique et rester inaudible auprès des populations. Dans ce cas, on n’est pas à la veille de vrais projets de rupture au pouvoir car généralement leurs promoteurs n’ont pas assez de moyens et n’ont pas une expérience du pouvoir. Selon vous, quelles actions phares doivent poser rapidement les nouveaux dirigeants pour marquer réellement la rupture avec l’ancien système de Compaoré ? Dans ce sens, quel doit être le profil du nouveau Premier ministre ? Avec les qualités que vous énumérez pour le poste de premier ministre, voyez-vous un homme ou une femme politique du sérail politique actuel pour l’incarner ? Je ne citerai aucun nom évidemment, mais il y a avec certitude une femme ou un homme qui répond à ce profil. Les alliances sont en discussion entre le MPP et d’autres partis pour former une majorité parlementaire. Ne craignez-vous pas que ces alliances grèvent les postes ministériels ? Salif Diallo, le 1er vice-président du MPP, appelle à la formation d’un gouvernement d’alliance populaire, y compris avec les Organisations de la société civile (OSC). Le Front de résistance citoyenne (FRC) dont vous êtes le porte-parole est-il prêt à en faire partie ? Etes-vous disposé à répondre à l’appel si le président vous proposait le poste des Affaires étrangères quand on sait que vous connaissez bien la scène internationale pour avoir été longtemps un diplomate de formation et de carrière ? Pourquoi êtes-vous sceptique sur l’éventualité qu’on vous fasse appel au gouvernement ? Au cours de la Transition, de nombreuses réformes ont été faites. Lesquelles méritent d’être poursuivies ou appliquées par le nouveau régime ? Tout le monde est d’accord pour qu’on passe à une 5ème République. Comment voyez-vous le schéma de ce passage à une nouvelle République ? Comme l’a expliqué le président élu : passer à la 5ème République au cours du premier trimestre par l’explication pour obtenir l’adhésion de (presque) tous. De quelles instances qui ne refléteraient pas la diversité culturelle et civilisationnelle de notre pays parlez-vous ? Que pensez-vous de la proposition de création d’un Haut Conseil de sages pour l’unité et la cohésion nationale ? Comment doit-on choisir ses membres ? Il faut repenser la question : que veut-on vraiment ? Qu’est-ce que "l’unité nationale" ? Que met-on dans le sens de "cohésion nationale" ? Il faut s’extirper de la cage dans laquelle certains compatriotes se sont enfermés ; au point de ne même plus se rendre compte du grand écart qu’ils créent dans les initiatives, nominations, décisions de portée nationale, et entre nos groupes culturels et sociaux. Une vision et habitude ethnocentriques et régionalistes sont forgées -comme si de rien n’était- , qui nous éloignent les uns des autres, faisant naitre des frustrations pour l’heure susurrées, murmurées ; au détriment de la cohésion nationale qu’on veut créer et consolider par ailleurs. J’entends déjà pousser de grands cris, voire des cris de guerre ! M’accusant d’inciter à la division, jurant que rien de ce que je suggère n’a le moindre début de fondement. Je suis habitué à paraitre l’oiseau de mauvais augure ... avant que l’alerte se transforme en fait têtu. Serez-vous candidat aux élections municipales à venir dans la vôtre ville de Dori ? Le Burkina a commémoré le 17ème anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo le 13 décembre dernier. L’évolution du dossier vous satisfait-elle ? Elle sera satisfaisante quand toute la vérité sera dite et que la justice sera appliquée. En tant qu’ancien proche de Sankara, comment voyez-vous l’évolution de son dossier judiciaire ? Gilbert Diendéré a été inculpé dans le dossier Sankara pour complicité d’assassinat. Ce qui présage d’une probable inculpation de Blaise Compaoré qui est réfugié en Côte d’Ivoire. Le nom de Guillaume Soro revient également avec insistance dans le dossier du putsch de septembre dernier. Avec toutes ces affaires, comment voyez-vous les relations entre le Burkina et la Côte d’Ivoire dans les mois à venir ? Le président RMCK a déclaré qu’il n’y a pas de problème entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ; c’est vrai pour l’heure, mais il nous faudra connaitre la vérité sur l’implication -ou non- de certaines personnalités ivoiriennes dans le coup d’Etat de septembre passé. Si rien n’est avéré, tant mieux ; si les allégations venaient à être confirmées, les personnes incriminées devront répondre de leurs actes. Il ne faut pas que cette question reste sans réponse ; elle doit être élucidée. Mon rôle n’a pas été plus important que celui de beaucoup d’autres camarades et sympathisants ; des archives existent sur les contributions des uns et des autres ; pas pour tous probablement ; les miennes existent à l’exception de trois écrits rédigés dans l’avion ; j’avancerai quelques petits exemples : j’ai suggéré à Thomas de placer une étoile OR (pas jaune) sur le drapeau, d’autres ont fait de même peut-être ; j’ai également suggéré de remplacer les insignes/"barrettes" désignant les grades des militaires par des étoiles (le Front populaire s’est empressé d’abandonner les étoiles pour revenir aux insignes anciens) ; en outre l’établissement pour les soldats de carnets médicaux pour obtenir des médicaments dans les pharmacies, plutôt que d’arpenter les rues de Ouaga à vélo avec une ordonnance à la main à la recherche du Bon Samaritain ; l’importance pour le PF d’être à l’heure aux cérémonies, remarque faite après le grand retard accusé à la célébration de la fête de l’Armée le 1er novembre 1983 ; il s’est d’ailleurs fait représenter par Blaise ce jour-là ; Je précise que bien d’autres suggestions n’ont pas prospéré ; parce qu’elles étaient considérées osées ou prématurées ; comme repenser la politique carcérale ou comment alphabétiser (presque) tous les Burkinabè le plus rapidement possible. En octobre 1987, vous avez tenté une médiation pour rapprocher Thomas et Blaise. Qu’est-ce qui les opposait fondamentalement pour provoquer une telle crise entre eux ? Qu’est-ce qui a fait échouer votre médiation ? Quel portrait pouvez-vous dresser de ces deux personnages historiques de la Révolution ? La situation au Burundi se dégrade mois après mois. Des massacres ont été perpétrés ces derniers jours. En tant qu’ancien représentant des Nations Unies pour les droits de l’homme et de l’Etat de Droit (Human Rights & Rule of Law), comment expliquez-vous la résurgence de la violence dans ce pays ? La bêtise humaine tout simplement car il n’y a aucune explication sensée, intelligente. Une débauche de violence idiote, un recours aux meurtres et assassinats dans une fuite en avant imbécile. Devant l’impuissance des pays de l’Afrique de l’Est et de l’Union africaine, ne faut-il pas déployer une force d’intervention des Nations Unies sur le terrain pour stopper la spirale de la violence contre les populations civiles ? Une force des N.U. de surcroit "d’intervention" est fastidieuse à mettre en œuvre, avec des résultats souvent aléatoires ; plusieurs centaines voire des milliers de morts auraient été comptés avant ; les forces des N.U. pêchent par des mandats restrictifs, obligeant le soldat à rester l’arme au pied ; au demeurant, le président burundais s’oppose à l’arrivée d’une force ; il constitue l’obstacle principal pour un retour à la paix civile ; Il faut, hélas ! attendre que la raison revienne, mais quand et à quel coût ? Comme beaucoup de ses prédécesseurs, Nkurunziza s’est enfermé dans une logique qui lui sera fatale. Il n’abandonnera le pouvoir que contraint et forcé. Interview réalisée par Idrissa Barry |
Vos commentaires
1. Le 22 décembre 2015 à 03:21, par Podio En réponse à : « Les OSC n’ont pas vocation à aller au gouvernement … », Ismaël A. Diallo, porte-parole du FRC
Merci Mr DIALLO
Il y a des gens qui ont milité dans les OSC et après pensent que maintenant le moment est venu d’aller à la table du Roi !!!!!
Il faut avoir une ligne de conduite en tout et non se comporter comme des girouettes
2. Le 22 décembre 2015 à 07:49 En réponse à : « Les OSC n’ont pas vocation à aller au gouvernement … », Ismaël A. Diallo, porte-parole du FRC
M Diallo. en fait les gens vous comprennent depuis la création du FRC.l’objectif etait daccolpagner zeph a Kosyam.seulement vous avez oublié que les gens ne sont pas betes.on vs voyait tapis dans l’ombre avec le pcrv.mais heureusement votre génération est au soir de votre vie.
3. Le 22 décembre 2015 à 08:52, par nikemsongo En réponse à : « Les OSC n’ont pas vocation à aller au gouvernement … », Ismaël A. Diallo, porte-parole du FRC
Une froide analyse qui force le respect
4. Le 22 décembre 2015 à 09:37, par jan jan En réponse à : « Les OSC n’ont pas vocation à aller au gouvernement … », Ismaël A. Diallo, porte-parole du FRC
Belle analyse, que les "OSC" s’en inspirent. Surtout ces temps-ci, aucunes OSC n’avaient réagit sur les dérapages de m’ba Michel. A mon grand soulagement, j’ai vue ce matin que des OSC de Bobo avaient enfin réagit, il manque celles de Ouaga.
5. Le 22 décembre 2015 à 16:21 En réponse à : « Les OSC n’ont pas vocation à aller au gouvernement … », Ismaël A. Diallo, porte-parole du FRC
Mr. Diallo semble s’y connaitre en droit de l’homme ( vu son CV). Au lieu de conseiller Sankara sur les epaulettes militaires ou autre, il nous aurait ete plus utile s’il lui avait donne des conseils sur le respect des droits humains et de la vie humaine.