Conflits fonciers au Burkina Faso : vivement le « sur sceau » salvateur de l’Etat !La récurrence des conflits fonciers est un fait au Burkina Faso à l’instar de nombreux pays africains. En effet, si les périodes qui ont suivi la crise des prix alimentaires en 2007 ont vu se produire une ruée vers les terres agricoles suscitant dans la foulée l’apparition du concept d’« accaparement des terres », il convient de souligner que les sources et la nature des conflits en matière foncière sont diverses. Des querelles entre agriculteurs et entre agriculteurs et éleveurs du fait de l’accès et de l’utilisation fortement compétitifs du foncier et des ressources naturelles en milieu rural aux profondes discordes liées aux lotissements et à l’habitat en milieu urbain et périurbain, ce sont autant de conflits liés au foncier. L’on en appelle à la responsabilité de l’Etat quant à la sécrétion concertée de mécanismes efficaces de gestion foncière avec l’ensemble des acteurs ; les « vrais » acteurs. Il convient de noter que la question foncière, qui n’est d’ailleurs pas nouvelle, est de plus en plus au cœur de l’actualité, notamment depuis 2007 où l’acquisition de terres à grande échelle dans les pays en développement a considérablement évolué du fait de la crise des prix alimentaires. Elle mobilise des acteurs locaux, à savoir des agriculteurs, des éleveurs nomades mais aussi de nouveaux acteurs qui ont découvert en la terre un véritable moyen de sécurisation d’investissements. Les acquisitions privatives de l’espace par les nouveaux acteurs est, en cela, en nette progression. Les populations locales, en majorité rurales ou devenues urbaines du fait des remembrements, tirent également leurs moyens d’existence de la terre à travers l’agriculture et les ressources naturelles renouvelables tout en y déposant légitimement leurs habitats renforçant ainsi une certaine pression foncière. Notons que la forte demande sociale en matière d’accès à la terre, perceptible du fait de la croissance démographique ainsi que les conflits qui en découlent, suscitent des interventions de l’Etat dans la gestion du foncier au Burkina Faso. Des interventions qui paraissent parfois quasi conjoncturelles tant les conflits semblent ressurgir sous d’autres formes au fil des années. Des textes épars d’après les indépendances sur le foncier jusqu’à l’actuelle loi n° 034-2012/AN du 02 juillet 2012 portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) qui a justement abrogé la loi antérieure n° 14/96/ADP du 23 mai 1996 portant elle aussi RAF, ce sont autant de dispositifs juridiques qui ont régi ou continuent de régir la terre au Burkina Faso. Des conflits multiformes relatifs au foncier et aux ressources naturelles ont cependant de tout temps persisté sous des formes aiguës. En août 2007 une Politique Nationale de Sécurisation Foncière en Milieu Rural (PNSFMR) est adoptée comme pour traduire la volonté de l’Etat de réguler définitivement l’accès au foncier et de sécuriser les droits fonciers en termes de prévention de conflits. En effet, cette politique s’est voulue participative (comme le veulent les standards internationaux) au regard des acteurs ayant pris part à son élaboration à savoir les organisations de producteurs, de femmes, les autorités coutumières et religieuses, les maires, l’administration déconcentrée et décentralisée, le secteur privé agricole. Elle a même suscité l’adoption des lois n°034-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural et 034-2012 précitée. Cependant il faut craindre que l’implication de certains acteurs ne soit faite pour légitimer formellement, aux yeux de l’opinion nationale et internationale, l’adoption d’une politique foncière qui serve en réalité les intérêts du seul Etat ou du moins des intérêts inavoués se camouflant derrière l’institution étatique. Le piège de l’ethnocentrisme sont réels. En outre, il n’est pas rare de constater sur le terrain un certain nombre de comportements susceptibles de créer des conflits sociaux. Il faut dire que certains invoquent la propriété étatique de la terre pour espérer un meilleur accès à la terre quand d’autres considèrent que si la terre appartient à l’État, c’est qu’elle appartient à tous. Les populations locales, elles, dénoncent naturellement le monopole foncier étatique au regard de la légitimité de leurs droits fonciers endogènes. Et que dire des collectivités locales qui mettent en avant leurs prérogatives de puissance publique pour disposer des terres au nom de « l’intérêt général » ? En témoigne le cas de Nioko II. Sur ce dernier aspect, il convient de souligner que la RAF définit les terres des collectivités territoriales à l’instar de celles de l’Etat central. Ces démembrements de l’Etat sont dotés de droits réels sur l’espace au niveau local de sorte qu’ils sont des relais de la gestion hégémonique du foncier par l’Etat. A l’image de l’Etat, celles-ci disposent légalement de grandes prérogatives sur les terres au détriment des populations locales et de leurs entités de gestion foncière. En tout état de cause, la cohésion sociale et territoriale est confrontée à la réalité de l’existence de droits coutumiers qui ne doivent pas être ignorés par le législateur qui justifie son intervention dans la question foncière par la bonne gestion des demandes sociales et les conflits. La terre se veut dans nos sociétés lignagères un élément d’identité et de reproduction sociale. Elle permet ainsi de qualifier, d’identifier une communauté (la terre de telle ou telle famille ou clan, ou encore tribu). Elle est, somme toute, le patrimoine commun d’une communauté qui espère améliorer son quotidien à travers les diverses activités pouvant s’y mener et l’utilisation des ressources naturelles. Par ailleurs, la gestion du foncier au niveau local à une échelle nationale pose le problème de légitimité et surtout de capacité des acteurs locaux quant à une meilleure utilisation des espaces et même des ressources. L’intégration des pratiques locales dans un cadre légal est une condition de l’acceptabilité du dispositif juridique de gestion du foncier au niveau local. L’adoption de règles de gestion du foncier gagnerait à intégrer les pratiques locales qui survivent aux générations et aux individus. L’adoption en amont de coutumiers juridiques par exemple aurait probablement rendu plus efficiente la prise en compte des acteurs locaux du foncier dans l’adoption de la politique foncière. Une codification ou même une identification complète des systèmes endogènes de gestion foncière pourrait nous éviter d’autres conflits même s’il faille donner le choix aux uns et aux autres quant à leur utilisation. Mamoudou BIRBA |
Vos commentaires
1. Le 18 janvier 2015 à 08:54, par Fab En réponse à : Conflits fonciers au Burkina Faso : vivement le « sur sceau » salvateur de l’Etat !
Belle plume ! la question est vraiment sensible et l’on se demande quelle est la portée des manoeuvres juridiques actuelles. le passage de domaine foncier de l’Etat au domaine foncier national a t-il été efficace ? la tenure foncière actuelle, est-elle respectueuse des droits acquis ? autant de questions.
2. Le 18 janvier 2015 à 09:16 En réponse à : Conflits fonciers au Burkina Faso : vivement le « sur sceau » salvateur de l’Etat !
Merci Monsieur BIRBA.
"A l’analyse, cette intervention étatique a probablement, et ce serait dommage, écarté les droits fonciers endogènes de certaines populations autochtones". Je souscris parfaitement à cette analyse situationnelle du foncier burkinabé.
Si l’État ne fait rien, bonjour le far-west.
3. Le 18 janvier 2015 à 16:54, par Alexis En réponse à : Conflits fonciers au Burkina Faso : vivement le « sur sceau » salvateur de l’Etat !
Bravo Woody. Très belle interpellation.
4. Le 25 janvier 2017 à 19:06, par Souleymane Namassa En réponse à : Conflits fonciers au Burkina Faso : vivement le « sur sceau » salvateur de l’Etat !
Belle réflexion monsieur BIRBA,
la question foncière est effectivement un sujet d’actualité très sensible, l’ignorance ou le manque de considération de l’autorité étatique relativement aux us et règles coutumière constitue un réel handicape pour l’harmonisation foncière sur toute l’étendue du territoire Burkinabé. Il serait envisageable d’impliquer les chefs et notables coutumiers dans la réglementation du domaine foncier national comme l’a été le cas au Niger ou les chefs traditionnels sont aujourd’hui président des commissions foncières de base placées au niveau de chaque village et tribu. Il serait également très interesant d’envisager la mise en place du titre sécurisé simplifier proposer par Maître Abdoulaye Harissou, notaire camerounais !!