« Les Zéros-morts » : Le CITO joue sur la face hideuse de l’immigrationL’océan avale chaque jour hommes, femmes et enfants qui vont à la conquête d’un ailleurs inconnu. Des scènes de noyade devenues presque des habitudes. Des milliers de morts oubliés. Des morts pour rien. « Les zéros-morts », C’est la pièce de théâtre, la réalité sur laquelle le Carrefour international du théâtre de Ouagadougou a décidé de jouer. La première a eu lieu ce 7 janvier. La pièce a été primée meilleur spectacle 2014 en Allemagne dans la région de Thüringen. La scène commence dehors devant le CITO, au « maquis l’insurrection », ouvert pour l’occasion. Alors qu’il est 20h et que les spectateurs attendent l’ouverture des portes, des voix s’élèvent. C’est le début de ce pourquoi les gens sont là. C’est un clin d’œil au président Sankara, « oser lutter savoir vaincre » scandent les acteurs, avant qu’une actrice n’invite la public à le suivre. Entrée gratuite pour cette première.
Une jeune dame pleure la mort de son fils, avalé par l’océan. Elle ne comprend pas. Elle accuse tout ce qui est blanc d’en être la cause. Comment peut-on refuser le papier à son fils pour voyager alors que son père est allé combattre pour eux, jusqu’à en mourir ? Elle s’en prend avec véhémence à un « toubab ». « Non » rétorque ce dernier, nous sommes tous victimes du système. Lui non plus ne comprend pas que son pays qui pille l’Afrique, qui a profité honteusement de l’esclavage pour se développer, ferme hermétiquement ses portes. Plus que du théâtre, un récit fidèle de l’actualité
« Les Zéros morts » est le fruit de la collaboration entre le Burkinabè Paul Zoungrana, auteur de la pièce et l’Allemand Bernhard Stengele qui en est le metteur en scène. Sa réalisation a nécessité des recherches. A Lampedusa (l’une des iles où beaucoup de réfugiés échouent) pour rencontrer les autorités, les réfugiés, mais aussi dans d’autres camps d’immigrés clandestins à la rencontre d’acteurs et immigrés d’Afrique de l’ouest, de Syrie, Somalie, Iran, Soudan. « On a voulu que ce projet ne soit pas juste une simple pièce de théâtre où nous parlons de la question des clandestins, on a voulu aussi passer des informations touchantes, de l’actualité pour aussi permettre à nos frères qui sont là, de comprendre que la plupart de ceux qui partent par les voies illégales souffrent » précise l’auteur Paul Zoungrana. C’est aussi une interpellation aux pays occidentaux à alléger les conditions, pour arrêter le massacre organisé. « (…) si le voyage en bateau est pour ces personnes la seule façon d’espérer, je crois que leur mort en mer doit être pour l’Europe un sujet de honte et de déshonneur », lance désespéré le maire de Lampedusa dans une lettre ». Tiga Cheick Sawadogo |