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Guerre civile : L’Afrique dans le four du Darfour

jeudi 10 mars 2005.

 

Pendant combien de temps le four du Darfour restera-t-il encore incandescent ? Il y a certainement encore du pain sur la planche soudanaise, tant le four est généreusement alimenté par un feu allumé par la bêtise humaine depuis février 2003.

Les plus optimistes trouveront difficilement l’issue que pourrait emprunter cette guerre civile qui a pour théâtre l’ouest du Soudan. Selon l’Organisation des Nations Unies, ce conflit, ou cette crise humanitaire pour rester dans le langage onusien, a fait plus de 70 000 morts et 1,6 million de réfugiés ou déplacés.

Si Washington qualifie l’enfer soudanais de génocide, les Nations Unies la dépeignent comme un crime de guerre, alors que l’Union africaine et son président en exercice, Olusegun Obasanjo, cherchent toujours "activement les moyens de punir les responsables des violations des droits de l’homme au Darfour". Et pendant qu’on disserte vainement sur le sexe de cette crise et que la guerre des concepts fait rage, l’autre guerre véritable sur le terrain continue de se nourrir du sang de milliers de Soudanais.

Dans ce show médiatique où les puissants de ce monde et l’ONU tentent de s’ériger en défenseurs de la veuve et de l’orphelin, les Janjawid, militaires et milices de pillards arabes, avancent allègrement dans leur oeuvre de nettoyage ethnique. L’implication du gouvernement de Khartoum aux côtés de ceux-ci a été clairement démontrée.

Pire, le pouvoir soudanais s’oppose à toute intervention extérieure pouvant stopper cette marche inexorable de la violence. Khartoum brandit comme arme de chantage la remise en cause des accords de paix signés entre le pouvoir et les rebelles de John Garang. L’incapacité manifeste des gendarmes du monde à éteindre ce foyer ne trouve son explication que dans leur désintérêt pour cette région qui ne regorge pas de pétrole contrairement au Sud. C’est encore la preuve irréfutable que seuls les intérêts matériels sont les repères inamovibles des grands de la planète.

Peut-on, dans ce cas, contredire Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission de l’Union africaine qui accuse ceux qui prétendent oeuvrer pour le retour de la paix aux Darfour, de parler plus qu’ils n’agissent ? Peut-on encore s’interdire de reconnaître cette forme d’humanisme à deux vitesses qui fait de l’Afrique un continent peu ou pas du tout aidé quand il est confronté à des difficultés de tous genres ? Les dons et aides inestimables qui ont plu après les derniers raz-de marée en Asie ne font que conforter dans leur position, ceux qui estiment que l’émancipation de l’Afrique ne peut venir d’ailleurs.

En butte à des tsunamis quotidiens qui ont, entre autres noms pauvreté endémique, paludisme, Sida, commerce inéquitable, pillage de ressources minières, humaines et même culturelles, les pays africains n’obtiennent que des miettes d’aide et au mieux des promesses rarement tenues. Pendant ce temps, les comptes financiers des aides d’après tsunami en Asie, sont plus qu’excédentaires.

Alea jacta est. C’est à cette conclusion qu’on parviendrait car la messe est vraiment dite pour l’Afrique, si elle-même refuse de prendre son destin en charge. Pourquoi les Etats-Unis qui ont réussi à aplanir un différend vieux de plusieurs d’années entre le pouvoir central et les rebelles sudistes soudanais ne se décident-ils pas à faire cesser les violences à l’Ouest du même pays ? Pourquoi les autres puissances militaires et économiques de ce monde ne s’investissent-elles pas pour ramener la paix au Darfour ? Pourquoi l’ONU ne prend-elle pas la décision courageuse de rétablir la balance des droits de l’homme qui penche dangereusement du mauvais côté au Soudan ? La réponse est claire : le jeu n’en vaut pas la chandelle pour tous ces acteurs.

En effet, en dehors des retombées morales qui ne sont plus une vertu dans le monde de nous autres humains, il n’y a pas autre récompense à engranger du côté du Darfour. Du reste, quelques milliers d’Africains qui souffrent et perdent la vie, cela ne saurait perturber le sommeil de George Bush qui par contre est prêt à rétablir, selon Washington, la démocratie en Irak. Quel qu’en soit le prix. Pourvu que les intérêts dont regorgent les puits de pétrole irakiens puissent être sauvegardés.

Au lieu de pleurnicher sur leur sort et se remettre entre les mains des Occidentaux pour ramener la paix et faire décoller économiquement l’Afrique, les Africains doivent changer leur fusil d’épaule. Dans plusieurs crises naissantes dont la dernière en date est celle du Togo, les Africains, sous la bannière de l’Union africaine ou de la CEDEAO et sous l’impulsion de certains chefs d’Etat, ont su faire montre de leurs capacités de réaction rapide. A moins d’être des sadomasochistes indécrottables, les Africains doivent faire face à la réalité en vue de s’éloigner définitivement du duvet de jour en jour très inconfortable du paternalisme occidental. Le combat sera sans doute de longue haleine mais il faut s’y essayer.

Le Pays