Direction générale de l’Unesco : Le Sud, une fois encore, « perd le Nord ».Il a fallu attendre la fin de cette journée du vendredi 4 octobre 2013 pour savoir. Savoir que, cette fois encore, le Sud avait « perdu le Nord ». J’ai n’ai pas d’affection pour ces bureaucraties parasitaires que sont les institutions internationales. J’y suis totalement allergique dès lors qu’elles revendiquent une mission « humanitaire ». Au sein des institutions de la nébuleuse des Nations unies, elles sont légion. L’Unesco y occupe une place particulière. Rien que par son intitulé : « Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture ». Autrement dit : « Contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde en resserrant par l’éducation, la science, la culture et la communication, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». Cette organisation emploie environ 2.000 personnes et dispose d’un budget de plus de 500 millions de dollars (elle a perdu, en 2011, son plus gros contributeur, en l’occurrence les Etats-Unis, soit 22 % de son budget, dès lors que la Palestine en est devenue le 195ème membre à part entière). 2.000 personnes qui bossent, avec un budget de 250.000 dollars par tête, ce n’est pas négligeable. On doit bien en voir les résultats quelque part. Mais depuis près de cinquante ans que je trimballe ma carcasse entre Tropique du Cancer et Tropique du Capricorne, j’avoue n’avoir pas été subjugué par les réalisations de l’Unesco. Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient, Asie, j’ai rencontré plus d’un « fonctionnaire international », formaté Unesco, transpirant dans son costume dès lors qu’il mettait le nez hors de l’hôtel ou de son 4 x 4 haut de gamme climatisés ; mais jamais un authentique « chef de chantier » capable de changer durablement la donne sur le terrain. Chaque année, ce sont des centaines de conférences, des milliers de missions, une flopée de publications que personne ne lit… qui occupent une armée de directeurs et de consultants extérieurs (les frais de personnel représentent plus de 60 % du budget) ; c’est aussi un clientélisme érigé en mode de production pour ne pas dire de corruption (via notamment l’instauration des « prix » patronnés par des chefs d’Etat). L’Unesco est un modèle de… gabegie. Dramatique quand on a vocation à éduquer et cultiver les peuples, deux des fonctions les plus nobles de l’humanité. La direction générale de l’Unesco s’est jouée, à Paris, où se trouve son siège, en cette fin de journée du vendredi 4 octobre 2013. Trois candidats. La directrice générale sortante : la Bulgare Irina Bokova, le Djiboutien Rachad Farah, le Franco-libanais Joseph Maïla. 58 voix devaient s’exprimer ; 30 voix suffisaient pour être élu dès le premier tour. Bokova en a décrochées 39. Déception pour Rachad Farah qui n’en obtient que 13 tandis que Maïla, candidat de raccroc, peut revendiquer six soutiens ! En 2009, Bokova l’avait emporté face à un Egyptien, Farouk Hosni. Cette année, elle l’emporte encore face à un candidat du Sud, Africain et musulman. Malgré un bilan particulièrement controversé et une gestion décriée par la Cour des comptes (l’Unesco ayant son siège en France, la Cour des comptes française a vocation à mettre le nez dans les siens). Malgré une campagne sensible et intelligente menée par Rachad Farah qui s’était exprimée notamment à travers un ouvrage dont j’ai eu l’occasion de dire tout l’intérêt (cf. LDD Nations unies 029/Mardi 4 juin 2013). Rachad Farah était, d’abord – mais pas exclusivement – le candidat du monde arabo-africain (cf.LDD Nations unies 028/Mercredi 20 mars 2013). Il n’est pas certain que lorsque le décompte sera fait tout le monde ait joué le jeu auquel il s’était engagé. Et c’est dommage. Car Rachad Farah avait un positionnement « Sud ». Qui n’était pas qu’africain ou arabe. « Si nous voulons que cette organisation reste active pendant encore 70 ans [l’âge qu’elle aura en 2015], ses objectifs doivent être concentrés autour des défis auxquels le Sud doit faire face. Si les pays du Sud sont prêts à s’approprier ces objectifs, si nous renforçons la présence de l’Unesco sur le terrain – en particulier dans le Sud – mais aussi sa capacité à tenir des dialogues sur la paix et la civilisation, elle redeviendra un lieu d’échanges, d’expertise et de réflexion entre les scientifiques, les experts et les dirigeants politiques, devenant ainsi un véritable laboratoire d’idées ». Mais, ajoutait-il aussitôt, « ces échanges ne doivent pas rester au stade des mots, mais se traduire en programmes sur le terrain. Ce sont des gens du Sud qui sauveront l’Unesco plutôt que l’inverse, parce que sans le Sud, l’Unesco est vouée à disparaître. Je le crois sincèrement ». * Il y a quarante ans, en Afrique comme en Europe, le titulaire du CEP trouvait un emploi où il pouvait s’exprimer et évoluer ; aujourd’hui, pour s’intégrer significativement dans la vie active d’un pays, il faut maîtriser bien plus que la lecture, l’écriture, le calcul et un certain nombre de gestes techniques. Jean-Pierre BEJOT |
Vos commentaires
1. Le 7 octobre 2013 à 15:57 En réponse à : Direction générale de l’Unesco : Le Sud, une fois encore, « perd le Nord ».
Je partage le point de vue de Jean-Pierre BEJOT à propos de l’UNESCO.
2. Le 8 octobre 2013 à 04:31, par Poulet basquaise En réponse à : Direction générale de l’Unesco : Le Sud, une fois encore, « perd le Nord ».
Nous avons le même avis sur cette appendice inutile qu’est l’Unesco, autant dans ses interventions que dans ses insuffisances humanistes. Quel abîme, entre ma perception du terrain et les mondanités diplomatiques qui insultent la précarité des deux tiers de la planète ...
Le 8 octobre 2013 à 11:51 En réponse à : Direction générale de l’Unesco : Le Sud, une fois encore, « perd le Nord ».
C’est bien dit mais fusse-t-il que les habitants du Sud se valorisent et se soutiennent en de circonstances pareilles.
3. Le 25 octobre 2013 à 12:03, par Doua En réponse à : Direction générale de l’Unesco : Le Sud, une fois encore, « perd le Nord ».
Merci à JP. Bejot pour cette pertinence du constat. Il est en effet très dommageable pour l’Afrique, dans les différentes institutions internationales, même celles dont elle s’est dotée, de se comporter, à travers ses diplomates en tous genres, comme un continent le moins déterminé et le moins porteur d’ambitions réelles, à l’instar des autres continents. Les retards historiques du continent continueront de le faire plonger dans les abîmes de l’obscurantismes avec tous les effets que cela suppose. La diplomatie de l’Afrique qui ressemble à un jeu de quilles, doit mettre fin au mimétisme de la chemise blanche qui en dit long sur la pertinence du fauteuil qu’on occupe et de l’expertise qui est dévolue aux missions des diplomates, ainsi que des décisions concrètes qui devraient les accompagner pour le changement. dans l’éducation, la culture et les savoirs. La vertu de l’émergence ne réside pas dans son incantation en toutes circonstances. Émerger dans les savoirs, la maîtrise de notre environnement et l’usage efficient de tant d’énergie pour des batailles qui inscrivent enfin un continent qui s’oublie dans l’Histoire, voilà qui me semble, ce qui mérite d’être pensé et mis en oeuvre par nos diplomates, à l’UNESCO et partout ailleurs.
Mettons-nous enfin au travail, avec intelligence et esprit de suite pour ce continent à la dérive par tant de simagrées.