François Lonsény Fall et la promesse de la « renaissance » de la diplomatie guinéenne (3/3)François Lonsény Fall a pris ses fonctions de ministre des Affaires étrangères le lundi 15 octobre 2012 en présence (une première dit-on à Conakry) de la présidente du Conseil national de transition (CNT), Rabiatou Serah Diallo. Comme si personne n’avait assumé cette tâche depuis qu’il avait quitté la tête de la diplomatie guinéenne le 1er mars 2004. D’emblée, il a affirmé être là « pour reprendre en main » ce département, « redorer l’image de la Guinée dans le monde et assurer son retour sur la scène internationale », « engager une série de réformes en vue d’une plus grande rationalité et efficacité ». Il a dénoncé « la vétusté, le délabrement et l’exiguïté des locaux, le manque de ressources financières, la pléthore des effectifs, la sédentarisation et la non professionnalisation des agents, la démotivation du personnel, notamment au niveau du département central, l’annulation des arriérés dans les missions diplomatiques et consulaires », autant de « maux qui gangrènent et paralysent notre appareil diplomatique » et expliquent « l’absence évidente de résultats ». La renaissance de la diplomatie guinéenne se fera, bien sûr, en promouvant « une diplomatie économique » ouverte sur de « nouveaux horizons de coopération » mais aussi par « une diminution significative du personnel diplomatique à l’étranger dans un premier temps et, par la suite, au redéploiement d’un personnel réduit, choisi sur les seuls critères de la compétence et de l’expérience ». Son prédécesseur, le Dr. Edouard Gnakoye Lama, titulaire de ce portefeuille depuis l’accession au pouvoir d’Alpha Condé, verra sa « sagesse » et son « humilité légendaire » saluées par Fall. Une façon de dire que, dans sa fonction, il était insignifiant quand lui, Fall a vu sa nomination « saluée […] par la ferveur populaire ». Lors de sa prise de fonction, Fall s’est interrogé : « Aurons-nous les moyens et la latitude pour réussir cette mission comme nous le souhaitons ? ». Une interrogation pas neutre pour un homme qui a démissionné, dans les conditions que l’on sait, de la primature parce qu’il n’avait pas la « latitude » requise pour « réussir sa mission ». On notera encore qu’à en croire son adresse, la cérémonie de prise de fonction s’est déroulée en présence de Kabiné Komara, saluée par Fall comme « premier ministre » : ce banquier, originaire de Kankan tout comme Fall (ils sont de la même génération), a été effectivement le premier ministre désigné par le capitaine Moussa Dadis Camara à la suite de son accession au pouvoir le 23 décembre 2008. C’est dire que Fall aime à jouer les électrons libres au sein de la nébuleuse actuellement au pouvoir. Juste retour des choses. Fall a été au cours des deux années passées largement utilisé comme missi dominici par Condé qui n’avait pas grand monde sous la main pour ce type de mission. Mais ni le chef de l’Etat ni son entourage ne lui auraient accordé l’estime qui convient à un homme politique d’expérience par ailleurs promu ministre d’Etat, secrétaire général du gouvernement, par Condé. « Monsieur Fall a fait preuve d’une abnégation sans faille. Il a beaucoup encaissé et a dû avaler beaucoup de couleuvres » a souligné une certaine presse guinéenne. Qui raconte que les ambassadeurs à Paris et à Washington ambitionnaient également la responsabilité de la diplomatie guinéenne ; dans cette perspective, ils avaient activé leurs réseaux régionaux (mandingue pour l’un, « forestier » pour l’autre) à la présidence. Fall a fait de sa nomination un événement politique. C’est un message à la communauté internationale : « Je suis de retour » ; mais aussi au président Condé et à son entourage : « Je suis toujours là et il faut faire avec ». Il est la seule personnalité politique stricto sensu qui se soit rangée derrière (lui dirait sans doute « aux côtés ») Condé à l’issue du premier tour de la présidentielle 2010, faisant oublier, au sein de la coalition Arc-en-Ciel, l’origine sénégalaise (et dans une moindre mesure malienne mais c’est surtout Dakar qui, au temps d’Abdoulaye Wade, était ouvertement opposé à Condé) de ses parents, origine dénoncée par ses ennemis. * A noter que l’Internationale libérale, quant à elle, vient de tenir son 58ème congrès à Abidjan. Deux leaders guinéens y étaient présents : Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. Ont également fait le déplacement en Côte d’Ivoire les présidents Macky Sall et Ellen Johnson Sirfeaf. C’est dire que trois des six pays – et plus encore les principaux – qui ont des frontières avec la Guinée sont dirigés par des chefs d’Etat membres ou proches de l’Internationale libérale… Jean-Pierre Bejot |