Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cherAprès une dizaine de jours passés à Yaoundé où j’ai fait un séjour agréable, je suis à Malabo en Guinée équatoriale depuis le 17 janvier 2012. Un pays que je découvre et dont on parle beaucoup en ce moment eu égard à la CAN qu’il coorganise avec le Gabon. Je suis sur l’île montagneuse et rocheuse de Bioko. Ancienne colonie espagnole, la ville ne manque pas de charme avec ses hautes bâtisses, sa cathédrale de style gothique et son marché où se côtoient plusieurs nationalités. Mais comme on nous l’avait dit, la cherté de la vie y est réelle ; et ne soyez pas surpris qu’on vous cire les chaussures à 500 FCFA. Il arrive souvent que vous quittiez malgré vous une ville qui vous a plu. J’ai ressenti cela le jour de mon départ de Yaoundé, le 17 janvier 2012. Mais je n’avais pas le choix, puisqu’une autre mission m’attendait à Malabo dans le cadre de la phase finale de la CAN 2012 après le stage de préparation des Etalons au centre Excellence de Mbankomo. Pour parler comme les nourrissons du Pinde, pour moi, c’est un peu comme la nuit éternelle. Dans l’avion qui nous amenait à Malabo, j’étais comme toujours assis près du hublot. Dehors, il faisait nuit noire et on ne pouvait rien voir à part quelques étoiles qui brillaient au firmament. J’ai presque passé le plus clair de mon temps à regarder les ailes de l’appareil pendant que d’autres s’abandonnaient au sommeil. Avant de sortir, les passagers sont soumis à une identification rigoureuse et les formalités de police se terminent par les empreintes digitales. Tous les passeports ont été regroupés et gardés, sans aucune explication. Le français que nous parlons n’a pas droit de cité ici. A quoi sert-il de chercher à comprendre quand vous ne comprenez pas l’espagnol ? Le consul du Burkina à Malabo, Ahmed Sorgho, calme ceux qui sortent de leurs gonds et promet de régler la situation dans les heures qui suivent. C’est dans cet immeuble à trois niveaux, situé dans un endroit calme et superbement pourvu de toutes les commodités désirables, qu’une vingtaine de journalistes de différents organes du pays et des membres de la FBF ont pris leurs quartiers. Mais avec l’arrivée d’autres supporters, les choses vont se compliquer. L’appartement comprend salon, salle à manger, cuisine, salle de bains et, dans chaque chambre, un lit de deux places et un autre d’une place. Le cirage m’a coûté 500 FCFA Deux jours après le premier match du Burkina contre l’Angola, l’occasion était belle pour moi de faire une promenade. De mes échanges avec des Burkinabè qui fréquentent un kiosque à proximité de l’appartement, j’ai noté l’essentiel dans un calepin. Le long de l’avenue Rotondo, se dressent des immeubles de grand standing et des logements sociaux inhabités, dont le style et le talent du concepteur me pénètrent d’admiration. Quant à moi, ils savent, en leur for intérieur, que je ne suis pas un Equato-guinéen, par le badge que je porte. J’ai un peu regretté de le pendre à mon cou parce qu’ils vont se dire que ce monsieur doit avoir un portefeuille bien garni. Mais on ne m’a pas demandé d’où je viens ; et quand je me suis présenté à un Malien, il m’a retenu un moment et m’a vendu un portefeuille en cuir à 2000 FCFA alors qu’au départ il me parlait de 3000 FCFA. Ce qui m’a étonné, c’est quand je me suis assis sur un petit banc pour cirer mes chaussures. A peine le jeune homme a-t-il commencé le cirage que je lui demande le prix pour préparer la monnaie. « C’est 500 F CFA, monsieur ! », me dit-il Je n’en revenais pas, croyant qu’il voulait me prendre pour un « gaou (1) ». Je regarde autour de moi quand quelqu’un (un Equato-guinéen qui baragouine le français) me fait savoir qu’ici la vie est tout autre et c’est la réalité telle qu’elle est en Guinée équatoriale. Mon interlocuteur me dit qu’il a fait le Gabon et le Cameroun et que la vie là-bas, ce n’est pas comme dans son pays. Les jeunes gens Depuis que j’ai découvert ce fameux coin, l’information est parvenue à l’appartement. Mais j’étais en retard puisque les jeunes gens avaient eux aussi déniché un restaurant sénégalais en ville. Je comprends maintenant pourquoi je les vois rarement dans la journée ; et quand le soleil se couche, c’est chacun pour soi. A dire vrai, comme à Pissy, Zogona, Larlé, ils ont « fini » avec Malabo, et aucun coin ne leur est désormais étranger. Le matin, quand vous passez devant leurs chambres en prenant l’escalier, vous entendez des ronflements comme ceux d’un orgue. Ancienne colonie espagnole, ce pays est aujourd’hui sur la voie du développement grâce à la manne pétrolière. A ce qu’il paraît, son sol foisonne d’or noir. Les entreprises chinoises sont présentes ici et sont même en concurrence avec la société Bouygues. Les 4x4 dernier cri et autres voitures rutilantes sont légion. Des taxis de toutes marques circulent, et il est rare d’attendre plus de deux minutes sans les voir passer à la recherche de clients. Quand vous ne les voyez pas, c’est que le Nzalang, l’équipe nationale de football, se produit à Bata ; et là vous pouvez poireauter des heures. La face cachée A Malabo, il n’y a pas que du beau ; et comme dans toute capitale, il y a une face cachée, l’envers du décor. En effet, j’ai vu des bidonvilles miséreux en pleine agglomération, et le contraste est frappant avec la ville-champignon. Des familles pauvres qui habitent là, avec la peur qu’un jour on vienne leur dire de déguerpir. A voir comment les choses bougent dans le pays du président Todoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 30 ans, on ne serait pas étonné que les zones qu’elles occupent changent de visage dans un proche avenir. A proximité de notre appartement, un petit village où les habitants vivent dans de méchantes cabanes, sans eau ni électricité. Ceux qui disposent d’un peu de ressources ont des groupes électrogènes. Des journalistes descendent parfois dans cette "cité perdue" pour prendre une bière au passage et commander dans un boui-boui le riz ou le plantain quand les Etalons jouent à 20h (heure locale). Ici, tout n’est pas rose pour beaucoup d’étrangers, eux qui n’ont pas de visa et sont contraints de se cacher pour éviter d’être épinglés par la police qui, dit-on, s’adonne au racket comme dans de nombreuses autres villes du continent. On estime le nombre des Burkinabè à plus de 4 000. Nous avons vu certains en train de creuser des trous pour des canalisations, et il semble qu’un mètre fait 1 500 FCFA. La carte de séjour, qui est de 500 000 FCFA par an, est une façon pour le pays de fermer ses frontières et de décourager les migrants. « Ce n’est pas facile de vivre ici. Trois mois après mon arrivée, la police m’a arrêté et menotté. J’ai fait plus d’une semaine en prison, et ce sont des compatriotes de mon village qui se sont cotisés pour me libérer », explique un de nos compatriotes en nous montrant sur son bras les stigmates encore fraîches laissées par les menottes. Cela dit, depuis l’ouverture de cette CAN, les étrangers respirent un peu, surtout que les policiers ont autre chose à faire. Mais à la fin de la compétition, ceux qui ne seront pas satisfaits de leurs « gombos » iront voir du côté des Ouest-Africains. Ah ! Il est vraiment difficile de vivre dans un pays où chaque jour on sort sans savoir si on passera la nuit chez soi. Banapa Pour découvrir Malabo, une journée ne suffit pas ; et pourtant, la ville n’est pas grande comme on pourrait le penser. La capitale se trouve sur une île appelée Bioko, située dans le golfe de Guinée, au large des côtes du Cameroun et du Gabon. Elle est montagneuse et formée de roches, et le littoral bordé par des falaises. En ce mois de janvier finissant, le temps est lourd et la chaleur étouffante. On ressent cela quand on est fatigué par une longue marche. Avec l’ambiance de la CAN, on vit à cent à l’heure, avec la petite bouteille de bière dénommée San Miguel, et d’autres boissons alcoolisées. C’est ma deuxième lettre après celle de Yaoundé et, dans deux jours, je quitterai Malabo par la faute des Etalons qui n’ont pas joué au ballon. Justin Daboné L’Observateur Paalga |
Vos commentaires
1. Le 1er février 2012 à 06:16, par kabjojo En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
Monsieur le journaliste, cela ne nous interese pas du tout de savoir comment tu as vecu agréablement ta mission. Arrête de nous narguer. on s’en fous de connâitre ton sejour privé. Donne nous les informations qu’il nous faut. Tu as eu à dépenser combien de GUIRO là bas ? reviens sur terre et fais ton travail de journalisme.
2. Le 1er février 2012 à 08:27, par evylo En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
Joli carte postale confrère DABONE ;vous m avez donnez une envie folle d aller à la decouverte de la destination MALABO malgré "les points noirs".Excellent séjour
3. Le 1er février 2012 à 09:41, par Tengbiiga En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
Bel article. Je me suis senti dans les hauteurs de Malabo. Je serais plus ravi si vous aviez consacre votre temps a nous parler de nos etalons : coulisses, raisons du debacle...
4. Le 1er février 2012 à 12:24 En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
Article bien rédigé.
5. Le 1er février 2012 à 12:53 En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
Merci Justin
6. Le 1er février 2012 à 13:08 En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
salut cher ami
je suis tres content de ton article mais je souhaiterais que tu fasses un document sur Brasilia (BRESIL). Ici également tout est cher. pour acheter une chaussure synthétique il faut 20000 FCFA.
plus grave les loyers augmentent de 10% chaque année. les Ambassades des pays africains y souffrent.
Pas de détaxes pour les diplomates non plus.
Merci.
7. Le 1er février 2012 à 15:47, par dj En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
très bel écrit ! récit imagé et faisant vivre un réel ! certes quelques "clichés" qu’on aurait pu attendre par-ci, par-là mais très belle plume !
8. Le 1er février 2012 à 16:00 En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
C’est un classique : ce constat amer des inégalités explosives, de la misère massive et des désillusions profondes qui vont avec, caractérisent toutes les néo-colonies d’Afrique.
Ici la néo-colonie est tenue par le clan dictatorial du satrape local, N’guéma.
C’est à se demander de quoi ressort la Guinée équatoriale, hormis sa définition coloniale géographique et l’odieux régime qui le dirige.
Loin d’être un pays indépendant, ce qui reste proprement une exception en Afrique, la Guinée équatoriale n’est qu’une base militaro-pétrolière des USA, confiée à gestion viagère ou héréditaire par les Occidentaux aux N’guéma pour qui, les milliards de pétro-dollars extorqués au peuple équato-guinéen ne servent qu’à entretenir la débilité au sommet de l’État.
Au Cameroun ou ailleurs dans cette Afrique de la Françafrique, la situation n’est pas mieux non plus. Et c’est aux Africains de se bouger en tant qu’Êtres de dignité et de respect non assignés et réduits à, seulement, une couleur : NEGRE !
9. Le 1er février 2012 à 18:08, par Arso En réponse à : Lettre de Malabo : Une île où tout coûte cher
Bel article mais si la vie est chère là bas c’est sûrement que leurs fonctionnaires ne touchent pas des miettes comme chez nous, ils doivent être très bien payés et c’est les touristes comme vous qui peuvent se plaindre là bas.