Sami Matri, expert des marchés télécoms : « La tarification du mobile data en Afrique, l’arbre qui cache la forêt » ?Le Burkina a accueilli la première conférence africaine sur la régulation et l’économie des télécommunications (CARET) du 26 au 28 octobre 2011. Une occasion pour le parterre de spécialistes des télécoms présents à Ouagadougou de se pencher sur l’évolution du secteur et des contraintes auquel il fait face. Sami Matri, consultant expert des marchés Moyen-Orient et Afrique au sein de l’entreprise Sofrecom (France) a présenté une communication sur la tarification du mobile data en Afrique. Nous nous sommes entretenus avec lui. Faso-tic.net : Présentez-vous brièvement à nos lecteurs ? Sami Matri : Je suis consultant expert des marchés Moyen Orient et Afrique au sein de Sofrecom. Sofrecom (www.sofrecom.com) est un leader mondial du conseil en télécommunications et spécialiste dans les problématiques des télécoms, réseaux et régulation notamment en Afrique subsaharienne. Faso-tic.net : Vous avez participé à la première CARET à Ouagadougou, quels enseignements tirez-vous de cette rencontre ? Sami Matri : J’ai été marqué par la richesse de ces échanges. C’est un honneur pour Sofrecom d’avoir contribué à la richesse de ces débats organisés sous l’égide du premier ministre et du président de l’ARCEP Burkina. Je formule le vœu que le Burkina puisse accueillir d’autres évènements comme celui-ci, notamment CARET 2012. Que les burkinabés soit le moteur dans la réflexion pluridisciplinaire entre les académiques, les chercheurs, les régulateurs, les opérateurs et les consultants dont je fais partie pour créer les conditions de réflexion et surtout tirer des conclusions pour agir. Ce qui m’a plu à CARET 2011, c’est la diversité géographique des participants comme trait d’union de l’intelligence et expérience sous régionale mais aussi continentale. C’est donc tout à l’honneur du Burkina. Cet évènement dépasse les hommes et les femmes qui le font ; le challenge du progrès dépasse les personnes qui le font. Toute discussion sur une problématique d’avenir complexe portant sur l’explosion des réseaux mobiles, notamment les mobiles DATA, est constructive. Si tous ces échanges sont anticipés, ils seront mieux traités et mieux compris. Faso-tic.net : A CARET 2011, vous avez présenté une communication sur « la tarification du mobile data en Afrique : l’arbre qui cache la forêt ? », que faut-il comprendre par réseaux mobiles DATA ? Sami Matri : Si l’on compare le réseau mobile 2G à un arbre en Afrique (93% des connexions en 2010), ces principales ramifications sont les services voix classiques et les services sms. La data en Afrique est pour l’immédiat donc le sms. Cependant de ce tronc commun, nait une troisième catégorie de services constitués de l’Internet, des contenus, et des applications sur mobile. La nouvelle Data est donc ces nouveaux services de données qu’il est possible de transporter sur des réseaux 3G voir 4G adaptés. Pour rester dans la métaphore, les régulateurs et opérateurs auront la responsabilité de planter ces autres arbres aux troncs plus robustes.... Dans ma communication, j’ai donc évoqué surtout tout ce qui était lié à la connexion Internet des mobiles et l’échange de contenu (vidéo, musique, jeux, surfe sur Internet avec consultation mail…). C’est tout ce qui est lié aux usages personnalisés, communautaires et réseaux sociaux. J’ai pris l’image de l’arbre, car elle a toute sa symbolique en Afrique. Faso-tic.net : Quelle est la pertinence d’adopter cette technologie en Afrique ? Sami Matri : En 2015, la part des connexions 3G et 4G va représenter entre 20 et 50% du total des connexions sur mobile en Afrique. C’est un enjeu très important dans les cinq ans qui viennent pour l’Afrique où le mobile est le principal vecteur d’accès aux hauts débits et l’infrastructure la plus efficiente au niveau économique (taux de rentabilité des opérateurs, corrélation au développement du PIB et surtout maximalisation de l’utilité des consommateurs). Sauf cas spécifiques (raisons politiques), les pays ayant déployés les premiers la 3G, sont des pays où la pénétration mobile supérieure à 50% et un nombre d’utilisateurs internet (via PC, cybercafé) supérieure à 30%, ce qui renforce l’idée. Le taux d’adoption de la mobile data est aussi lié au taux d’utilisateurs internet. Or on observe le déclin progressif des cybercafés, où vont donc s’exprimer ces internautes, ces jeunes bloggeurs…comment va-t-on accéder à ces mails à distance dans une terre de nomadisme qu’est l’Afrique. Enfin un dernier vecteur c’est la maximisation de l’utilité : en Afrique, les services mobile data pourraient prendre racines entre l’économie formelle et informelle et l’intégration socio économique y compris des catégoriales les plus pauvres. Les services sont donc à inventer, il suffit d’observer la population. En Europe c’est plutôt la bataille entre l’économie financière et économie réelle qui fait rage et tout services permettant la maximisation de l’utilité dans une logique de consommation intégrée où le cross canal intersectoriel crée de la valeur (ex : achat d’un forfait mobile qui donne des avantages sur des produits en supermarché). En ce qui concerne le coût des services, on n’est pas en stade de maturité dans les pays d’Afrique de l’Ouest notamment au Burkina et dans les autres pays. Pour l’instant, les équipements n’existent pas, ils sont trop chers (en 2009, le coût du terminal 3G était de 14% à 94% du PIB / hab en Afrique de l’Ouest et Centrale contre 3% à 9% en Amérique du Sud) ou n’ont pas été importés ou parce que les opérateurs ne sont pas assez dynamiques à ce niveau là. Sous l’impulsion d’une politique fiscale plus souple, le prix des terminaux devrait baisser dans les années qui viennent. Le prix de Mb en wholesale au niveau de la bande passante internationale devrait également baisser et de fait inciter une baisse du prix pour le consommateur final. Faso-tic.net : Sur quelle région de l’Afrique a porté votre étude ? Sami Matri : On a mis en exergue les contextes de l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du sud. Ces deux régions ayant le marché des télécoms le plus dynamique, on a voulu offrir aux participants de la conférence un cas de comparaison, avec un contexte africain de développement de la 3G du service mobile DATA. Faso-tic.net : pourquoi avez-vous intitulé votre communication : « la tarification du mobile data en Afrique, l’arbre qui cache la forêt ? » Faso-tic.net : Quels sont les conditions pour cette compréhension fine dont vous parlez ? Sami Matri : L’adoption des usages va être graduelle. Donc, il faut que les prix des mobiles DATA intègrent un niveau d’accès assez intéressant. Cela doit passer par une subvention des services. Les opérateurs devront peut-être subventionner des terminaux 3G, terminaux dont le prix va se démocratiser progressivement. Il faut également considérer que cette tarification doit aussi prendre en compte les usages spécifiques des pays, notamment la gestion et tarification horaire du trafic. A Conakry, par exemple, il y a des heures de pointe le matin et le soir et ces heures de pointe génèrent des trafics très importants qui génèrent à leur tour de la congestion du réseau. Avec le trafic data, ce genre de situation problématique serait amplifiée. Ça, c’est un cas spécifique, il y en a plusieurs en Afrique qui expliquent que les infrastructures routières de configurations urbaines ont des effets sur la consommation du mobile DATA et également sur le prix. Faso-tic.net : La cherté des licences d’exploitation n’est-t-elle pas un handicap pour l’adoption des réseaux mobile DATA ? Sami Matri : Les opérateurs devront acquérir des licences et les coûts de ces licences sont extrêmement importants. Actuellement, la stratégie des régulateurs, c’est de valoriser au mieux ces fréquences, c’est de les vendre au plus offrant. Mais, il faut faire attention pour ne pas faire en sorte que les exploitants de ces ressources soient en situation difficile parce qu’ils payent les licences trop chères, sinon, ils auront du mal après à l’exploiter et à rentabiliser. L’autre question est celle de l’innovation et du service universel dans la mesure où le mobile data devra être disponible pour le plus grand nombre à un prix abordable. A Sofrecom, nous insistons sur les risques liés à la surévaluation des licences et sous-évaluation des conséquences au niveau du consommateur final. Faso-tic.net : L’autre handicap de l’adoption de cette technologie pour un pays comme le Burkina, c’est aussi l’analphabétisme… Sami Matri : Là, c’est une condition exogène. La DATA sur mobile, c’est comme l’Internet, il faut savoir lire et écrire. En Afrique, Il y a tout un contexte de langues locales, d’ethnies, de culture qui fait qu’il y a une adaptation nécessaire de services en fonction de ces particularités. En revanche, ce n’est pas un frein total. La solution serait l’accompagnement de l’utilisateur soit par l’opérateur, soit par certaines applications techniques (restitution de l’écriture en voix). La personne peut surfer, voir les images, accéder à des interfaces simplifiées avec la présence d’icones comme panneaux de signalisation. Il ne s’agit pas de créer un sous univers internet mais de le simplifier et la solution ici est technique mais surtout humaine. D’une manière générale, la question de l’illettrisme dépasse le cadre des problématiques des réseaux. Faso-tic.net : A votre avis, le Burkina est-il prêt pour migrer vers le mobile 3G au stade actuel ? Sami Matri : La question, c’est qu’est-ce que le régulateur veut pour les burkinabè. C’est une question de développement. A partir du moment où les autorités politiques, les autorités de régulations, les opérateurs font en sorte de développer des services, c’est pour des questions économiques bien sûr. Mais, le régulateur, dans sa logique de développement d’activités de concurrence, de dynamisme sectoriel des télécoms, de croissance du pays, doit aider à planter l’arbre en favorisant les investissements dans ces infrastructures qui sont primordiales. L’effort fait par l’ARCEP pour organiser l’évènement CARET témoigne du dynamisme et de l’intérêt sur ces nouveaux enjeux de régulation. Au Burkina, 50% des connexions internet sont inférieures à 256kb/s et seulement 5% des foyers ont accès à Internet, il y donc un réel besoin pour augmenter les débits et démocratiser l’accès. Il ne faut pas surestimer le potentiel d’un marché, mais ne pas le sous-estimer non plus. La force du Burkina, ce sont les burkinabè eux-mêmes et leur capacité d’adaptation et d’innovation dans l’IT et les télécoms, les opérateurs devront tirer meilleur profit de ce potentiel. Je ne dis pas qu’il faut que tout le monde utilise l’internet mobile, d’ailleurs il y a au Burkina et en Afrique des priorités à priori plus importantes, mais c’est un peu le sens de l’histoire. Les gens passeront de moins en moins de temps au téléphone, mais de plus en plus sur du surfe sur Internet. Au lieu de d’avoir l’information en appelant, je vais chercher l’information sur Internet avec mon mobile. Bientôt une grande partie des lecteurs du Faso.net le consulteront aussi sur leur mobile. Entretien réalisé par Moussa Diallo Faso-tic.net |
Vos commentaires
1. Le 3 novembre 2011 à 03:23, par Malick En réponse à : Sami Matri, expert des marchés télécoms : « La tarification du mobile data en Afrique, l’arbre qui cache la forêt » ?
Mon type, tu es sûr d’avoir compris ce que Matri t’a raconté ? Sujet certainement intéressant mais la conduite de l’interview me laisse perplexe. Et tu parles de tarification, sans aucun tarif !
J’ai aimé son invite à la prospective. Avec la 3G, et comme bien d’autres technologies, l’important est d’abord pour le Burkina de savoir ce qu’il veut, pour quelle finalité.
2. Le 3 novembre 2011 à 20:41, par Fason En réponse à : Sami Matri, expert des marchés télécoms : « La tarification du mobile data en Afrique, l’arbre qui cache la forêt » ?
J’avoue n’avoir pas lu l’article avec l’attention qu’il merite mais pour moi tout ça reste de bla bla quand on realise qu’au burkina on a une connetion de m***de 90% du temps et que le fossée ne fait que s’agrandir entre nous et le reste du monde conscient !