Discours de l’ambassadeur de la république de Côte d’Ivoire au Burkina Faso à l’ occasion de la célébration de la fête nationale Ivoirienne
La Côte d’Ivoire est en deuil. Comme vous le savez tous certainement en tant qu’Ivoiriens ou Amis de la Côte d’Ivoire, vendredi matin, un autobus de transport urbain a dérapé sur le Pont Félix HOUPHOUËT-BOIGNY pour se retrouver dans la lagune avec tous ses passagers. Sur 47 personnes repêchées, 37 sont mortes. Le Chef de l’Etat s’est rendu sur les lieux, suivi du Premier Ministre et de quelques Ministres. Mais puisque nous avons reçu de notre Ministère de tutelle, le Ministère d’Etat, Ministère des Affaires Etrangères, l’autorisation de fêter dans la sobriété, nous allons le faire en vous invitant à commencer la cérémonie par la minute de silence qui s’impose en pareille occasion. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les Présidents d’Institutions de la République, Honorables Invités, La célébration du 51ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, est bien sûr une fête malgré le deuil qui nous frappe, mais elle aussi l’occasion de rendre hommage à notre cher Président Alassane Dramane OUATTARA, homme de conviction, de rigueur et d’ouverture, qui a bravé tous les obstacles dressés sur son chemin depuis 20 ans, et qui nous a conduits à la paix le 11 avril dernier. Les 07 Août se suivent mais ne se ressemblent pas. Durant des décennies, le pays d’HOUPHOUËT-BOIGNY, apôtre de la paix, a fêté l’indépendance dans la joie et l’allégresse. HOUPHOUËT nous semblait éternel, nous avions hâte de le voir s’en aller, avec son projet de paix perpétuelle. Puisque le pardon et la réconciliation se nourrissent de vérité et de justice, souffrez Mesdames et Messieurs que mon discours commence en 1932 et que s’énoncent des vérités pas toujours attrayantes. Pourquoi 1932 ? Avec la permission des Historiens, je voudrais considérer l’année 1932 comme le début de la formalisation des relations entre la Côte d’ivoire et le Burkina Faso, car c’est cette année-là que la Haute-Volta d’alors fut disloquée par le pouvoir colonial au profit du Niger, du Soudan français (devenu Mali) et de la Côte d’Ivoire. Le Cercle de Ouahigouya, le canton d’Arbinda du Cercle de Dori et la partie du Cercle de Dédougou située sur la rive gauche de la Volta-Noire, sont rattachés à la Colonie du Soudan Français. Comme on le voit, pour des raisons de rentabilité strictement économique, une colonie a disparu au profit de trois autres dont principalement la Côte d’Ivoire qui a hérité de la part du lion avec 150.000 km² de terre et plus de deux (02) millions d’habitants. Cette part qui allait jusqu’à Kaya et Tenkodogo, fut dénommée Haute Côte d’Ivoire par opposition à la Basse Côte d’Ivoire, zone forestière particulièrement avide de main-d’œuvre pour ouvrir des pistes, des routes et une voie ferrée, abattre des arbres appréciés, cultiver le café et le cacao, construire des ports et des ponts, soutenir l’effort d’urbanisation et d’industrialisation. Pour organiser efficacement le transfert de l’importante main-d’œuvre de la Haute vers la Basse Côte d’Ivoire, les grands planteurs et autres patrons d’entreprises ont créé le SIAMO (Syndicat Interprofessionnel pour l’Acheminement de la Main-d’œuvre). Depuis 1932 donc, que de Voltaïques sur les routes de Côte d’Ivoire, dans les plantations de café et de cacao, dans les usines et sur les chantiers ! Jusqu’à l’indépendance, on estime à plus de 700 000 hommes le nombre de travailleurs transférés en Côte d’Ivoire. Cela explique la part importante de Burkinabè et d’ivoiriens d’origine burkinabè dans la population actuelle de Côte d’Ivoire qui offre le meilleur exemple de multiculturalité, source de richesses et de dynamisme en Afrique de l’ouest. A tel point que les pères de l’Indépendance des deux pays avaient envisagé l’instauration de la double nationalité. Le brassage des populations a produit de nouvelles manières d’être qui ont influé sur les immigrés Burkinabè désormais stigmatisés de part et d’autre : ils sont traités d’Ivoiriens au Burkina et apostrophés comme Burkinabè en Côte d’Ivoire. Les quatre (04) mois de guerre effroyable que nous venons de vivre ont été à la fois la manifestation d’une haine vouée aux militants d’un groupement politique, à des ethnies bien ciblées et à une communauté étrangère pourtant non impliquée dans nos batailles électorales. Nous étions si déterminés que nous proclamions : « on gagne ou on gagne ! » Pour atteindre l’objectif, il fallait avant tout investir des milliards de nos francs dans des armes performantes et destructrices. Nous l’avons fait sans état d’âme, car la Côte d’Ivoire en a les moyens ! L’émotion suscitée au plan international par ce banal acte de maintien de l’ordre nous a convaincus d’opérer un miracle en transformant en jus de bissap, le sang de ces femmes que nous avons aussitôt déclarées toujours bien vivantes ! La RTI (Radio Télévision Ivoirienne) nous y a abondamment aidés. A ceux qui ont toujours dit que jamais nous n’avions respecté ni notre parole ni notre signature, nous venions de prouver que ce que nous disons, nous le faisons. Le 11 avril 1946, HOUPHOUËT a mis fin au travail forcé, le Honorables invités, Mesdames et Messieurs, Au moment où s’ouvre une nouvelle page dans la coopération entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, page sur laquelle s’inscriront désormais en lettres d’or la paix, le respect mutuel et le renforcement de nos relations fraternelles, je ne peux m’empêcher de dire Merci et Pardon au peuple burkinabè. En hommage à ceux qui ont souffert des dérives des dernières années, et surtout à ceux qui y ont laissé leur vie... je pense notamment au Docteur Benoît DACOURY-TABLEY, à l’artiste comédien H, aux journalistes Jean Hélène et Guy-André KIEFFER, au Colonel-Major DOSSO Adama et aux milliers d’autres anonymes, en hommage à toutes et à tous…je vous demande une minute de silence. Nous ne pouvons clore le chapitre de la vérité, c’est-à-dire de la guerre et de la paix, sans reconnaître le soutien déterminant des amis de la Côte d’Ivoire. Les qualités qui caractérisent le Président Alassane Dramane OUATTARA, à savoir, la compétence, la rigueur, l’ouverture et la culture des relations humaines, n’ont pas de prix. Grâce à elles, aux heures chaudes de la crise post-électorale, après une victoire incontestable mais contestée, nous avons bénéficié du concours inestimable de nos amis de toujours parmi lesquels le Burkina Faso, la France, les Etats-Unis et la Communauté Internationale, à travers l’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la CEDEAO. A l’instar d’HOUPOUÊT-BOIGNY, nous proclamons haut et fort que la Côte d’Ivoire n’a que des Amis et pas d’ennemi. Pour cela, nous entendons réhabiliter l’image de marque de notre pays en mettant l’accent sur la diplomatie de proximité. D’abord traité de démon au service de la Rébellion, puis adulé comme un ange à la signature de l’Accord de Ouaga et du Traité d’Amitié et de Coopération entre nos deux pays, enfin rejeté comme complicateur et non plus facilitateur parcequ’imperméable à toute sollicitation souterraine aux heures incertaines de la proclamation des résultats des élections, le Président du Faso a toujours su faire preuve d’intégrité en tant que facilitateur en se tenant naturellement à égale distance des deux candidats. Mais dire du Président du Pays des hommes intègres qu’il est intègre, n’est que pure tautologie, sauf à imaginer l’épreuve constante opposant l’intégrité à la ruse perpétuelle. Si sur place en Côte d’ivoire, la résolution des questions de sécurité, de santé, d’éducation, d’assainissement de l’environnement et de réconciliation nationale commence à rassurer les populations, ici au plan des relations diplomatiques, nous retiendrons la reprise du dossier ayant trait aux relations entre nos deux pays. Englobant tous les grands domaines d’intérêt commun, notamment politique, socio-économique, culturel, scientifique, judiciaire ainsi que les questions de défense, de sécurité, d’environnement et de Droits Humains, entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, le Traité dont la mise en œuvre constitue l’essentiel de notre feuille de route, a rassemblé nos deux Chefs d’Etat et les Chefs de Gouvernement accompagnés de 11 Ministres côté Burkina Faso et 15 Ministres côté Côte d’Ivoire, le 15 septembre 2009 à Yamoussoukro. 1/ Au plan de la diplomatie, les deux Chefs d’Etat ont convenu que si, dans un pays donné, l’un des deux Etats ne dispose pas de Représentation diplomatique, celle de l’autre Etat assurera la défense de ses intérêts. Honorables invités, Mesdames et Messieurs, Je ne saurais clore mon propos en cette première célébration de notre fête nationale sous Alassane Dramane OUATTARA sans dire aux uns tout en rappelant aux autres, que le Vivre Ensemble a été et demeure pour notre Président le socle du Programme de gouvernement qu’il entend traduire dans les faits. Aux lendemains des quatre mois de guerre d’où nous sortons, le Vivre Ensemble qui n’est pas qu’un mot, mais un comportement, doit donc être précédé de la réconciliation qui, elle-même, se nourrit de vérité et de justice. Ici au Burkina Faso, sur ce bout de territoire ivoirien que représente l’Ambassade de Côte d’Ivoire, lors de ma prise de service en Avril dernier, j’ai expliqué à l’ensemble de mes collaborateurs que leurs convictions politiques et leurs origines ethniques m’importaient peu, et que seul comptait le travail bien fait au service de notre pays. Je dois, pour finir, vous avouer que je suis un Ambassadeur heureux, heureux d’être parmi vous ici au Faso, heureux de l’accueil que vous m’avez réservé, heureux d’être le représentant d’Alassane Dramane OUATTARA auprès de Blaise COMPAORE deux hommes qui s’apprécient mutuellement. Et cela me paraît si peu ordinaire que lorsque vous m’appellerez Monsieur l’Ambassadeur, je vous prierai d’ajouter « Extraordinaire et Plénipotentiaire » Je vous remercie. Ouagadougou le 07 aout 2011 |