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Architecture climatique : Bâtir sur le passé

mardi 18 mai 2010.

 

Recours au banco, à la latérite, construction en voûte nubienne,… Autant de matériaux et de techniques qui entrent dans la construction de l’habitat du futur. Réunis à Ouagadougou les 10 et 11 mai, lors du colloque sur l’architecture climatique, une quarantaine de participants ont posé les bases d’une architecture en harmonie avec les réalités environnementales. Si les démonstrations techniques paraissent convaincantes, la vulgarisation est loin d’être gagnée.

« Les périodes de chaleur sont de plus en plus intenses et de plus en plus longues. Nos constructions modernes sont invivables. Que pouvez-vous faire pour nous ? ». Assis à la tribune du colloque sur l’architecture climatique, Hama Arba Diallo, maire de la commune de Dori, interpelle ainsi les architectes. Sa commune située à 300 km au nord de Ouagadougou, dans la zone sahélienne, souffre des rigueurs du climat dont les changements demeurent mal maîtrisés. Tout comme la quasi-totalité des villes du Burkina, Dori a cédé aux sirènes de l’architecture moderne, symbolisée par l’utilisation systématique du vitrage, du béton et du parpaing.

Si ces matériaux embellissent le bâtiment et le met dans « l’air du temps », ils n’offrent pas toujours un grand confort. « Nous construisons avec des murs qui accumulent de la chaleur, au sol nous utilisons des pavés en ciment et sur les façades nous appliquons des carreaux. Dans un pays où le soleil tape très fort, c’est un enfer que nous sommes entrain de construire ! », fait remarquer violemment, un participant. Par ailleurs, ces types de constructions sont énergivores. Elles consomment en moyenne 3 à 5 fois plus d’électricité pour l’éclairage et la climatisation que les maisons en matériaux locaux.

Les préoccupations du maire pourraient bien trouver des solutions à travers les méthodes novatrices de construction promues par l’architecture climatique. Cette approche architecturale se fonde sur une prise en compte des éléments climatiques dans la construction. « L’architecture climatique consiste à construire avec le climat et non contre lui », déclare Jean-Lious Izard, enseignant-chercheur à l’école nationale supérieure d’architecture de Marseille. « Concrètement, poursuit-il, il s’agit d’utiliser des matériaux, des formes et des orientations qui tiennent compte des caractéristiques du climat de sorte à ne pas le subir ».

La question de l’architecture climatique est apparue en début du 20e siècle en réaction au conformisme architectural et la disparition des habitats traditionnels. Tombée par la suite dans l’oublie, la question resurgit dans les années 80, grâce à l’éveil écologique mondial. L’architecture climatique mène une campagne active pour un recours aux matériaux locaux et aux techniques traditionnelles de constructions. Le colloque de Ouagadougou, organisé par le centre culturel français en collaboration avec le 2ie, l’IRD, les universités de Lyon et Marseille, s’inscrit dans le cadre du programme de diffusion des savoirs scientifiques au Burkina.

Retour vers… le futur

L’habitat du futur passe par le passé. C’est l’une des principales conclusions du colloque. Ce retour est symbolisé par l’usage de matériaux locaux et de techniques architecturales ancestrales. Ainsi, les briques en terre comprimée, le banco et le géo-béton, produit du mélange entre la latérite et une faible dose de ciment, pourrait à terme remplacer le parpaing et le béton traditionnel. Avec ces nouvelles méthodes, des architectes ont réussi à construire des bâtiments solides et très confortables.

Au Burkina les techniques les plus répandues sont la construction sans bois (CSB) et la voûte nubienne. La première, la CSB est apparue avec l’ONG allemande du DW. Cette ONG a acquis depuis les années 70 aux côtés de l’architecte Egyptien, Hassan Faty, les techniques de construction sans bois. Les CSB sont la réplique de techniques millénaires. Elles consistent à élever des maisons en coupoles et les voûtes en terre crue construites sans coffrage.

L’autre grande structure de promotion de la construction en terre est l’association « La voûte Nubienne ». Depuis plus d’une décennie, elle parcourt les campagnes et les villes moyennes du pays pour construire avec la participation des populations des maisons à moindres coûts. Les matériaux locaux, notamment le banco et la terre comprimée, emmagasinent moins de chaleur que le parpaing et le béton. De plus, le toit en terre garantit de la fraîcheur à la maison.

Mais au-delà du confort, les matériaux locaux et les techniques n’utilisant pas de bois sont bénéfiques pour l’environnement. Ils préservent les arbres. Par ailleurs, ce type de construction n’est pas couteux car le matériau est gratuit et disponible. Par ailleurs, « la voûte nubienne » forme des maçons locaux afin qu’ils deviennent autonomes. A côté de ces méthodes de promotion et de vulgarisation, Sayouba Tiemtoré, diplômé de l’école d’architecture de Grenoble, développe une vision plus anthropologique. Invité par le laboratoire CRATerre de l’université de Grenoble, le jeune architecte ambitionne de collecter et de valoriser tous les savoirs locaux, dans le domaine architectural. Il invite à concevoir l’architecture comme un élément signifiant de la culture.

Adieu béton, parpaing et vitrage ?

En dépit des nombreux avantages de l’architecture climatique, les conditions ne sont pas encore réunies pour passer à sa généralisation. Les promoteurs de la construction avec les matériaux locaux n’ont pas encore résolu le problème de la construction en hauteur. Les bâtiments les plus hauts sont des constructions de type R+2. Cependant, des bâtiments d’envergure comme le marché de Koudougou, le musée de la musique et des écoles construites en terre, entretiennent l’espoir. Le deuxième obstacle est le mythe de « la maison en dur ». Tout ce qui n’est pas construit en matériaux importés, synonyme de modernité, est considéré comme mauvais. « Les matériaux locaux ont une mauvaise réputation. Si en tant que maire, vous construisez un bâtiment administratif en terre, c’est sûr que vous ne serez pas reconduit », regrette, Hama Arba Diallo. Cette impression a été renforcée lors des récentes inondations du 1er septembre 2009, où plusieurs maisons en banco se sont écroulées. Heureusement, les mentalités commencent à évoluer.

Les politiques longtemps restés hermétiques à l’utilisation des matériaux locaux révisent leur position. Des députés burkinabè et maliens ont pris part activement aux débats du colloque. Vincent Dabilgou, ministre de l’habitat et de l’urbanisme du Burkina, a présidé la cérémonie d’ouverture. Cependant, les plus sceptiques voient en cet accompagnement un effet d’annonce, faute de politique de promotion des matériaux locaux au Burkina. « La terre n’est pas classée dans la norme de matériaux durable » fait remarquer, Sidiki Zerbo, architecte burkinabè. Dans ce domaine, le Benin joue les pionniers. « Une loi adoptée en 2006 impose aux maîtres d’œuvre l’usage d’au moins 25% de matériaux locaux dans les projets de construction », confie Aimé Gonçalves, professeur à l’université de Cotonou.

Malgré tous les efforts des architectes et des politiques, les matériaux importés ont encore de beaux jours. « En dépit du recours à l’architecture climatique, prévient, Jean-Lious Izard, il est illusoire de penser que dans le contexte sahélien l’on puisse se passer de certaines matériaux importés et de la climatisation ». La climatisation est incontournable, notamment pendant la les périodes caniculaires. Les matériaux locaux et les techniques d’isolation ne constituent pas une panacée. Cette position, tout le monde ne la partage pas. Mais dans ce débat, la postion médiane est celle de Thomas Granier, président de l’association « Voûte Nubienne ». « Le colloque est un premier pas pour la promotion des matériaux locaux et de l’architecture climatique, affirme-t-il. Nous pourrons les vulgariser dans les années avenir ». En un mot, la maison de demain capable de réguler les besoins énergétiques en toute saison, ce n’est pas pour demain !

Nourou-Dhine Salouka
Lefaso.net



Vos commentaires

  • Le 18 mai 2010 à 21:55 En réponse à : Architecture climatique : Bâtir sur le passé

    Dommage que le journaliste feint de croire que c’est une decouverte (y compris tous ces architectes). Ils ne peuvent pas ignorer que cela aété maintest et maintes fois tenté mais abandonné faute de volonté politique. Decidement l’esclavage mental nous tient vraiment enchainés ! ce n’est pas la premiere fois que l’on a cherché a utilidser les materiaux locaux dans la construction (entre autres), ni au Burkina seulement. Mais aujourdh’ui on s’extasie parce que c’est le centre culturel francais, des universites francaises, etc (l’europeen, le blanc quoi !!) qui vient nous ouvrir les yeux de ces pauvres negres tellement cons qu’ils sont incapables de voir l’evidence. Les ancetres utilisaient ces materiaux parce qu’ils le savaient !!!! nous on veut singer le blanc à construire des maisons pentus alors qu’aucun flocon de neige ne tombera sur ce pauvre toit qui font sous le feu du soleil ! je n’aborde meme pas le solaire (qu’on vient exploiter pour aller eclairer leurs populations et non pour les africains !) et bien d’autres exemples qui abondent...Et surtout on ne fait meme pas mention de son passé tres recent sous la revolution avce Thomas Sankara qui en a fait un point d’honneur. Mais je comprends que l’on ne veuille pas mentionner cela. Notre compatriote Kere installé en Allemagne est quelqu’un qui a bien compris et travaille concretement. Je m’étonne qu’il n’ait meme pas été mentionné. Je parie qu’il n’a meme pas été invité ni meme associé. Quelle honte !
    je ne ferai que repeter la fameuse sentence : un homme qui ignore son passé est condamné a le recommencer. Alors ne nous etonnons pas de faire du surplace sinon de regresser
    SOME

  • Le 19 mai 2010 à 02:30 En réponse à : Batir sans la France

    Some, je suis d accord avec toi. Nous perdons notre temps avec les Francais. Kere en Allemagne integre cette dimension depuis longtemps. Ici aux USA, dans les Etats ou le climat ressemble a l Afrique (chaleur et autre), ils ont adapte les materiaux aussi. Quand est ce que le Noir comprendra que nous resterons toujours en retard en travaillant avec la France ? On aurait du invite Kere d Allemagne et certains experts anglophones des USA.
    Toi Sayouba Tiemtore, depuis les siecles que tu etudies a Grenoble, tu n as pas compris que la France nous flatte ? Reste la bas seulement, quand tu auras l age de la retraite et tu te rendras compte que tu perds ton temps a Grenoble avec les Francais, ce sera trop tard.
    Un ancien de Grenoble

    • Le 24 mai 2010 à 09:54, par la logique du partage En réponse à : Batir sans la France

      Juste pour information M. Kere a bien été invite au colloque du CCF. Il a été un invité d’honneur puisque son projet a servi d’affiche pour le colloque architecture climatique en Afrique subsaharienne. Malheureusement il n’a pas pu effectuer le déplacement. Je vous invite alors à avoir un peu de recul, et surtout à bien s’informer avant de réagir.
      Mahatma Gandhi le disait « Ce que vous faites pour moi, mais sans moi, vous le faites contre moi ». Aucune civilisation ne tient la vérité, il faut juste apprendre à marcher ensemble.