Béatrice Damiba, ambassadeur du Burkina Faso en AutricheJournaliste de formation, Béatrice Damiba est une brillante intellectuelle qui, après un travail remarquable accompli à l’ambassade du Burkina à Rome s’est vu renouveler la confiance du chef de l’Etat comme ambassadeur à Vienne en Autriche depuis juillet 2003. Née à Koupéla (Burkina ), Mme Damiba a suivi une formation de journaliste à l’Université de Strasbourg (France). Sur le terrain professionnel, elle occupera plusieurs postes de responsabilité : journaliste rédacteur (1979-1982), rédacteur en chef de l’hebdomadaire « Carrefour Africain » (1982-1983), attachée de presse du Premier Ministre (1983), rédacteur en chef du quotidien national « Sidwaya » (1984). Elle embrasse ensuite une carrière politique comme Haut-Commissaire de la province du Bazèga (1984 à 1985), ministre de l’Environnement et du Tourisme (1985 à 1989), ministre de l’Information et de la Culture (1989 à199), conseiller en communication à la Présidence du Faso (1992 à 1994), avant de partir en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire et Représentant Permanent (FAO, FIDA, PAM) du Burkina Faso à Rome (Italie) (1994 à 2003), avec juridiction sur la Grèce, la Roumanie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Slovénie, la Turquie l’Ordre Souverain militaire de Malte. Depuis juillet 2003 Madame Béatrice Damiba occupe les fonctions d’Ambassadeur extraordinaire et Plénipotentiaire et Représentant Permanent (ONUV, AIEA, ONUDI, CTBTO) du Burkina Faso à Vienne (Autriche). Avec compétence sur la Hongrie, la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie. Au plan associatif, Madame Béatrice Damiba est membre ou présidente active ou d’honneur de nombreuses Associations, ONG ou structures œuvrant dans les domaines de l’Education/Communication, de l’Environnement, de la Femme et de l’Enfant, de la Culture. Elle a reçu plusieurs distinctions honorifiques parmi lesquelles le Flambeau de la Révolution, le titre d’Officier du Mérite des Arts, Lettres et Communication du Burkina Faso, la Grand Croix du Mérite de l’Ordre Souverain de Malte, le titre de Commandeur de l’Ordre National du Lion du Sénégal. Dans cette interview accordée au Bulletin Diplomatique du Club des Professionnels Africains de la Diplomatie, elle parle de sa riche expérience professionnelle. Ambassadeur du Burkina Faso auprès de l’Italie de 1994 à 2003, Quel bilan faites-vous de votre action à la tête de cette Ambassade ? Il m’est assez inconfortable de faire un tel bilan, surtout près d’un an après avoir quitté ce poste. En plus, je suis adepte du : « bien faire et laisser dire ». Du reste mon rapportbilan avait été soumis à qui de droit en son temps, qui l’a apprécié. Je ne pourrais ni ne voudrais donc y revenir en détail, étant encore dans une forme de continuité sur une autre mission en cours. Convaincue que chacun doit apporter un plus partout où la responsabilité l’appelle, j’ai beaucoup innové en multipliant les initiatives tous azimuts. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux, les homologues, les Burkinabé de cette zone ainsi que les observateurs résidents ou de passage semblent avoir jugé positifs les résultats auxquels je suis parvenue, aidée bien sûr de mes collaborateurs. En témoignent les nombreuses distinctions et marques de reconnaissance et d’amitié dont j’ai bénéficiées et le fait que mon départ de Rome fut perçu par beaucoup comme un drame. Ambassadeur à Vienne depuis juin 2003, vous étiez présente à Ouagadougou lors des dernières consultations Autriche-Burkina. Au regard des résultats obtenus, comment se porte la coopération entre nos deux pays ? Elle se porte très bien d’autant plus que le Burkina Faso est un pays de concentration de la coopération bilatérale autrichienne. Il existe aussi une assez importante coopération décentralisée peu connue. Vieille d’une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis l’ouverture du centre austro-burkinabé de Gounghin (aujourd’hui Centre Bruno Buchwieser du nom de son fondateur) en passant par l’opération 30 000 charrues dans les années 80, la coopération Autriche-Burkina s’est dotée ces dernières années d’instruments juridiques et d’un programme qui fixent le cadre et les conditions de notre partenariat. Il s’agit de l’Accord général de coopération économique, technique et sociale de 1991, du Protocole d’accord de 1995 établissant le Bureau de coopération à Ouagadougou et de l’adoption en 2002 d’un Programme Indicatif de Coopération (P.LC) triennal et renouvelable. Focalisé sur la lutte contre la pauvreté, le P.LC 2002-2004 s’évalue à près de 7 milliards CFA (dont 2,7 milliards pour l’année en cours) et couvre les domaines du développement rural, de l’enseignement technique et la formation professionnelle, de l’environnement, de la promotion de la Femme et de la lutte contre le VIH/SIDA dans plusieurs provinces du Burkina. Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été le plus souvent confrontée en tant que Chef de Mission Diplomatique ? En tant que femme CMD ? En tant que femme africaine CMD ? En tant que Chef de Mission Diplomatique c’est surtout le manque de moyens adéquats (matériels, financiers, ressources humaines) pour faire face à la charge et tenir le rang mais aussi l’insuffisance de mécanismes fonctionnels d’interaction dans les rouages de notre Administration. Il faut alors souvent développer de l’imagination et de l’ingéniosité pour que ça marche. En tant que femme Chef de Mission, la principale difficulté est liée au fait qu’il faut « être au four et au moulin » pour concilier à la fois les exigences de gestion du service et celles de gestion ménagère (faire les provisions, veiller à la bonne tenue de la maison, mettre la main à la pâte et recevoir). En tant que femme, on a un volume de travail plus important. En tant que femme africaine Chef de Mission Diplomatique, je ne relève aucune difficulté particulière qui ne soit déjà relevée ci-dessus. En dehors de cela, c’est au contraire un atout car si l’Afrique est généralement à la traîne pour bien des questions, pour celle-ci, tous les observateurs s’accordent à reconnaître l’avance des Etats africains quant au nombre de femmes nommées à la tête des Missions diplomatiques. Comment arrivez-vous à concilier les exigences familiales aux exigences du métier ? J’ai déjà répondu plus ou moins à cette question plus haut. Comment j’y arrive ? Je m’organise. Le succès de toute action réside d’abord dans l’organisation, surtout quand vous devez vous occuper de mille et une choses à la fois. Toutes les tâches chez moi sont agencées, notées, minutées, frisant la « manie » mais il n’ y a que de cette façon qu’on s’en sort. Quelles aptitudes pensez-vous qu’une femme doit avoir pour être un bon CMD ? Vous savez, je pense que les aptitudes doivent être les mêmes que chez un homme Chef de Mission Diplomatique, c’est-à-dire : la compétence, l’aisance dans les relations publiques, la maîtrise de la négociation, le sens du devoir et de l’intérêt supérieur du pays, le courage des opinions, la propension à l’écoute, le calme dans la prise des décisions. Au cours de votre longue expérience diplomatique quelle a été selon vous votre plus grand point de satisfaction ? Longue c’est trop dire ! Moi, ma satisfaction je la tire, comme je l’ai déjà dit, de la satisfaction que mon travail a pu générer chez les personnes qui m’ont jugée digne de confiance et de l’appréciation du grand jury que constitue l’opinion publique. Je pense à quelques points en particulier mais je ne vais pas m’étaler là-dessus. Quels conseils donneriez-vous à vos jeunes sœurs africaines qui souhaiteraient embrasser la carrière de diplomate ? Je leur dirai : « foncez, il n’ y a pas de citadelle imprenable ». Pas plus le métier de diplomate aujourd’hui que naguère celui de médecin longtemps réservé aux seuls hommes. Qui s’en souvient encore ? Interview réalisée par Evelyne Ilboudo |