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100 carats pour un facilitateur ?

vendredi 23 octobre 2009.

 
Blaise compaore

Incontestablement, l’année 2009 aura été celle de l’affirmation du leadership pour le président Compaoré sur la scène internationale. Délaissant quelque peu les questions de politique intérieure, le chef de l’État burkinabè a pris le large. Au risque de se couper des réalités du pays réel.
Il court, Blaise Compaoré. Et avec lui, toute la diplomatie burkinabè. Il n’est pas un seul sommet ou une grande rencontre internationale qui ne soit rehaussée par la présence physique du doyen des chefs d’État de l’Afrique de l’Ouest.

Seul ou en compagnie de son épouse, la non moins médiatique Chantal, le premier magistrat du pays des Hommes intègres est de toutes les causes et dans toutes les sauces. A peine rentré d’un voyage qu’un autre est en bout de piste, pour le conduire à des milliers de kilomètres, loin de son Faso.

Humanitaire, environnement, développement durable, changement climatique, excision, emploi, conflit armé... Peu importe les thématiques et le continent sur lequel se déroule l’événement. Pourvu qu’il offre au grand sachem une opportunité de visibilité (“ODV” dans le jargon des publicitaires) satisfaisante aux côtés des « grands » de ce monde.
Lorsqu’il le juge nécessaire, l’Enfant terrible de Ziniaré n’hésite d’ailleurs pas à engager ses compatriotes dans l’organisation d’événements d’envergure continentale ou internationale. Toute chose qui a fait de son pays un carrefour important pour les décideurs de la planète. Mais aussi et surtout pour les pugilistes et autres diplômés ès conflits armés, tous en quête de sortie de crise.

De Lomé à Caracas, en passant par Paris et Bruxelles, bref, Blaise Compaoré est tombé sous les charmes de la communauté internationale et de ses innombrables conclaves. A la différence de certains de ses collègues qui, eux, préfèrent rester sagement assis dans leur fauteuil, lui a visiblement pris son passeport de citoyen mondial.
Invité à partager son expérience en matière de gouvernance, le Docteur Honoré ne refuse aucune tribune pour vendre son image d’homme d’État. Au contraire, c’est en bon stratège qu’il accepte parfois de parler au nom de ses pairs du continent, pour défendre leur cause. On peut même affirmer que ces derniers ont trouvé en la personne de Blaise Compaoré le porte-fanion idéal.
Devant des étudiants ou des universitaires réunis pour la circonstance, il dispense un « cours magistral » sur le dialogue des cultures. Ailleurs, c’est une homélie sur la résolution des conflits dont il fait une lecture applaudie, dans la pure tradition du “think-tank”.

Avec le temps, les fruits de cette débauche d’énergie aux quatre coins du monde ont commencé à se faire jour. C’est ainsi que même les plus farouches ennemis d’hier semblent revenus à de meilleurs sentiments envers l’homme fort de Ouagadougou. Ceux-là mêmes qui, hier encore, juraient sur tous les dieux que jamais ils ne se laisseraient attendrir sont rentrés docilement dans les rangs. Comme par enchantement, ils se sont convertis au réalisme.
Partout, on loue les qualités « exceptionnelles » de ce chef d’État « exemplaire » devenu « incontournable » par la logique des choses, et qui, à force de jouer les premiers rôles, ne laisse plus de place à son ministre des Affaires étrangères.

Sans aller jusqu’à faire de la figuration, Alain Yoda, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est bien obligé de s’accommoder de son rôle de porteur de valise, et de suivre le patron dans ses pérégrinations. Petite consolation quand même pour lui, il pourra partager son spleen avec un Bernard Kouchner ou une Hillary Clinton si, d’aventure, leurs chemins venaient à se croiser. Et pour cause, ensemble, ils partagent la même galère : celle de devoir supporter l’omniprésence d’un président qui a fait de la scène internationale sa chose personnelle.
Pour plusieurs présidents africains en conflit ouvert avec leurs oppositions respectives, l’expertise compaoréenne constitue un label de qualité. Par conséquent, c’est tout sourire que l’on s’en remet à l’arbitrage du Burkinabè pour débloquer des situations de dysfonctionnement institutionnel.
C’est le cas au Togo où l’affaire du président de la commission électorale, l’organe chargé d’organiser la présidentielle de 2010, était en passe de se transformer en couac et de faire dérailler l’ensemble du processus. Naturellement, en pareille occasion ce n’est que chez le facilitateur du dialogue « togolo-togolais » que l’affaire pouvait être réglée. Ce qui fut fait très rapidement.

Plus récemment encore, ce sont les protagonistes de la crise guinéenne qui ont vu leur dossier (fumant) atterrir entre les mains du président burkinabè, en vue d’un examen rapide. Et ce après le rodéo sanglant du 28 septembre dernier.
Au finish, c’est un Blaise Compaoré auréolé de nombreuses casquettes, distinctions et reconnaissances, qui poursuit inlassablement son tour du monde, sans le moindre geste d’attention à l’égard des sankaristes. Ces derniers viennent d’ailleurs de célébrer le 22e anniversaire de la disparition de leur leader, feu le capitaine Thomas Sankara.
Et pour ne rien arranger du tout, les sankaristes exigent désormais une expertise officielle pour déterminer avec précision, si oui ou non, la sépulture officielle du père de la Révolution burkinabè est bien la sienne. Les autorités politiques et judiciaires du Burkina vont-elles faire droit à cette requête ? Les semaines à venir nous situeront.

In fine, disons que si dans l’ensemble la diplomatie burkinabè sous l’ère Compaoré enregistre des succès indéniables à l’internationale ces dernières années, au niveau national, par contre, la voix du Président demeure toujours peu audible.
Peu prolixe, le Président, dont le mandat expire bientôt, préfère se réfugier derrière la Constitution, et laisser à son bouillant Premier ministre le soin d’assurer la gestion quotidienne de la maison. Ce qui n’est guère surprenant à dire vrai. Après plus de deux décennies de pouvoir interrompu, ce n’est pas facile de reinventer la roue !

A. Traoré

Journal du Jeudi



Vos commentaires

  • Le 23 octobre 2009 à 03:57, par UnPassant En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Le titre “100 carats pour le Burkina” conviendrait mieux à cet article. Blaise ouvre une grande porte à la diplomatie burkinabé, qui pourra faire l’expérience des conflits internationaux. En faisant de notre pays une plaque tournante des affaires internationales, il attire des ressources et crée la confiance aux partenaires.
    Ce n’est pas un succès de Blaise c’est une chance pour le Burkina de développer une expertise et d’être vu et considéré dans le monde entier. On n’a pas besoin d’aimer Blaise pour le reconnaitre.

  • Le 23 octobre 2009 à 09:56 En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    où sont les 100 carats dont il est question dans le titre ?

  • Le 23 octobre 2009 à 10:00, par Le Gentil En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Griotisme quand tu nous tiens ! Il serait plus sage de l’aider à réussir brillamment sa sortie après près d’un quart de siècle de pouvoir. Ne voyez-vous pas ce pays à la peine comparativement à ceux qui ont réussi de vraies alternances pacifiques (Ghana, Mali, Bénin) ?

  • Le 23 octobre 2009 à 10:26, par Paris Rawa En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    On aurait pu lui donner le Nobel de la paix si ce facilitateur n’avait pas le passé qu’il a dans la politique nationale, s’il n’en était pas à son Nième mandat présidentiel, s’il n’avait pas fait de la démocratie burkinabè ce qu’elle est, s’il n’avait pas le résultat qu’on sait dans la lutte contre la pauvreté et la corruption dans son pays ! Qui sait ? 2010 aurait pu (et peut-être que 2010 peut encore) être pour l’occasion de quitter la présidence du Faso par la grande pour et de se consacrer pleinement à la scène internationale, dans un statut d’ancien chef d’Etat respecté. Il est fort probable que paradoxalement ses succès actuels ferment pour lui cette grande porte de sortie honorable s’il reste jusqu’en 2015 où il sera alors obligé de partir par respect de la constitution, ou alors d’être désigné lui aussi par la fameuse communauté internationale comme fauteur de troubles politiques. Il perdrait ainsi son aura de faiseur de paix !

    Nous verrons bien de quelle sagesse ou de quelle folie il est capable. Blaise Compaoré peut-il vouloir pour le Burkina, l’alternance paisible qu’il veut faciliter chez les autres ? La vérité des convictions est plus dans les actes que dans les paroles !

  • Le 23 octobre 2009 à 12:08, par drissa En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Très bel article. En effet notre cher BC n’a plus notre temps. Seul son aura personnel l’intéresse à présent et pour cela tout est bon à prendre même des rencontres bidons comme le forum sur le développement mondial qui a été un véritable flop, un échec notoire.

  • Le 23 octobre 2009 à 15:10, par moorbiga En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Je suis bien satisfait de comment vont les choses pour notre cher president. Il es bien vrai que Notre president n’est pas exempt de toute reproche suite a sa large gourvernance ,mais une chose au moins qu’il faut reconnaître est que à présent il veut travailler et qu’il pense pour son cher pays le Burkina.
    Être le representant des presidents de la sous région en Afrique en étant le president de l’un des pays les plus pauvres au monde n’est pas aussi facile.
    Du courage Blaise ,même si c’est difficile ,il n’est pas impossible de rectifier.

    Burkinabè de l’étranger.

  • Le 23 octobre 2009 à 15:35, par A’ nakonda En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Un mot dans ce texte un peu passionné mais qui me plait tout de même merite d’ être promu. Savez de quoi je parle ? Il s’ agit de "l’ expertise compaoréenne"
    Bon Mr le Journaliste

  • Le 23 octobre 2009 à 18:02, par Fasogoua En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Blaise aurait bien pu te prendre pour son griot mon cher journaliste si ce sont les eloges ce n’est pas un griot qui en manquera au plaisir de son maitre. Le bonheur vous attend tu dis bien qu’il se range derriere la constitution hein ok si tu le dis mais retiens bien que qui jettera le regard le 1er on verra qui verra le dernier le temps est si court pour nous s’il restera bien sous la constitution.....

  • Le 23 octobre 2009 à 19:29, par L’ invarriable En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Désormais avec le rôle de médiateur que joue notre président, le Burkina commence à avoir une visibilté dans le monde. Avant en europe, quand on te demandait de quel pays tu venais, et que tu disais Burkina Faso, on te demandait toujours où c’était.

    Maintenant certain arrive à situer le Burkina sur une carte.

    Mais j’ai une question qui me taraude depuis et je cherche une réponse. La question est : qui finance ces multiples missions de Médiation ?

  • Le 23 octobre 2009 à 22:15, par Abdoul Malick En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Je pense peut être qu’il recherche par là un Nobel de la paix. Mais il y a des hics :

    1. l’aboutissement heureux de toutes ses médiations et facilitations doit être effectif ;
    2. l’ombre de Tom Sank qui plane toujours ;
    3. le drame de Sapouy que la communauté internationale n’a pas encore oublié (ou feint d’oublier).

  • Le 24 octobre 2009 à 12:17 En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Le problème de Blaise est qu’il ne s’occupe pas des préoccupations du peuple depuis 22 ans et que l’on va continuer sur ce chemin de désespérance pendant encore au moins 6 ans (2015) ! On ne le voit jamais sur le terrain pour mieux appréhender les réalités d’un pays pauvre où la majorité vit toujours dans la misère pendant que quelques uns s’en mettent plein les poches par la corruption, la gabégie, les détournements, les trafics en tout genre... Il est toujours plus facile de regarder la poudre dans l’oeil de son voisin alors que l’on a une poutre dans le sien !
    Qui sait, peut être votre titre est en dessous de la vérité pour les avantages en nature que Blaise aura dans sa médiation (ne pas oublier que la Guinée est très riche dans son sous sol comme le Libéria ou Sierra Léone) ?

  • Le 24 octobre 2009 à 13:01, par arnauld de vaucluse En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Je voudrais tout simplement souligner que l’objectivité de toutes ses mediations que monsieur le journaliste veut nous vendre sont loin d’étre parfaites. je souligne en passant que : "il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué."l’impasse dans laquelle se trouve le CENI togolais n’est pas resolue, l’élection présidentielle ivoirienne prévue pour le 29 novembre est probablement incertaine.
    Je voudrais par ailleurs vous faire la remarque que, un president d’un pays pauvre qui ne vit que sur des subventions des pays riches ne peut se permettre d’avoir un avion présidentiel , et prendre le large quand bon lui semble au frais du contribuable.Juste une question pour votre prochaine édition ; combien côutent tous les déplacements de notre cher président du faso soit disant leaders dont vous exprimez votre fierté personnelle au moment où bon nombre de burkinabés se posent de multiples questions ; comment se loger , se nourrir,s’occuper de l’éducation de leurs enfants d’autant plus que la catastrophe naturelle du 1er septembre vient compliquer la situation de ces familles .
    Pour finir dites à notre tres cher president d’aller au moins rendre visite aux sinistrés.

  • Le 24 octobre 2009 à 14:30 En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    A la lecture de votre article, mon coeur est serre. Triste de tout ce que vous avez ecrit. Tout simplement, vous avez decrit la situation reelle dans laquelle les citoyens Burkinabe se trouvent. Laisses a eux memes dans la gestion quotidienne de leur misere et un president faisant le tour du monde a la recherche d’une reoonnaissance regionale et internationale.

    Est-ce la Region Africaine, la communaute Internationale, ou les Burkinabe qui ont elus Blaise Compaore ? Il est tres important que chacun sache d’ou il vient. Le jour ou les Burkinabe lassent d’avoir un president fantome, un president plus soucieux de gerer les problemes des autres que de ceux qui l’ont elus, la sous region africaine et la communaute internationale lui diront aussi merci. Le roi est mort, vive le roi. Ce sera ainsi.

  • Le 25 octobre 2009 à 10:52 En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

    Salut à tous
    Je pense que l’on dévie carrement du sujet les amis ;
    Aujourd’hui,nous parlons d’alternance, c’est une belle chose mais sachez que l’alternance, ce ne sont pas des mots mais c’est un acte par lequel une autre personne voir celle de l’opposition prend le pouvoir.Et bien chers amis ,vous conviendrait avec moi que depuis 10 ans aucune force politique de l’opposition n’a rassuré les burkinabé ;aucune d’entre elle n’a suscité del’émtion ou l’attention des autres par la qualité de ses idées ;nous avons une opposition de façade dont la seule bataille se resume en période électorale.Elle n’a pas de légitimié car elle est plurielle.je ne comprends pas aujourd’hui que l’opposition e soit pas capable de se reunir derrière un seul homme et avoir une seule voix.Ce n’est pas dans cette division que je leur porterai ma voix.car elle n’inspire pas confiance et donne l’impression que les choses vont changer.
    Donc,il faut conscientise cette classe politique afin qu’elle soit celle de l’union et non de la cission.sinon,blaise restera encore et encore.

    • Le 5 novembre 2009 à 00:00 En réponse à : 100 carats pour un facilitateur ?

      Je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire que l’opposition puissse se réunir derrière un homme, surtout si les orientations des différents partis sont très différentes. Mais ont-elles des orientations ?

      On accuse le pouvoir d’être responsable de l’absence d’alternance parce qu’il dispose de beaucoup plus de ressources et verouille le système, et c’est vrai. Mais l’opposition n’agit pas suffisamment pour se sortir de cette situation. Aucun parti d’opposition ne propose de projet, tout comme d’ailleurs le fameux CDP. Je dois dire que je suis très sceptique de toute la scène politique.

      Je pense qu’il suffirait qu’il n y ait, ne serait-ce qu’un parti d’opposition qui propose un projet de développement. Mais cela appelle à une réflexion profonde, et d’après ce que je vois, aucun ne s y est vraiment engagé. Autrement, je pense qu’il y aurait un plus grand équilibre des forces politiques avec l’adhésion suscitée. Même si l’alternance n’est pas immédiate, les choses commenceraient déjà à changer. Encore faudrait-il que les résultats des urnes soient respectés. Ah ! c’est compliqué.