Accès des femmes à la terre et aux intrants agricoles : Jusqu’à quand seront-elles des exploitantes sans terre ?L’article 62 de la loi n° 14/96/ADP du 23 mai 1996 portant Réforme agraire et foncière (RAF) précise que « les terres urbaines et rurales du domaine foncier national sont attribuées aux personnes physiques, sans distinction de sexe ou de statut matrimonial et aux personnes morales dans les conditions fixées par les textes ». La politique de sécurisation foncière en milieu rurale adoptée par le gouvernement en octobre 2007 vise entre autres, à assurer à l’ensemble des acteurs ruraux, l’accès équitable à la terre. Cependant, le poids de la tradition confère a la terre un caractère sacré, qui exclut la femme de sa gestion. Si la femme devait accéder à la terre, il n’y aurait plus de mémoires du foncier. On ne saurait plus à quel lignage appartient telle ou telle terre. Ce serait la mort de la tradition. La femme ne peut pas, par exemple, remonter les généalogies en raison de son statut. De ce fait, la société traditionnelle permet à la femme d’exploiter la terre sans en être propriétaire à part entière. Mais que faut-il faire pour aider les groupements féminins à travailler en toute sécurité ? L’exemple de la situation qui prévaut au Yatenga et au Passoré, dans le Nord du Burkina, tout comme un peu partout dans ce pays, demeure une préoccupation de taille. Nous y avons fait un tour du 31 août au 3 septembre 2009. A Bibiou, dans le département de Bagarré et à Lâ-Todin dans la province du Passoré, des femmes réunies au sein de groupements féminins de production se morfondent depuis trois ans. Et pour cause ? Ces femmes ont exploité pendant quinze ans, un espace qu’elles avaient demandé et obtenu gracieusement des mains d’un propriétaire terrien : quelques arpents de terres arides qu’elles ont restaurés au prix de mille efforts, par la pratique des techniques agricoles appropriées. Dès lors, elles y ont pendant la quinzaine d’années, a pratiqué la maraîcherculture. Grâce à l’apport du projet des activités intégrées des femmes, elles y ont réalisé un puits à grand diamètre pour le rayonnement de leurs entreprises et le plus grand bonheur de leurs familles respectives. Sa consœur Rosine Nanéma d’un autre groupement féminin dénommé Nabonswendé de Lâ-Todin/ Passoré, confirme que les femmes de son association, ont à chaque fois qu’elles ont sollicité des champs, bénéficié d’une terre dégradée mais qu’une fois restaurée, les propriétaires voyant la production abondante, la leur retirent en échange d’une aride et ingrate à la production. « C’est ce qui justifie le nomadisme terrien de certains groupements féminins », révèle-t-elle. Puis, dans un long soupir de désespoir, elle ajoute que les femmes de son groupement n’ont actuellement plus de terre à exploiter, depuis qu’elles ont décidé de faire le reboisement. Pour certains "latifundistes", le reboisement serait une manière pour les femmes de s’approprier des terres. De l’avis de Mme Berthe Compaoré, membre de l’Association pour la promotion de la femme et l’enfant, dans le Passoré, la femme est brimée et une telle situation est choquante : « Toi, femme, dans ton propre village, tu n’as pas droit à la terre par ce que tu es destinée à te marier et fonder une autre famille et chez ton mari aussi, tu es considérée comme une étrangère ! », déplore-t-elle. Dans ce cas précis, la coordonnatrice de ladite association, Mme Bibata Nabaloum, raconte que lorsque les femmes de Bibiou se sont vu confisquer leur terrain, aucun homme n’a essayé de les défendre. Se sentant menacées par tous et de tous les cotes, elles ont fini par y renoncer. Deux problématiques d’actualité Selon le directeur provincial de l’Agriculture et des Ressources halieutiques du Passoré, M. Fulbert Parou, l’accès des femmes à la terre et aux intrants agricoles constitue deux problématiques d’actualité en ce sens qu’il faut avoir l’un pour avoir besoin de l’autre. « Pourquoi les femmes qui travaillent la terre n’en possèdent pas, alors qu’elles sont les principales actrices du développement ? », se demande-t-on en toute logique. Pour M. Parou, la question ne se pose pas seulement au niveau des femmes, car même des hommes souffrent de ne pas pouvoir être propriétaires terriens. Il confirme que les types de terres auxquelles les femmes peuvent accéder sont généralement des terrains jugés hostiles à toute culture, parce qu’étant extrêmement arides, dégradés et ou apparemment, rien ne peut pousser. Heureusement, d’après M. Parou, les femmes des groupements ont été formées aux techniques d’exploitation des sols si bien qu’elles s’en sortent, quel que soit l’espace qu’on leur donne. Aussi, se servent-elles des technique de restauration de sols, pour aménager le terrain qui rapporte alors mieux et devient un objet de convoitise. Telle est la raison pour laquelle, certains propriétaires terriens n’hésitent pas à retirer leurs terrains, prétextant des raisons pas toujours fondées et oubliant qu’ils ne peuvent pas en prendre soin autant que les femmes. « Le problème est qu’on leur donne verbalement le terrain, si bien qu’on peut le leur retirer facilement », explique M. Parou. Celui-ci affirme que pour mettre fin à cette situation, le procès verbal de palabre a vu le jour. « Nous essayons de faire comprendre aux citoyens le bien-fondé du procès verbal de palabre qui sécurise toute personne travaillant la terre, surtout les femmes qui s’échinent dans les bassin rizicole et la maraîcherculture ». De son point de vue, c’est à ce prix que l’on pourra permettre aux femmes de mener les activités en toute sérénité. Pourquoi est-il si difficile pour une femme d’être propriétaire terrien chez son mari ? Pour les femmes de Lâ-Todin, les hommes se réservent les terres riches et fertiles et donnent les sols pauvres aux femmes pour qu’elles n’aient pas de bons rendements. « Les hommes sont jaloux de nous et ne veulent pas que nous soyons autonomes financièrement », affirme une des femmes de Bibiou. Et pour montrer la méchanceté des hommes, cette autre victime ajoute que « même si les hommes n’exploitent pas une terre, ils préfèrent ne pas la donner aux femmes ». C’est d’ailleurs là, qu’elles ont bâti toute leur renommée. Ces terres, sous-estimés de par le passé, produisent mieux. Ces terres deviennent ainsi des zones de convoitise si bien les propriétaires desdites terres n’hésitent pas à les retirer aux femmes après une ou quelques années d’exploitation. M. Sana soutient que de telles situations se présentent lorsque les femmes des groupements partent d’elles-mêmes demander le terrain. Sinon, affirme-t-il, là où il y a eu un aménagement avec l’intervention de l’Etat, elles peuvent en être propriétaires pour peu qu’elles respectent le cahier des charges. Ce cahier impose la restauration des sols en passant par les techniques d’exploitation naturelles à savoir la pratique du Zai, le cordon pierreux, les demi-lunes et autres. « Nous imposons un quota de 30% au minimum pour les femmes, dans les bassins aménagés. Nous avons même des sites où nous avons atteint un quota de 60 à 70% pour les femmes », a-t-il dit, tout en clamant que les meilleurs bassins rizicoles sont détenus par les femmes ; surtout, souligne-t-il, elles appliquent à la lettre les techniques que nous leur enseignons. Elles s’adonnent également aux cultures de rente telles que le niébé, l’arachide, le voandzou (les poids de terre). Sa majesté Naaba Kiiba, roi de Ouahigouya, un des cinq royaumes Mossé du Burkina, confirme que la tradition n’autorise pas la femme à être propriétaire terrienne. Il salue cependant la décision du gouvernement de donner la terre aux femmes. « La terre appartient à la famille. Et la femme vit dans la famille. Elle en est membre à part entière. Il est donc normal de rompre avec la loi traditionnelle et d’accepter la loi moderne qui stipule que, homme ou femme, nous sommes tous égaux devant la loi et avons les mêmes droits ». L’accès aux intrants agricoles Certains groupements féminins peinent à avoir les intrants et d’autres vont jusqu’à ignorer l’existence d’une quelconque subvention, à les entendre parler. Cependant, l’accès aux intrants agricoles est lié à leur disponibilité sur le marché, d’une part, et d‘autre part, au pouvoir d’achat des femmes ; par ailleurs, il y a de temps en temps, des opérations spécifiques de distribution entreprises par les services étatiques. Dans le dernier cas, les groupements peuvent déposer une demande auprès de la direction régionale en charge de l’Agriculture afin de disposer des intrants qu’ils mettront en vente à des prix sociaux. Par ailleurs, des kits composés de semences, d’engrais et de pesticides ont été remis aux ménages les plus vulnérables pour reconstituer leurs stocks alimentaires, face à la flambée des prix. Que faire pour aider les femmes à s’approprier la terre ? De l’avis du président-fondateur des groupements Naam, M. Bernard Lédéa Ouédraogo, il est nécessaire que les femmes soient des propriétaires terriens pour travailler en toute tranquillité, pour le bien de toute la famille. Et cela, dans le sens d’une complémentarité entre les biens de l’homme et ceux de la femme, pour le bien-être de leurs progénitures. « En donnant à la femme, la possibilité d’avoir son propre argent, toute la famille en bénéficie largement, à commencer par le mari », affirme M. Bernard Lédéa Ouédraogo. Dans cette logique, la fédération des groupements Naam accorde aux femmes un appui constant. Il suggère que la femme soit considérée comme une citoyenne à part entière, sans aucune discrimination et qu’elle soit aidée dans les négociations des microcrédits qu’accordent les Partenaires techniques et financiers (PTF). « Nous les formons dans ce sens et les appuyons dans les négociations avec les PTF. Nous sensibilisons aussi leur mari afin qu’ils leur permettent de s’épanouir, à travers les activités des groupements, pour le bien de la famille », soutient-il. M. Seydou Sana est d’avis qu’il faut plaider en faveur des femmes pour améliorer leur situation. Cela passe par une intensification de la sensibilisation des hommes et de tous les leaders d’opinion. Aimée Florentine KABORE Sidwaya |
Vos commentaires
1. Le 6 octobre 2009 à 01:27, par vwadhemar En réponse à : Accès des femmes à la terre et aux intrants agricoles : Jusqu’à quand seront-elles des exploitantes sans terre ?
La réelle solution est effectivement que les femme prenne la terre en mains, Mais pour cela il faut quelle ce regroupe en coopérative au tout les rôle sociale soit repris genre kibboutz, cultivé ce fait pas sans équipement et il na pas que l’agriculture qui devrait ci développé plein d’autres métier devrais êtres présent dans ces coopératives, ce qui éviterais la trop grand concentration autour des ville, et protègerait les campagnes de ce vidé et êtres négligé, une vrai solution de relance économique pour l’Afrique.