Téléphonie Mobile : le business des cartes prépayéesLa téléphonie mobile a explosé au Faso. Les Burkinabè privilégient davantage les prépayés parce que, comme ça, il n’y a ni facture ni redevance en fin de mois. Donc pas de surprises désagréables. Les vendeurs de cartes téléphoniques ont envahi nos rues pour un business florissant qui enrichit surtout ceux qui peuvent " acheter en gros ". Ils sont des centaines à Ouagadougou à gagner leur pain grâce au boom de la téléphonie mobile. A chaque carrefour, du matin au soir, ils agitent leurs panneaux, courant chaque fois qu’un véhicule s’arrête, chacun espérant conclure la vente. Des grossistes accrédités Chez les trois opérateurs de téléphonie mobile, le circuit de vente de cartes de téléphone est le suivant. Un grossiste achète pour plusieurs millions de francs de cartes qui sont ensuite réparties vers les points de ventes où s’approvisionnent les clients. Le nombre de grossistes dépend des opérateurs, mais tous exigent des garanties. Les responsables commerciaux parlent alors de grossistes accrédités. C’est-à-dire présentant des garanties financières suffisantes (des cautions s’élevant à plusieurs millions de francs), inscrits au registre du commerce et disposant de locaux commerciaux. Des grossistes qui font leurs bénéfices, non pas sur un achat en dessous du prix, mais sur un pourcentage négocié avec l’opérateur (entre 6 et 10%). Nichée au fond du jardin Ouaga-Loudun, à quelques encablures du rond-point des Nations Unies, le kiosque d’un grossiste. Ils sont une dizaine de revendeurs, comptant et recomptant leur argent en attendant qu’on leur délivre leur précieuse marchandise. Thierry est un de ceux-là, aujourd’hui, il achètera pour 50 000 francs de cartes qu’il distribuera à ses revendeurs. " Sur une carte de 5000, mon vendeur en garde 100 et moi 200, explique-t-il, si ça marche bien, je peux me faire entre 3000 et 5000 francs de bénéfice par jour, mais gare aux voleurs ". Car, rien n’est plus facile pour un revendeur de cacher une partie de ses bénéfices à son patron. Puis de racheter un lot de cartes, dont il empochera la totalité des gains, rendant les invendus à son patron… Si cette pratique malhonnête existe, les petits vendeurs craignent surtout le vol à l’arraché de leurs panneaux. Certains comme Badiou ont trouvé la parade, ils attachent à leur poignet leur précieuse marchandise… Des situations disparates Car pour lui comme pour tous ses " collègues ", la marchandise est précieuse. En effet, les vendeurs au détail font leur marge prix d’achat inférieur à celui indiqué sur la carte. "Par exemple une carte de 5000 me coûte en réalité 4700 francs, donc je gagne 300 francs", explique Jean. Installé le long de l’avenue de l’aéroport. Jean travaille de 8 heures à 20 heures, " les bons jours, je peux vendre 30 000 francs de cartes ". 30 000 qui lui rapporteront 1 500 francs à la fin de la journée. Sambo, lui, a 16 ans. Les cartes lui sont confiées par son grand frère qui partage avec lui les bénéfices. Des bénéfices qui lui permettent de suivre les cours du soir… La situation des petits vendeurs de cartes est, pour le moins, disparate, si certains réussissent à tirer des bénéfices substantiels de ce commerce, les plus faibles et les plus jeunes courent toujours le risque de tomber entre les mains d’un exploiteur. Vendre des recharges pour construire son avenir Ahmed Sondé a quinze ans. Posté le long du bitume, il chasse le client de 7 h 30 à 18 h 30. Espérant vendre ses recharges. Cela fait trois mois qu’il arpente son bout de route près de Charles de Gaulle. Ahmed travaille pour un étudiant qui, chaque jour, lui confie pour quelques milliers de francs de cartes. " Je peux vendre pour 15 000 francs de cartes les bons jours et pour 7 500 les mauvais. " Ahmed trime toute la journée, tout le mois pour un salaire de 300 francs par jour. Ce jeune " galérien " envoie plus de la moitié de son maigre butin au village. Un village où il ne rentrera que dans trois ans. " Je suis là depuis un an. Je suis venu récolter de l’argent pour mon avenir. Quand je rentrerai au village je pourrais m’installer et me marier… " Ahmed ne craint qu’une seule chose, que les autres vendeurs lui volent ses cartes : " ça m’est déjà arrivé ", se souvient-il. Par Simon Makhno |