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Vie chère : de mal en pis

vendredi 4 avril 2008.

 

"Les gens vont marcher et remarcher, mais nous ne pourrions lutter efficacement contre la vie chère que lorsque nous allons produire notre nourriture". Ces mots du Premier ministre Tertius Zongo, adressés à un député qui l’interrogeait sur les mesures prises pour lutter contre la vie chère, posent avec acuité le défi auquel sont confrontées les élites africaines à l’heure de l’ultralibéralisme dominant. Il s’agit "d’oser inventer l’avenir" du continent africain face à une adversité prédatrice, en gardant les yeux secs.

A-t-on besoin de le redire, le développement tel que conçu actuellement par nos classes dirigeantes, fait de l’Afrique la cinquième roue du carrosse, juste bonne à fournir la matière première pour alimenter les secteurs secondaire et tertiaire des autres pays. En retour, nous importons l’avoir et le savoir des autres, perpétuant le pacte colonial et la misère qui va avec. La globalisation de l’économie a davantage précarisé nos économies qui seront bientôt "désarmées" avec l’entrée en vigueur des Accords de partenariat économique. L’Afrique a beau faire de la résistance, cette issue est quasi inéluctable en raison du rapport de forces qui penche fortement du côté de l’Occident.

Criblé de dettes, n’ayant rien d’attrayant à proposer dans le cadre du commerce international, en retard sur le plan agricole et enfin désarmés tarifairement, les pays africains sont en voie d’explosion sociale. De Ouagadougou à Dakar, d’Abidjan à Douala, la rue gronde et, sa voix pourrait avoir des répercussions dangereuses et mettre en péril les fragiles processus démocratiques entamés il y a deux décennies. Ce n’est pas tant que nos gouvernants ne sont pas animés de bonne volonté ou n’aient pas de projets porteurs, mais parce que le projet micronational de développement a montré des limites objectives. On en revient aux thèses fédéralistes élaborés par les pères fondateurs, élites conscientes et conséquentes (Cheick Anta Diop, Kwamé N’Krumah, Frantz Fanon) et qui dorment dans les tiroirs du fait de l’égoïsme des classes dirigeantes.

Dans sa thèse d’Etat portant sur l’Etat africain, Salif Diallo a réactualisé le débat et dégagé des pistes que sa gestion du pouvoir d’Etat lui a permis d’élaborer. Le matériau existe donc, et, il va falloir s’en servir hic et nunc, pour éviter un drame à l’échelle du continent. Nous n’en prenons pas le chemin, avec ces micronationalismes qui se manifestent, çà et là, certains Etats n’hésitant pas à diaboliser leurs voisins, alors que leurs problèmes viennent de leur propre incurie. l’Afrique, théâtre des marionnettes et des poupées russes, traîne son mal-être au grand dam et ses fils de plus en plus désenchantés et désargentés. "Même piment, il est cher", comme dirait l’artiste. Tristes tropiques !

Boubakar SY
magnansy@yahoo.fr

Sidwaya