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Elargissment de l’Union européenne : L’Afrique interpellée

jeudi 6 mai 2004.

 

Le 1er mai de cette année a été marqué par deux événements
majeurs aux niveaux international et européen. Le premier est la
traditionnelle fête du travail célébrée depuis 1890. Le second
événement est l’élargissement de l’Union européenne (UE) qui
est passée de 15 à 25 membres.

Tout partisan de l’intégration,
quelle que soit son origine devrait, en principe, s’en réjouir.
L’acte est à saluer à sa juste valeur vu que des pays acceptent
de faire des concessions, abandonner des aspects importants
de leur souveraineté et se faire phagocyter. Pour que cela
puisse marcher à merveille, il faut incontestablement une bonne
dose de volonté politique tournée vers l’intégration véritable.

Ici,
on ne peut s’empêcher de penser à l’Afrique où, bien que
l’intégration soit sur toutes les lèvres, la balkanisation est
toujours de mise. La conception selon laquelle il vaut mieux être
tête de rat que queue de lion est fortement ancrée dans les
esprits. Feu le président Félix Houphouët Boigny, l’on se
rappelle, s’est illustré dans ce sens en disant un jour, que la
Côte d’Ivoire ne sera pas la vache laitière de l’Afrique de l’Ouest.

Pourtant, il faut se départir de cet état d’esprit et se mettre à l’air
du temps qui est celui des regroupements sous-régionaux. Il
est une vérité de Lapalisse que de dire que tout seul l’on ne peut
rien. La force résulte de l’union. Cette vérité est encore crue
aujourd’hui avec la globalisation et la mondialisation ambiantes.
L’Afrique a-t-elle réellement pris conscience de cette réalité ?

La
réponse est à la fois affirmative et négative.
La première catégorie de réponse tire son fondement du fait
que la plupart des pays du continent noir se sont mis à l’école
de l’intégration et de l’unité dès les indépendances. L’exemple le
plus illustratif est la création en mai 1963 de l’Organisation de
l’unité africaine (OUA) qui a été la concrétisation, certes partielle,
du rêve d’un panafricaniste comme Kwame N’Krumah. L’on ne
s’est pas contenté de cette seule structure car des cadres
sous-régionaux aux objectifs intégrationnistes ont vu le jour.

Pour prendre l’exemple de l’Afrique de l’Ouest, il y a, pêle-mêle la
Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO), la Communauté économique ouest-africaine
(CEAO), l’Union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA), le Conseil de l’entente, etc. Chacun de ces
organismes oeuvre à sa façon pour atteindre cet objectif.

Jusque-là, celui-ci semble être une ligne d’horizon difficile à
atteindre et des organismes comme la CEAO ont tout
simplement abandonné la marche. Ceux qui n’ont pas disparu
sont devenus l’ombre d’eux mêmes, des coquilles vides. Ce qui
prouve qu’il ne suffit pas de créer seulement des structures pour
réaliser l’intégration. D’où la réponse négative à la question
posée ci-dessus.

En matière d’intégration et d’unité, le continent africain a une
attitude paradoxale. En effet, sans se laisser complètement
entraîner dans le mouvement, l’Afrique ne reste pourtant pas en
marge. L’on est en face ici d’une situation de "un pied dedans,
un pied dehors". Dans leurs discours, les dirigeants sont de
fervents partisans de l’intégration et de l’unité du continent. Mais
dès lors qu’il s’agit de poser des actes allant dans ce sens, ils
se rebiffent. Dans le meilleur des cas, ils agissent sans
conviction d’où le folklore, le formalisme qui prend le dessus.

En
somme, les dirigeants sont des obstacles sérieux à la
réalisation formelle de l’intégration et de l’unité. Et on en vient à
regretter l’absence des panafricanistes convaincus. Kwame
N’Krumah n’a pas eu suffisamment tôt des émules et des
disciples parmi les politiciens pour poursuivre et porter haut le
flambeau de l’intégration. Les populations qui ont devancé les
tenants du pouvoir sur ce terrain, le font finalement mieux.

Ceci
achève de convaincre que l’union africaine est possible étant
donné l’existence d’atouts comme la prédisposition des
populations, l’unicité de la monnaie comme le franc CFA en
Afrique occidentale et centrale. Un autre élément qui mérite
d’être signalé est l’intégration achevée, réussie en matière de
sport, notamment le football, avec les compétitions regroupant à
la fois des équipes d’Afrique noire et celles du Maghreb bien
que le coeur et l’esprit de ce dernier se sentent plus tournés
vers les pays européens du bassin méditerranéen.

Le contexte est donc favorable et il est important de comprendre
que les regroupements régionaux ne se décrètent pas mais se
font sur le socle solide des critères de convergence. Les
populations doivent être incontestablement consultées par voie
de référendums. Sinon, elles ne se reconnaîtront pas dans ces
structures et organismes existant ou à créer parce qu’elles ne
reflètent pas leurs aspirations. Elles n’en connaissent même
pas le contenu. Le cheminement radieux de l’Union européenne
doit servir d’exemple et donner un nouveau coup de fouet à
l’Afrique.

Une fois de plus, les Africains doivent tourner le dos à la
balkanisation, ce mauvais héritage de la décolonisation. L’AOF
et l’AEF étaient des chances qu’il fallait conserver. Il est plus que
temps de prendre conscience et de poser les bases d’une
véritable union. Cela semble avoir été compris avec la
"refondation" de l’OUA, sous la houlette du guide libyen
Mouamar Khaddafi, et qui est devenue UA (Union africaine) avec
à sa tête, l’ancien président malien Alpha Omar Konaré.

L’ancien chef d’Etat malien, panafricaniste bon teint et
intellectuel engagé, représente probablement une chance pour
l’Afrique en quête d’intégration et d’union. Mais il faudrait avant
tout que les guerres et les fraudes électorales cessent, que la
transparence et la bonne gouvernance soient partout en vigueur,
pour que soient endigués les pillages et les coups d’Etat.

Enfin
il faudrait que les gouvernants veuillent bien donner à Alpha
Konaré un blanc seing dans la conduite de l’UA. Ce qui relève
quasiment de l’utopie, les chefs d’Etat africains étant, pour la
plupart très sourcilleux de leurs prérogatives et privilèges de
Seigneurs.

Le Pays