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Ildevert Méda : "S’il le faut, je raserai ma barbe ..."

lundi 30 octobre 2006.

 
Ildevert Méda

Il est l’un des acteurs de théâtre et de cinéma burkinabè qui ont actuellement le vent en poupe car faisant montre d’un immense talent. Ildevert Méda, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a joué dans pas mal de pièces théâtrales et de films. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder le lundi 9 octobre dernier, il se dévoile, parle de son métier...Une vraie causerie.

Peut-on davantage faire connaissance avec notre interlocuteur ?

• Je me nomme à l’état civil Ildevert Méda. J’ai 40 ans. Je suis comédien et metteur en scène. Je m’essaie un peu aussi au cinéma.

Ildevert c’est quand même un prénom rare...

• Je m’en inquiétais un peu aussi mais j’ai entendu ce prénom ces dernières années. (Rires !!!). Je crois même qu’il y a quelqu’un à l’Assemblée nationale qui porte ce prénom.

Et quelle en est au fait l’origine ?

• C’est un prénom médiéval français des années 1500. C’est tout ce que j’en sais.

Comment es-tu arrivé au théâtre dans lequel tu excelles d’ailleurs ?

• Il faut dire que j’exerce le métier de comédien depuis une quinzaine d’années. Je suis sorti de l’école de théâtre de l’UNEDO (Union des ensembles dramatiques de Ouagadougou) du Pr. Jean-Pierre Guingané, après un parcours universitaire en Fac au département d’anglais. J’ai pu intégrer cette école suite à un test de sélection de comédiens en 1990. Cela, après être rentré des Etats-unis où je suivais un stage. C’est au terme donc de ma formation à l’UNEDO que j’ai choisi de faire du théâtre mon métier. Depuis lors, avec d’autres complices tels Alain Hema, Etienne Minoungou, Charles Ouattara, nous nous dévouons corps et âme pour les planches.

Pour bon nombre de personnes, beaucoup s’adonnent au théâtre parce que qu’ils n’ont pas eu d’autres débouchés ?

• Non ! Je ne crois pas qu’une telle opinion est fondée. C’est peut-être une impression. Et quoi qu’on dise, l’art a toujours été mal perçu. On trouve que ceux qui s’adonnent à l’art ne sont pas sérieux. Mais je crois qu’avec la professionnalisation des métiers de l’art à laquelle on assiste de nos jours, les gens commencent à comprendre que ce sont des choix raisonnables, des métiers comme tant d’autres.

On sait que toi tu fais à la fois du théâtre et du cinéma. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que tu optes définitivement un jour pour un de ces deux arts ?

• A mon avis, c’est avant tout le métier et les propositions qui nous guident. Sinon je me sens bien au théâtre même si je fais de temps en temps du cinéma. Je me reconnais comme artiste de théâtre en ce sens que la prise de risques dans ce domaine est totale. Et ça c’est palpitant pour moi. J’ai besoin de ces prises de risques à tout moment, d’être sur scène pendant deux mois en ne sachant pas ce que le spectateur pensera du travail que je lui proposerai, même si je l’ai fait avec toute mon énergie et tout mon talent.

Le théâtre est un art vivant qui me permet de vivre avec le public qui peut me soutenir ou pas. Au cinéma, c’est tout le contraire. Il y a beaucoup de possibilités techniques de reprendre les choses, de les parfaire avant de les proposer au public. Ce qui me paraît beaucoup plus figé comme art.

Est-ce qu’ Ildevert vit de son art ?

• Oui ! Je vis totalement de mon art.

Pour toi ça paye bien alors...

• Est-ce que cela paye bien ? Je pense que tant qu’on arrive à survivre avec ce qu’on fait comme boulot, on n’a pas à se plaindre. Je me demande s’il y a un boulot qui paye bien particulièrement. Dans notre contexte africain, ça n’existe pas.

Es-tu marié ? As-tu des enfants ?

• Oui ! Je suis marié et père d’un petit garçon qui se prénomme Darius et qui est âgé de 4 ans et 6 mois.

Comment tu es perçu dans ton entourage ?

• Nous les comédiens, on est toujours atypique aux yeux des autres. On nous perçoit un peu bizarrement parce que, pour quelqu’un qui a fait un cursus scolaire et universitaire, on s’attend à ce qu’il soit rangé, qu’il assume de hautes fonctions. Mais quand on voit que cette personne s’amuse, fait du théâtre son métier toute sa vie, on se pose de sérieuses questions sur lui. Pourtant, cette personne peut bien s’en sortir, exceller et vivre du métier de comédien. Toutefois, il faut avouer que notre statut perturbe dans la société. La raison étant simple : l’art perturbe toujours par essence.

As-tu d’autres passe-temps en dehors des métiers de l’art ?

• Absolument ! C’est la musique que j’aime bien et que je fais. Je compose des chansons. Il faut dire que le théâtre m’a arraché à la musique en fait, sinon j’étais un musicien au départ. J’ai bossé avec l’orchestre de l’université de Ouagadougou à un moment donné et ceux de certains quartiers.

Pour revenir à ton passage au département d’anglais de l’université de Ouagadougou, qu’est-ce que cela t’a apporté ?

• Je parle couramment l’anglais et j’ai même enseigné cette langue pendant des années.

Fais-tu autre chose qu’incarner des personnages dans le théâtre et le cinéma ?

• J’essaie d’écrire des textes. Je fais des adaptations d’œuvres. Je conçois des choses à l’intérieur du métier, à savoir des mesures d’accompagnement en la matière. C’est ainsi qu’en ce moment, avec des collaborateurs, nous sommes en train d’installer un espace culturel qui s’appelle "Le Cartel" ; un vieux projet. Ce sera un espace de rencontre, de lecture en ce sens que depuis des années nous sommes en train d’y constituer une bibliothèque. En outre, je peux citer par exemple "Les récréatrâles", une manifestation que d’autres collègues et moi avons créée.

Parle-nous d’une journée ordinaire d’Ildevert Méda.

• Moi je suis très lent à être d’attaque le matin. Quand je me réveille, je traînasse un peu à prendre un thé et à ne rien faire, à me prélasser. Après quoi je commence très souvent ma matinée par la lecture. Il en est de même pour la soirée que je termine par un peu de lecture.

Est-ce à dire que tu n’es pas maquisard ?

• Je ne suis pas un grand maquisard parce que moi, mon maquis, c’est la buvette d’à côté et ça se limite là. Ce n’est pas pour autant que je déteste les maquisards. Je n’ai pas l’habitude d’aller en boîte de nuit. J’adore boire de temps en temps un coup avec mes amis et raconter des histoires.

Ildevert a joué dans des films de Boubacar Diallo. Comment s’est passée ta rencontre avec ce réalisateur ?

• Il faut dire que Boubacar Diallo me connaissait car étant acteur dans le milieu cinématographique. Ce d’autant plus qu’il était un scénariste connu déjà à travers le concept "Kadi Jolie". Et c’est tout naturellement qu’il m’a contacté quand il a imaginé des films, histoire de me proposer des rôles.

A propos, j’ai beaucoup soutenu son projet de faire du cinéma à moindre coût et qui permet aux artistes de travailler régulièrement. C’est d’ailleurs surprenant que Boubacar Diallo, qui n’est pas quelqu’un du milieu, ait eu cette ingénieuse idée. En cela, je soutiens à bloc son initiative et je lui ai signifié cela.

Est-ce qu’il y a des séquences ou des scènes de pièces ou de films dans lesquelles tu as joué et qui t’ont donné beaucoup de satisfaction ?

• La remise en question de soi est permanente mais il faut reconnaître qu’il y a des grands moments de risque partagés avec des partenaires sur scène en relevant le jeu de l’autre ou vice-versa. Ce sont des moments très agréables, intenses, qui peuvent rester gravés dans la mémoire. Ce n’est pas l’exploit dans une scène réussie en tant que tel, c’est généralement le danger partagé avec le partenaire qui est très palpitant. Et ces moments, j’en ai vécu énormément et j’en suis ravi.

Tu as joué dans la série "Kadi Jolie" ; comment en es-tu arrivé là ?

• Cela a été tout à fait naturel dans la mesure où nous étions un groupe de gens qui travaillaient ensemble au théâtre. Amina Diallo Glez alias "Kadi Jolie" elle-même, Alain Hema, la regrettée Justine Sawadogo et bien d’autres. Et c’est là qu’une fois le maestro Idrissa Ouédraogo est venu suivre quelques-unes de nos représentations et nous a fait savoir qu’il aimerait entreprendre quelque chose avec nous. Il se trouvait par hasard que Jovial Productions avait en projet de réaliser une série et alors on s’est accordé et ça a donné "Kadi Jolie".

T’est-il déjà arrivé de refuser d’interpréter certains rôles ?

• Pour l’instant, je peux dire que je n’ai pas encore vécu cette situation. Il faut reconnaître que les scénaristes et les réalisateurs sont toujours ouverts au débat. Et en ce qui me concerne, s’il y a des rôles que je juge dégradants ou immoraux pour la société, mon métier ou moi-même, je n’hésiterai pas à cracher dessus. A défaut, je peux discuter avec le réalisateur pour comprendre le pourquoi de ce rôle ; et si cela se justifie artistiquement, je me range car pour moi il n’y a rien au-dessus de l’art.

C’est pareil quand on me demande souvent si je serais prêt à enlever ma barbe pour un film ; chose que je suis prêt à faire si cela se justifie artistiquement. Ma barbe n’est pas plus importante que l’art. A preuve, j’ai coupé mes dreadlocks que j’avais en Norvège pour l’art. Je ne vois pas ce que je ne ferai pas pour l’art tant que cela ne porte pas atteinte à ma dignité. Je ne suis pas esclave du look. Je le fabrique et le défais quand je veux.

Qu’est-ce que l’art a appris à Ildevert ?

• Le fait de m’accepter tel que je suis et d’accepter les autres. Je n’ai aucun complexe ; à être et non à paraître. Ce qui est tout à fait le contraire de ce que notre système éducatif, calqué sur le modèle français, nous enseigne : paraître et non être.

Côté gastronomie, quel est ton plat préféré ?

• J’aime bien le tô à la sauce de gombo frais avec du poisson sec.

Bien connu tel que tu es, ta femme n’a-t-elle pas du souci à se faire ?

• Non ! Ma femme n’a pas à s’inquiéter. On sait très bien faire la part des choses dans le métier. C’est bien vrai qu’on côtoie beaucoup de femmes, mais cela ne dépasse pas le cadre du boulot. Ma femme qui a un peu pratiqué l’art le sait très bien et il n’y a pas de problème entre nous.

Quelle appréciation fais-tu du théâtre et du cinéma burkinabè ?

• J’ai une appréciation assez mitigée. D’une part, quand je regarde toute cette jeune génération qui commence à croire aux métiers de l’art et qui se bat pour se former en la matière, je suis confiant quant à l’avenir du théâtre et du cinéma burkinabè. D’autre part, quand je pense que la professionnalisation des métiers de l’art ne peut se faire sans une prise de position des pouvoirs publics, je désespère. Surtout quand on sait que l’art a toujours besoin de subvention. Malheureusement, dans nos contrées, l’art n’en a pas. Des espaces culturels comme l’A.T.B, le C.I.T.O ne bénéficient d’aucune subvention de l’Etat et c’est dommage.

Boureima Diallo et Kader Patrick Karantao (stkaderonline@yahoo.fr)

L’Observateur Paalga



Vos commentaires

  • Le 27 janvier 2007 à 12:20, par ouédrago salimata En réponse à : > Ildevert Méda : "S’il le faut, je raserai ma barbe ..."

    merci à vous cher proffeseur car je vous ai eu comme proffeseur d’anglais à ma 5eme au collège victor hugo à goughin je vous souhaite de continuer longtemps dans votre metier.................

  • Le 20 octobre 2010 à 17:40, par la mere de tous En réponse à : Ildevert Méda : "S’il le faut, je raserai ma barbe ..."

    Mon fils Ildevert, je suis la mere de tous. Je vis aux USA et je te felicite pour tes prestations dans les telefilms burkinabe. Je vais te demander une chose qui me tient a coeur , ne te rase pas la barbe car l’homme a le droit d’etre ce qu’il veut etre, mais fais une coupe bien racourcie et nette de celle-ci. J’en serai contente.

  • Le 22 décembre 2016 à 10:43, par Georges de Fada N’gourma En réponse à : Ildevert Méda : "S’il le faut, je raserai ma barbe ..."

    Merçi a vous grand frére vous faite la fiérté du cinéma burkinabé !si jai un souhait c’est celui de vour rencontré un jour et de vous dire bravo !!!