Nucléaire : Faut-il tirer sur l’Iran ?Téhéran ne cesse de clamer son droit de faire partie du « club nucléaire » et de produire ce type d’énergie à des fins pacifiques. Sous la menace constante d’être traîné devant le conseil de sécurité, le pays des mollahs ne compte pas suspendre son programme nucléaire. Qui dit mieux ? Comment se terminera la longue marche de l’Iran vers la bombe atomique ? Pour le moment toute réponse reste hypothétique. Sommé de renoncer au nucléaire, Téhéran préfère transiger sur son programme avec la troïka européenne (France, Royaume-Uni, Allemagne). Cet enrichissement est indispensable pour la fabrication du combustible alimentant les centrales électriques civiles mais aussi pour la fabrication d’armes nucléaires. Faute de cette suspension, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait le devoir de saisir le conseil de sécurité pour d’éventuelles sanctions. Cependant, les Européens ont voulu éviter cette éventualité en prenant les devants et en pratiquant la politique de la carotte et du bâton. Le bâton, avec cette menace permanente d’un alignement de l’Europe sur la politique américaine de lutte contre la prolifération nucléaire de « l’axe du mal ». L’un dans l’autre, le pays des mollahs est déterminé à aller, en tout cas pour le moment, jusqu’au bout de sa logique nucléaire dite officiellement civile et pacifique. La logique iranienne contre tous ? Un des personnages charismatiques de l’histoire nucléaire américaine, le physicien Robert Oppenheimer, voyait dans l’arme atomique « un grand danger mais aussi un grand espoir ». Quant à l’espoir, il ressort d’une discussion entre Robert Oppenheimer et le physicien danois Niels Bohr. L’espoir réside dans le fait que, une fois la menace nucléaires intériorisée par tous, les nations feront bloc pour limiter la diffusion des armes atomiques, dans leur propre intérêt, et signeront des accords qui réduiront le danger des conflits nucléaires et parviendront à bannir la guerre elle-même. Effectivement, le traité de non-prolifération nucléaire est signé en 1968. Les pays signataires (183 à ce jour, plus les cinq grandes puissances) s’engagent à renoncer à se doter de l’arme atomique. Les grandes puissances assurent qu’elles oeuvreront au désarmement de leur propre arsenal et qu’elles éviteront le transfert vers des pays qui en étaient privés. Grâce aux diverses initiatives et aux accords pour la limitation des armements, Russes et Américains, ont été les premiers à retirer de la circulation des milliers d’armes nucléaires du champ de bataille et des missiles à longue portée. L’arsenal nucléaire américain compte environ 10 000 têtes nucléaires et le russe 16 000 contre respectivement 32 000 et 45 000 pendant la guerre froide. Le traité de Moscou que les présidents Bush et Poutine ont signé en mai 2002 oblige les deux pays à ne pas déployer plus de 2 200 têtes nucléaires stratégiques chacun jusqu’à fin 2012. La France et la Grande-Bretagne ont réduit leurs arsenaux. Comme on le constate, la volonté internationale d’éradiquer les armes nucléaires tangue. Il faut aller, en dehors de la Corée du nord, au Proche-Orient pour le constater, même s’il convient de reconnaître avant tout que les puissances nucléaires ne font pas assez d’efforts sincères pour réduire le nombre de leurs armes atomiques. Et si l’Iran a raison ! Pendant des décennies, l’Iran a cherché à se doter des moyens d’enrichir l’uranium par des centrifugeuses et ce, en contradiction avec les principes de l’AIEA dont il est signataire, qui lui exige de dévoiler ses activités nucléaires. Aujourd’hui, il n’est un secret pour personne, les mollahs veulent la bombe et cette volonté malheureuse ne saurait se démarquer du contexte géopolitique international. En soixante-et-un ans d’existence officielle, la bombe atomique a fini par convaincre les nations sur sept points essentiels : elle dissuade les agresseurs, assure l’indépendance et l’intégrité d’un Etat, garantit l’impunité des Etats détenteurs, favorise la négociation diplomatique, constitue un facteur d’instabilité et de stabilité et un critère de différenciation et de hiérarchisation des Etats dans le monde. Au regard de tous ces rôles que peut jouer l’arme nucléaire, peut-on refuser qu’un pays comme l’Iran cherche à s’en procurer ? L’hostilité des autorités américaines et israéliennes envers ce pays lui donne raison. L’Iran est entouré dans la région de trois puissances nucléaires le Pakistan, l’Inde et Israël. D’aucuns estiment que le nucléaire israélien constitue le grand handicap dans la résolution de la crise nucléaire iranienne. En avril 2004, Ariel Sharon, alors premier ministre, reconnaissait que son pays possédait un programme nucléaire. C’était la première fois qu’un officiel de l’Etat d’Israël confirmait ce dont on soupçonnait l’Etat hébreux. Le potentiel nucléaire israélien suscite une inquiétude arabe croissante d’autant plus que le dernier rapport de la commission de désarmement de l’ONU, classe l’arsenal nucléaire d’Israël au 4e rang mondial après les Etats-Unis, la Russie et la France. Ainsi, les pays du Moyen-orient, particulièrement l’Iran et dans une certaine mesure la Syrie, dans le collimateur des Etats-Unis, qui les soupçonnent de chercher à développer des armes de destruction massive comme l’Irak, peuvent « gloser » sur le « danger] » que constitue l’arsenal nucléaire israélien « pour la sécurité régionale et mondiale ». Il faut donc, pour résoudre le problème posé par le nucléaire iranien, résoudre aussi la question du programme nucléaire d’Israël. Car, seule une réduction négociée des arsenaux et une limitation imposée au développement des armes peuvent diminuer le risque à long terme pour tous. Par Michel Nana Bendré |