Yé Lassina Coulibaly, artiste musicien burkinabè vivant en FranceLa musique burkinabè existe bel et bien”
lundi 28 août 2006.Créateur avant toute chose, et attentif aux formes musicales les plus contemporaines, Yé Lassina COULIBALY réinvente la musique africaine à travers des rencontres avec des créateurs occidentaux et des entreprises artistiques audacieuses. A l’écoute du monde, il compose une musique qui témoigne d’une surprenante actualité. Musicien et danseur depuis son enfance au Burkina Faso, au Mali et en Côte d’Ivoire, Yé Lassina COULIBALY a suivi très jeune les différentes étapes d’initiation auprès de grands maîtres du Mandé. Yé Lassina COULIBALY construit ses spectacles comme un pont tendu vers les autres, vers l’avenir. Sa musique est vivante. Il ajuste son répertoire à sa sensibilité, à l’actualité, selon son inspiration. C’est avec cet artiste plein de talent que L’OPINION s’est entretenue pour le faire connaître davantage. Quel genre de musique faites-vous ? Yé Lassina COULIBALY (YLC) : Je pars de la tradition et j’essaie de donner une écriture un peu plus moderne en respectant toujours les instruments traditionnels. Combien d’albums avez-vous à votre actif ? (YLC) : J’en ai quatre sur le marché international. Bientôt je vais terminer un autre qui je l’espère sera prêt en 2007. Sur le plan national, je n’en ai pas pour le moment parce que je n’ai pas trouvé un producteur sur place. Vous n’êtes pas bien connu au Burkina comparé à l’Europe. Pourquoi ne faites-vous pas la promotion de vos œuvres ici ? (YLC) : Ce n’est pas parce que je ne veux pas. Tout dépend des acteurs culturels et des promoteurs de spectacles. C’est vrai qu’il n’y a pas une structure qui fédère les artistes qui sont prêts à donner leurs œuvres afin que le public puisse les découvrir. Si on prend les médias comme les radios, on a tendance à écouter les musiques modernes qui tirent vers le congolais, la Côte d’Ivoire ou le Mali... La musique que vous faites est le plus souvent tournée vers l’étranger notamment vers les Blancs qui semblent se l’accaparer. (YLC) : C’est ce qu’on dit effectivement ; mais je crois que tout dépend du travail des instruments. D’une manière générale que pensez-vous de la musique burkinabè ? (YLC) : Je pense que la musique burkinabè est en pleine croissance. Seulement il manque des structures pour mieux promouvoir cette musique au niveau national et international. Sinon de nos jours nous avons des jeunes qui montent mais qui ont besoin d’être mieux encadrés sur le plan de la professionnalisation. On ne naît pas avec la musique, ça s’apprend tout simplement. Justement en voyageant j’ai permis à des jeunes d’avoir une idée sur un studio d’enregistrement, une masteur, une prise de son, un mixage... En tout cas tout ce qui comporte l’industrie du disque. Lorsque l’artiste se rend compte de l’importance de tout cela, il se met au service de la recherche en profondeur. Certains avancent qu’il n’existe pas une musique typiquement burkinabè comme c’est le cas au Mali, au Congo, en Guinée, en Côte d’Ivoire... Est-ce votre avis ? (YLC) : Je crois bien qu’il existe un style burkinabè qui est lié à tous les pays ayant une diversité de langues. De nos jours, la musique africaine traditionnelle a tendance à disparaître au détriment des nouvelles sonorités européennes. Quel est votre avis là-dessus ? (YLC) : C’est vrai que la technologie est venue influencer un peu notre musique. On doit faire avec, car c’est le monde qui a ainsi évolué. Il ne faut pas le faire néanmoins à n’importe quel prix. Il ne faut pas le faire coûte que coûte dans l’intention de séduire un individu. Il faut chercher à comprendre quel est le juste milieu entre l’âme de la musique que tu connais et ce que tu peux ajouter au niveau de la technologie pour ne pas perdre la respiration de ta musique, c’est-à-dire la couleur locale. Le plus souvent, les gens ne se soucient pas des accords. Les instruments doivent être accordés par rapport à la musique qu’on va jouer. Par exemple si on prend la musique mossi, si on doit jouer du mooré de Ouagadougou ou celui de Ouahigouya, le ton peut être un peu nuancé. C’est ce qu’on appelle le dièse. Si on prend le dioula du Burkina et le bambara de Ségou au Mali, les tons sont différents. Il faut que les artistes apprennent à connaître leurs instruments. Ce qui signifie qu’ils doivent connaître les différents octaves dont disposent les instruments. A partir de ce moment, on peut savoir comment les exploiter en fusionnant avec la guitare, avec le clavier, avec le piano, avec le saxophone Mais tout ne peut pas aller n’importe comment. Souvent il y a des artistes amateurs qui jouent des rythmes très bien, qui font des variations, mais les instruments ne sont pas accordés comme il le faut. Avez-vous des relations avec des musiciens burkinabè ou africains qui vivent en France ? (YLC) : Je suis bien sûr en contact avec plusieurs artistes africains vivant en Europe. C’est aussi ça qui fait la diversité. Nous devons nous rassembler. Si on essaye de défendre uniquement une seule musique que ce soit le mooré, le samo ou le gouain, ce sera très difficile parce qu’on va manquer d’ingrédients nécessaires, on ne peut pas réunir sur place tout ce qu’il faut pour réaliser des musiques spécifiques dans les différentes langues citées plus haut. On est donc obligé de panacher avec certains instruments pour composer une musique mossi, samo, gouain, dioula, sénoufo... avec des accords. Justement dans mon deuxième album qui s’intitule « Bamanankan », le panache est tel que les gens n’hésitent pas à le coller une étiquette de musique malienne. C’est une question d’accords tout simplement. Ce sont des accords que j’ai utilisés et qui sortent un peu des sentiers battus. Il faut connaître cela car c’est très important. Il y a d’ailleurs des jeunes qui disent « tiens ce sont des accords de piano ». Pourtant ce n’est pas le cas. L’accord est universel. On peut trouver chez les Indiens, les Chinois, les Coréens... Chez tout le monde. Vous avez plus d’une vingtaine d’années en France, avec le durcissement des lois sur l’immigration dans ce pays, comment voyez-vous les choses ? (YLC) : Nous continuons toujours d’avoir des problèmes. Personnellement j’en ai eus. Tant qu’on vit dans une culture qui n’est pas la nôtre, il y a toujours des difficultés. La première difficulté c’est la communication ; la deuxième c’est la compréhension, la troisième c’est le symbole des choses, la quatrième c’est la diversité. En tant qu’Africain quand tu vis en France et que tu veux t’afficher comme un homme qui pense et qui réfléchit, c’est toujours difficile. Dans le passé, nous avons été colonisés par la France. Il faut le dire et l’accepter sans honte. La colonisation de notre continent est restée sous silence. Il est grand temps que cette partie de notre histoire soit clairement portée à notre connaissance afin de nous permettre de comprendre certaines choses. Cela permettra de nous restituer notre dignité. Ces difficultés de comprendre se compliquent avec l’agissement de certains dirigeants africains qui n’hésitent pas à mendier au nom de leur population. Cela complique la situation des Africains qui vivent en Europe. Ils sont considérés comme des hommes de seconde zone. Dans ces conditions, leur vie devient pénible à vivre. Même si par rapport à ton travail tu démontres que tu es réfléchi, tu seras toujours en arrière plan, tout simplement parce que tu es Africain. Face à cette situation comment vous vous organisez pour renverser la tendance ? (YLC) : C’est un combat qui n’est pas facile. A chaque occasion que j’ai un Européen en face de moi au marché, dans le métro, dans la rue... J’essaye de me montrer non violent, très simple en répondant les gens très correctement dans la dignité et le respect, sans vulgariser l’image qu’ils nous collent. En tant que citoyen français, je demande à tous mes frères africains qui sont en situation régulière de participer à la vie politique en votant par exemple. Cela permet de faire reculer un temps soit peu le racisme. Cela permet de barrer la route à certains dirigeants nationaux qui ont du dédain pour les Africains. Malgré ces difficultés que vous énoncez, vos frères africains tentent par tous les moyens pour y aller. Quels conseils pouvez-vous leur donner ? (YLC) : Le rêve fait partie de la diversité. Il ne faut pas condamner l’aventure, le voyage. Il faut favoriser par le biais de nos ambassades des conventions qui éclaircissent l’immigration. Il faut respecter le statut des travailleurs immigrés en France. J’ai l’impression qu’on nous frappe tous les jours avec le même bâton dans le même sac. Cela est inadmissible. Les gouvernements africains doivent traiter d’égal à égal avec le gouvernement français. Sinon nous en avons assez. Dans ces conditions est-ce que vous êtes optimiste pour l’avenir de l’Afrique ? (YLC) : Je suis optimiste bien sûr, à partir du moment où la jeunesse africaine se réveille avec des projets et qui a envie de donner le meilleur d’elle-même en s’ouvrant au reste du monde entier. Entretien réalisé par Drissa KONE L’Opinion |
Vos commentaires
1. Le 14 octobre 2006 à 15:11, par Dominique Louvet En réponse à : > Yé Lassina Coulibaly, artiste musicien burkinabè vivant en France
Bonjour,
Votre point de vue est fondamental et important pour sensibiliser la jeunesse française et toute la population, donner estime de soi aussi à vos compatriote
Je suis, par ailleurs, à la recherche de chants Burkinabé pour une classe de 5ème en France qui souhaite mieux connaître votre pays. Pouvez vous me donner des informations, des références, des partitions ou des références de disques.
Merci d’avance de votre réponse.
Dominique Louvet