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<I>Droit dans les yeux </I> : Un monde d’anomalies

mardi 1er août 2006.

 

Le ministre français de l’Intérieur dit que la France n’a pas besoin de l’Afrique. Pourquoi alors des bases militaires en Afrique ? Pourquoi soutenir des dictateurs africains ? Pourquoi attirer les intellectuels africains formés en Afrique par l’émigration choisie ? Il ne veut pas « la racaille ». Pourquoi vouloir une zone de libre échange et forcer les Africains à accepter les APE (accords de partenariat économique) ?

- Le premier monde, les pays riches, veut le développement de l’Afrique, mais attire les cadres universitaires, comme à Manchester où il y a plus de médecins originaires du Malawi qu’au Malawi même.

- En 2004, la Hollande est allée chercher des dizaines d’infirmières en Afrique du Sud. Des infirmières formées par l’Afrique du Sud qu’en a grandement besoin, parce que les Hollandais n’avaient pas assez d’infirmières. Vive les belles paroles d’aide !

- Le Canada fait de la publicité pour faire venir de l’Afrique les cadres supérieurs. Si un homme ordinaire veut un visa, il lui faut un courage hors pair, des mois d’attente avec, à la fin, très souvent un refus. Est-ce ainsi qu’on aide les pauvres à sortir de la pauvreté ?

- Libre circulation des marchandises, mais des murs, des soldats et des bateaux de patrouille pour empêcher la libre circulation des personnes humaines. Des poulets oui, des êtres humains, non.

- L’Amérique donne sur cinq ans, quatre milliards de dollars pour cinq ans à diviser par vingt-trois pays pour la lutte contre la pauvreté. En moyenne, vingt-huit millions de dollars par an par pays, somme juste suffisante au Burkina Faso pour combler la dette qu’il doit contracter pour soutenir son coton suite à la concurrence déloyale du Fonds américain MCA (Millenium challenge account) promis à la conférence sur le développement à Montery en 2002. En 2000, l’Amérique a subventionné son coton pour quatre milliards deux cents millions de dollars, un peu plus en une année que les fonds MCA pour 23 pays en 5 ans !

- L’Amérique a exprimé son intention, en novembre 2005, d’éliminer les subventions du coton sur une période de quinze ans. Dans ces quinze ans, le coton burkinabè peut mourir, les cultivateurs s’enliser dans la misère noire. Pour amortir le choc, l’Amérique met sept millions de dollars à la disposition du Burkina pour l’aider à améliorer son coton : ainsi nos responsables gouvernementaux doivent encore dire merci. Thomas Sankara, je pense, n’aurait pas accepté ce cadeau.

- Le 31 mars 2005, un véhicule avec des hommes portant des cagoules circulait dans un quartier de Rio de Janeiro et ces hommes tiraient au hasard : ils ont tué vingt neuf personnes. La police a tué plus de 1 500 personnes à Rio de Janeiro et Sâo Paulo en 2004. Mieux vaut vivre au Burkina Faso.

- Une personne a besoin, en théorie, de 200 kilos de céréales par an, mais quelle famille consomme en pratique 1 tine de mil par personne et par mois ? Le nombre de kilos diminue en fonction de la consommation d’autres nourritures : macaroni, pain, légumes, tubercules et autres. Ensuite, il y a du riz importé. Riz : plus de 10 kilos par personne par an.

Monsieur Salif Diallo dit qu’il y a un excédent de production de céréales de 88 kilos par personne. Si c’est vrai, où sont tous ces surplus d’un million de tonnes de céréales ? Comment alors expliquer le prix d’un sac de mil à 14 000 F CFA contre 12 000 F CFA, il y a deux ans ?

- Le Président du Faso disait, le 31 décembre 2005 : « Dans le partage des fruits de la croissance dont est porteur mon projet de société, personne ne sera laissé pour compte ». En même temps, l’année sociale était marquée par la grogne des syndicats contre le renchérissement du coût de la vie qui s’est encore accentué en 2006. Est-ce le résultat du partage des fruits de la croissance des dix-sept ans de règne de Blaise Compaoré ?

- Monsieur le Premier ministre Ernest Paramanga Yonli dit qu’entre 1998 et 2003 il y a eu une baisse de pauvreté de 4 points (in" L’Evènement" du 10/06/2006), mais l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) dit que dans ce laps de temps la pauvreté a augmenté de 11 points (rapport nov. 2003, page 27).

- Selon Transparency international, c’est la corruption qui sabote la croissance économique et le développement durable et c’est la corruption qui tient des millions de personnes, toujours des petits et sans voix, dans la misère. Le mariage entre corruption et pauvreté semble scellé. Dans ce cas, les plus de 40% de miséreux du Burkina Faso doivent attendre un changement d’orientation du régime. « Heureux celui qui pense au faible, le Seigneur le garde vivant et heureux sur la terre ».

- Même les présidents des pays pauvres peuvent lutter contre la corruption, Mathieu Kérékou a limogé son ministre des Affaires étrangères et Abdoulaye Wade a envoyé devant le tribunal son ancien Premier ministre Idrissa Seck.

- Démocratie : Les Palestiniens ont démocratiquement voté, avec une majorité, en faveur du Hamas. Suite à cette élection, l’Union européenne a bloqué toute aide à la Palestine car les Palestiniens doivent voter comme l’Europe, l’Amérique et Israël le veulent !

Consommons les produits burkinabè, prenons notre destin en mains propres.

Bonne nouvelle : on commence à réfléchir sur la possibilité de supprimer la fête de la bière.

F. Balemans

Le PAys



Vos commentaires

  • Le 3 août 2006 à 13:42, par Abraham En réponse à : > <I>Droit dans les yeux </I> : Un monde d’anomalies

    Père Balemans ; toujours aussi modeste, critique, objectif et véridique.
    Que Dieu vous garde et vous bénisse.

    Et si le président du Faso vous lisait..., quel espoir...! Amen.