![]() Afrique : L’extrême pauvreté est en augmentation ces 25 dernières années, mais des pays comme le Libéria, le Burkina et le Maroc réussissent à se sortir du lot (Afrobarometer)Le taux de pauvreté extrême est en hausse en Afrique. C’est ce qui ressort d’un récent rapport d’Afrobarometer (2021-2023) selon lequel 24% des Africains vivent aujourd’hui dans une pauvreté sévère. C’est le niveau le plus élevé enregistré depuis 1999. En d’autres termes, le taux de personnes vivant dans une situation de manque grave de besoins de première nécessité a atteint son niveau moyen le plus élevé des 25 dernières années. Afrobarometer a interrogé plus de 53 000 Africains à travers 39 pays. Ce qui a permis de montrer une nette dégradation des conditions de vie. 81% des personnes interrogées déclarent avoir manqué d’argent au moins une fois dans l’année. Plus de 66% ont été privés de soins médicaux, et 59% ont souffert de faim. « La pauvreté vécue a atteint son niveau moyen le plus élevé depuis 25 ans », cerne le rapport. En moyenne, à travers 30 pays sondés régulièrement depuis 2011/2013, environ trois quarts, ou plus, des répondants ont dit avoir manqué de revenus en espèces au moins une fois au cours de l’année précédente, avec une augmentation de sept points de pourcentage depuis 2014/2015. La privation augmente également, en moyenne, pour les quatre autres besoins fondamentaux par rapport à 2014/2015, le « manque » est en hausse de 15 points pour les soins médicaux, de 13 points pour la nourriture, de 12 points pour le combustible de cuisson et de 9 points pour l’eau potable. Selon l’étude, plusieurs facteurs expliquent cette détérioration. Il s’agit de l’inflation et de la stagnation économique. En effet, révèle le rapport, depuis le milieu des années 2010, la croissance africaine a ralenti. La flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie a réduit le pouvoir d’achat des ménages. La corruption et la mauvaise gouvernance font partie des facteurs de cette détérioration. En effet, dans plusieurs pays, les ressources publiques sont mal utilisées, limitant l’impact des politiques sociales.
La pauvreté vécue varie considérablement à travers le continent en termes d’ampleur, d’intensité et de trajectoire. Par exemple, au cours de la dernière décennie, la pauvreté vécue a diminué au Libéria, au Burkina Faso, au Togo, au Gabon et au Maroc, alors qu’elle a beaucoup augmenté au Nigéria, en Namibie, au Mali, au Zimbabwe et en Afrique du Sud. « Si l’ensemble du continent est touché, certaines nations souffrent plus que d’autres. Entre 2019 et 2023, 21 des 34 pays sondés ont vu leur niveau de pauvreté vécue augmenter. Parmi eux, le Nigeria, la Namibie, le Mali, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. À l’inverse, quelques pays comme le Libéria, le Burkina Faso et le Maroc ont réussi à stabiliser, voire réduire, la pauvreté vécue », peut-on nuancer. Face à cette tendance alarmante, qui remet ainsi en cause les progrès des décennies précédentes, alors que jusqu’en 2015, l’Afrique semblait sur la bonne voie, des politiques publiques fortes et adaptées sont nécessaires pour inverser la tendance, préconise le rapport. En clair, il est recommandé aux gouvernements africains d’investir massivement dans les filets sociaux, pour protéger les populations les plus vulnérables ; lutter contre la corruption, afin d’assurer une meilleure répartition des richesses ; soutenir le secteur agricole, en renforçant la résilience face aux changements climatiques. « Mais ces efforts ne suffiront pas sans une coopération internationale accrue. Les institutions financières et les pays partenaires de l’Afrique doivent accompagner ces réformes avec des financements et des programmes de développement ciblés. L’Afrique est à un tournant. Le continent doit agir vite pour éviter une aggravation de la crise sociale. L’heure est à l’action, et non plus au constat », alerte le rapport, qui dispose clairement que sans changements majeurs, des millions d’Africains risquent de basculer dans une précarité encore plus grande. Pour mémoire, Afrobarometer (Afrobaromètre) est un réseau panafricain et non-partisan de recherche par sondage qui produit des données fiables sur les expériences et appréciations des Africains, relatives à la démocratie, à la gouvernance et à la qualité de vie. Neuf rounds d’enquêtes ont été réalisés dans un maximum de 42 pays depuis 1999. Les enquêtes du Round 9 (2021/2023) couvrent 39 pays. Les partenaires nationaux d’Afrobarometer réalisent des entretiens en face-à-face dans la langue de choix du répondant, avec des échantillons représentatifs au niveau national qui produisent des résultats nationaux avec des marges d’erreur de +/-2 à +/-3 points de pourcentage à un taux de confiance de 95%. Oumar L. Ouédraogo Lefaso.net Vos réactions (2) |