Création de l’AES : « Il y a beaucoup d’espoir de création d’une monnaie commune », soutient le Pr Talardidia Thiombiano
mardi 8 octobre 2024.
En marge des journées nationales d’engagement patriotique et de participation citoyenne, le Pr Talardidia Thiombiano, ancien membre du Conseil national de la révolution (CNR) dirigé par le président Thomas Sankara, a animé le 3 octobre 2024, une conférence publique sur les orientations de la politique économique de la révolution d’août 1983. Pour lui, même s’il n’y avait pas d’insécurité sous Thomas Sankara, il y a des similitudes entre les orientations économiques de l’époque et celles menées actuellement sous le leadership du capitaine Ibrahim Traoré. Le Pr Talardidia Thiombiano a laissé entendre également que si le CNR n’a pas réussi à créer une monnaie nationale pour diverses raisons, il y a beaucoup d’espoir de création d’une monnaie commune avec l’avènement de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Cette conférence panel organisée pour réhabiliter et sauvegarder l’héritage du père de la révolution burkinabè, le président Thomas Sankara, a porté sur le thème : « Vision et orientation politiques de la révolution de 1983 à nos jours ».
Le Pr Talardidia Thiombiano, ancien membre du Conseil national de la révolution (CNR), s’est attardé sur les questions économiques de la révolution démocratique et populaire d’août 1983. Il s’agit notamment des grandes orientations de politique économique, la révolution démocratique et populaire et les relations internationales, les orientations économiques de 1987 à nos jours.
Le présidium lors de cette conférence panel
La révolution d’août 1983, une révolution avec une politique de développement endogène et de croissance auto-entretenue
Pour le Pr Thiombiano, sa communication est centrée essentiellement sur les questions économiques, quels étaient les grands axes du CNR en matière de politique économique ? Et selon ses explications, ces axes de la politique économique du CNR sont repartis au niveau global, ensuite au niveau des régions et aussi au niveau des individus.
« Au niveau global, c’est ce qu’on appelle la macroéconomie. A l’époque, le Burkina Faso était l’un des pays les plus pauvres du monde avec un taux de scolarisation faible, le revenu moyen par habitant ne dépassait pas 150 dollars, les voies d’accès entre les différentes villes étaient défectueuses, etc. Au vu de tout ça, le CNR a estimé qu’il fallait entreprendre une politique de développement des routes, de désenclavement. Dans ce désenclavement, il y avait non seulement les routes mais aussi le chemin de fer tel que Ouaga-Tambao. Il se n’agissait pas seulement d’exploiter le manganèse mais ça devrait avoir un prolongement jusqu’au Niger pour faire une ouverture avec les pays voisins », a-t-il expliqué.
« L’autre aspect que j’ai appelé mésoéconomie, c’était tout simplement au niveau du développement des entreprises, au niveau des régions en particulier. Qu’est-ce qu’il fallait faire ? D’abord l’investissement humain au niveau des masses pour mettre en pratique les plans quinquennaux de développement. Mais ce développement ne devrait pas venir de l’Etat, ce sont les masses qui doivent prendre l’initiative. Si vous voulez construire une école, vous devez trouver les voies et moyens, l’Etat ne peut pas aller prendre un crédit pour construire une école. Comment il va rembourser ? C’est la même chose pour les dispensaires », a ajouté le Pr Thiombiano.
Selon le Pr Talardidia Thiombiano, au niveau des individus, il s’agissait de faire en sorte que les gens aient confiance en eux-mêmes, à la capacité de pouvoir se développer à travers le slogan « Consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons ». « Tout ce que nous voulons produire, il faut que ça soit voulu par nous, ce n’est pas pour exporter. C’est d’abord pour consommer au niveau national, ensuite, pour vendre aux autres pays africains et subsidiairement, on pourrait vendre au plan international. On doit produire ce qui va nous permettre d’éviter d’importer. Avec les importations, on n’économise pas des devises. Si on n’économise pas des devises, cela veut dire qu’on ne peut pas acheter des machines à l’extérieur pour pouvoir vraiment nous industrialiser. C’était une politique de développement endogène et de croissance auto-entretenue et surtout de produire ce dont nous avons besoin et ce que nous voulons consommer et ne pas attendre qu’on nous impose ce que nous devons produire et ce que nous devons consommer », a-t-il précisé.
Similitudes entre les orientations économiques du CNR et du MPSR 2
Le Pr Thiombiano a également essayé de faire le parallèle entre la politique économique de l’époque et celle menée aujourd’hui sous la présidence du capitaine Ibrahim Traoré. A l’en croire, c’est vrai que les contextes ne sont plus les mêmes mais il y a des similitudes.
Le Pr Talardidia Thiombiano voit des similitudes entre les orientations économiques de la révolution du 4 août 1983 et celles conduites aujourd’hui par le président Ibrahim Traoré
« A l’époque de la RDP, il n’y avait pas de terrorisme, l’insécurité, donc on pouvait mettre l’accent exclusivement sur le développement avec la mobilisation des masses pour l’économie. Mais aujourd’hui, dans un premier temps, il faut mobiliser les masses pour pouvoir effectivement défendre l’intégrité territoriale du pays et on n’oublie pas qu’en même temps qu’on mobilise les masses pour défendre l’intégrité territoriale du pays, il faut aussi produire pour consommer, pour pouvoir exporter, transformer, etc. Quand on regarde aujourd’hui la politique qui est suivie par le président Ibrahim Traoré, on sait que c’est dans cette lignée, parce que dans un premier temps, il essaie d’abord de chercher à sécuriser le pays et dans le même temps, il essaie de dire aux gens de produire. Au niveau du secteur agricole, il y a eu de nombreux projets qui sont lancés. Au niveau également industriel, il y a aussi la transformation des produits de l’agriculture en produits industriels. Donc une combinaison entre l’agriculture et l’industrie, ce qui était aussi une philosophie de la RDP de Thomas Sankara. Par conséquent, il y a des similitudes. Un dernier point, c’est compter toujours sur ses propres forces, ne pas attendre que l’extérieur vienne nous dire ce qu’il faut produire, ce que nous devons manger, etc. Si nous avons besoin de manger quelque chose, nous devons chercher à produire et non à importer », a-t-il longuement exposé.
Création de l’AES et espoir de création d’une monnaie commune
A en croire le Pr Talardidia Thiombiano, si la Révolution démocratique et populaire du président Thomas Sankara n’a pas pu se doter d’une monnaie en raison de son isolement et de la pression internationale, avec la création de l’AES, il y a beaucoup d’espoir de création d’une monnaie commune. « A l’époque de la révolution démocratique et populaire, c’est parce que le Burkina Faso était un seul pays isolé qui pouvait subir toutes les sanctions des pays occidentaux et des pays voisins. Aujourd’hui, on se rend compte qu’avec trois pays qui ont des similitudes, créer une monnaie devient une priorité. Aussi, à l’époque par exemple de la révolution, on n’avait pas encore découvert suffisamment de ressources minières en particulier l’or. L’or, ça peut servir de garantie à la création d’une monnaie. Mais indépendamment de l’or, on a d’autres ressources naturelles au sein de l’AES comme le pétrole », a-t-il indiqué.
Vue des participants à cette conférence panel
« Toutes ces richesses mises ensemble, ça peut nous garantir une certaine solidité monétaire, parce que la monnaie avant tout, c’est la confiance. Aussi, il faut produire parce que si vous avez votre monnaie et vous ne produisez rien, personne n’a besoin de votre monnaie. Par contre, si vous produisez beaucoup de choses, les gens vont vouloir venir acheter. Donc, ils vont demander votre monnaie et c’est comme ça que la monnaie va avoir effectivement une certaine notoriété au plan national et international », a précisé le Pr Talardidia Thiombiano.
Mamadou Zongo
Lefaso.net
Vos réactions (7)
par Jean l’Original, 9 octobre 2024 03:40
Beaucoup d’espoir de création d’une monnaie unique ? Professeur vous allez trop vite !
Tant et aussi longtemps que les populations n’auront pas élues des gouvernements démocratiques au Burkina, Mali et Niger tout tentative de créer ex nihilo une monnaie sahélienne sera illégitime et illégale et surtout non crédible. C’est une monnaie futuristique qui ne vaudra pas plus que le papier sur lequel il sera imprimé !
J’ai l’impression que la démocratie est devenue même le Dieu vivant de certaines personnes. Juste rappeler qu’à la création du franc CFA que vous adorez tant il n’y avait pas de régime démocratique ni dans les colonies, ni même en France. La seule vraie vérité qui tienne, c’est qu’il faut produire suffisamment pour soutenir la nouvelle monnaie. Il y aura problème si nous créons notre nouvelle monnaie et nous n’avons rien à vendre. Alors que nous avons l’or, le pétrole, le coton, l’uranium, le bétail, ....... il reste la volonté et le courage politique qui pointent à l’horizon.
Pr, merci pour cet éclairage. Le CNR était-il aussi isolé que ça ?
Dites-nous comment SANKARA a œuvré pour amener le Mali dans le giron du Franc CFA.
A l’heure des grands ensembles, dites comment un sous ensemble aussi petit que l’AES va faciliter une intégration économique. Personnellement, sans être un spécialiste de la monnaie, je préfère un grans ensemble plus grand que la CEDEAO pour un monnaie commune. Imaginer une monnaie AES (trois pays) à côté du Franc CFA, des monnaies du Ghana, du Nigéria, de la Guinée Conakry, ... pays ou espaces avec lesquels nous entretiendrons forcément des relations économiques compte tenue de l’importance de nos communautés qui y résident.
Faut-il abandonner le franc CFA par souverainisme ou pour les intérêts des nations ?
Il ne faut pas choisir une monnaie pour venir nous dire demain qu’elle est faible, qu’elle ne favorise pas le développement, les importations, ... C’est une décision qui va engager les générations futures et vous avez intérêt à ne pas vous engager dans une précipitation parce que les hommes forts du moment sont fâchés contre des pays impérialistes.
La sagesse veut que les anciennes générations laissent le temps à la nouvelle de comprendre les mécanismes monétaires, tout en recherchant l’union avec de grans
...... la monnaie avant tout, c’est la confiance. Aussi, il faut produire parce que si vous avez votre monnaie et vous ne produisez rien, personne n’a besoin de votre monnaie. Par contre, si vous produisez beaucoup de choses, les gens vont vouloir venir acheter. Donc, ils vont demander votre monnaie et c’est comme ça que la monnaie va avoir effectivement une certaine notoriété au plan national et international », a précisé le Pr Talardidia Thiombiano.
Je reviens à la charge. Au niveau local nous avons des économies qui ont du mal à décoller. Il n’y a pas d’intégration africaine et on va encore accuser l’impérialisme.
Imaginez que vous voulez aller en Afrique centrale en avion, on va vous balader dans plusieurs capitales avant que vous n’arriviez à destination. Les billets plus chers dans les vols interne plutôt que vers l’Europe ou les Etats Unis.
Imaginer la souffrance d’un éleveur qui veut vendre son bétail vers la Côte d’Ivoire, le Nigéria le Ghana ou la Guinée. Une fois qu’il a franchi les cordons douaniers, il a de l’argent entre ses mains.
1. En Côte d’ivoire il peut déposer l’argent dans un compte en Francs CFA.
2. Au Ghana, au Nigéria ou en Guinée, il faut convertir cet argent et en donner pratiquement près de 10% que des banques gagne sans avoir participé à la souffrance de l’éleveur.
Si vous voulez changer de monnaie pour enrichir les banques, épargnez-nous de votre souveraineté qui n’a pas sa place autre que politique. Est-ce la monnaie est un outil des peuples ou un outil des politiques. Ce que vous reprochez à la CEDEAO, vous n’allez pas nous reconduire ça à travers la monnaie.
Les hommes politiques aussi grands, intelligents, influents et forts sont mortels et finissent par rendre le tablier. Les nations demeurent. Ne nous mettez pas dans des cycles d’éternel recommencement.
Si l’UEMOA ne pèse pas économiquement devant le Nigéria, est-ce que les trois pays de l’AES feront le poids ? Nous voulons des politiques sérieuses et non souverainistes. A ce rythme les états de l’AES finiront par devenir des pays communistes.
Mon professeur, heureux de vous voir en bonne santé et toujours actif. Je sais que les "jeunes" là sont venus vous voir juste pour que vous leurs dites ce qu’ils veulent entendre, mais pas pour que vous leurs dites la vérité. Hum, vous avez bien fait, ayant traversé les exactions des révolutionnaires vous savez faire face à ces pseudo révolutionnaires, longue vie à vous.
C’est normal que les descendants des esclavagistes soient dans le désarroi quand on évoque la.creztiln d’une monnaie quelconque. C’est très doux de dormir et de se lever pour imprimer de la monnaie pour une quinzaine de pays africains, de décider de leur sort en leur imposant une d’évaluation quand on veut, de décider quand on déclare qu’un pays comme le Mali, le Niger ou le Burkina est récession, de convoquer une réunion à Paris ou à Londres pour fixer le prix du café ou du cacao, etc. Alors quand on est certain de perdre tous ces privilèges, on ne peut que réfugier derrière un manque de démocratie pour rejeter la création d’une monnaie ! Mrs les spécialistes en toutes sciences, allez boire l’eau fraîche pour vous consoler car vous ne pourrez rien, le sort du CFA est scellé et il va mourir de sa belle mort. A vouloir trop gagner on finit par tout perdre. En attendant, ces pauvres pays de l’AES vous demandent de partir et de les laisser dans leur misère, vous demande de ne plus parler en leur nom et c’est tout ! Merci Professeur pour ces éclairages supplémentaires ! Que Dieu fasse que, malgré votre grand âge, vous puissiez voir cette nouvelle monnaie circuler sur votre sol natal !